« FTX ne pouvait pas survivre » par Philippe Herlin

10/12/2022

La faillite de FTX, deuxième plateforme mondiale d’échange de cryptomonnaies, a récemment défrayé la chronique. Va-t-elle en entraîner d’autres en cascade ? L’avenir des cryptos est-il compromis par cet événement? QG s’est entretenu avec Philippe Herlin, docteur en économie et spécialiste du bitcoin. Pour cet expert, l’entreprise fondée par Sam Bankman-Fried n’a jamais respecté l’esprit de la cryptomonnaie, son patron était un escroc, et cet effondrement était prévisible

L’annonce de la faillite de la société états-unienne FTX, le vendredi 11 novembre dernier, a éclaté comme un coup de tonnerre dans ce secteur, celle-ci étant la deuxième plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde, derrière Binance, qui a du reste aussi joué un rôle dans ce désastre. Cette faillite va-t-elle en entraîner d’autres en cascade ? L’avenir des cryptos est-il compromis? Pour le savoir, QG s’est entretenu avec Philippe Herlin, docteur en économie au CNAM et auteur de « Bitcoin : comprendre et investir » aux éditions Eyrolles. L’expert estime que cette faillite n’est qu’un début car « une cinquantaine de gros créanciers » de FTX sont impliqués. Il est néanmoins convaincu que les cryptomonnaies, en tant que telles, ne sont pas fondamentalement remises en cause aujourd’hui, en dépit de la gravité de la faillite de la plateforme. Interview par Jonathan Baudoin

Philippe Herlin est docteur en économie au Conservatoire national des Arts et Métiers et auteur de « Bitcoin : comprendre et investir » (Eyrolles, 2021)

QG: Comment analysez-vous la faillite de la plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX ?

Philippe Herlin: Tout d’abord, il faut bien comprendre que FTX était une plateforme centralisée, ne fonctionnant pas selon l’esprit des cryptomonnaies. Ce n’est donc pas la logique de ces dernières qui est remise en cause contrairement à ce qu’on a pu lire ici ou là, parce que les cryptomonnaies fonctionnent grâce à la blockchain, c’est-à-dire une technologie de stockage entièrement transparente et sécurisée, où l’on peut suivre les mouvements de fonds, sans organe central de contrôle. Pas forcément identifier nominativement chaque mouvement, mais au moins voir les mouvements de fonds importants. FTX, elle, fonctionnait comme une banque classique. On ne pouvait pas savoir ce qui se passait à l’intérieur. Or on a découvert que c’était géré par quelqu’un de foncièrement malhonnête (Sam Bankman-Fried, fortune estimée avant la faillite à 17 milliards de dollars, NDLR) . Ce sont, malheureusement, des choses qui arrivent depuis le début de la finance, depuis le début de la banque. Les cryptomonnaies ne sont pas remises en cause sur le fond ici, c’est important à dire.

QG : Est-il exact que la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance, rivale de FTX, a joué un rôle dans la faillite de cette dernière ?

Binance a joué un rôle en accélérant les choses.? Un média américain appelé CoinDesk a révélé que FTX et Alameda, sa filiale principale, détenaient beaucoup de FTT (la cryptomonnaie utilitaire de FTX permettant de réduire les frais engendrés par les transactions, NDLR), ceux-ci servant de garantie à des emprunts. C’est comme si on émettait sa propre monnaie pour servir de garantie. Binance, le numéro un du secteur, étant également propriétaire d’une partie du capital de FTX, a décidé de le revendre. En échange, FTX a fourni à Binance des dollars et des FTT. Quand le patron de Binance a vu ça, il s’est dit : « Les FTT, ça risque de ne pas valoir grand-chose un jour. Je décide de les vendre. » Il l’a annoncé par un tweet, rendant ainsi le problème public. Il aurait pu faire cela discrètement, au fil de l’eau. Mais non, il publie un tweet pour annoncer qu’il vend ses FTT. Cela a provoqué la panique. Il a une part de responsabilité évidente, en ce sens.

Sam Bankman-Fried ou « SBF », fondateur et patron de FTX

Cependant, même s’il n’avait pas vendu ses FTT ou les avait vendus discrètement, de toute façon, aux vues de la manière dont était géré FTX, la société se serait effondrée un jour ou l’autre. Maintenant que la direction de FTX s’est mise en faillite, dans le cadre du chapter 11 (chapitre 11 de la loi sur les faillites aux États-Unis NDLR), on découvre qu’il n’y a même pas de comptabilité unifiée. Il y a des mouvements d’argent qui ne sont absolument pas référencés. Il n’y pas du tout les liquidités qui étaient annoncées. La situation de FTX était catastrophique et la plateforme se serait un jour ou l’autre effondrée. Si cela n’était pas à cause de Binance, cela aurait été à cause d’autre chose. En fait, FTX ne pouvait pas survivre.

QG : Y a-t-il un risque, avec la faillite de FTX, qu’une crise touche l’ensemble du secteur des cryptomonnaies ? Et si c’est le cas, faut-il prévoir des répercussions sur le reste de l’économie ?

On voit, déjà, que la crise s’est transmise à d’autres sociétés, dans le domaine des cryptomonnaies, parce que beaucoup d’entre elles avaient un compte chez FTX. Par exemple, deux sociétés françaises qui sont touchées. Il y a Coinhouse, anciennement la Maison du Bitcoin, qui avait un programme où les clients pouvaient déposer des cryptos pour toucher des intérêts. C’est ce qu’on appelle le staking. Et ça, ce n’est pas Coinhouse qui le faisait directement. Il prenait l’argent des clients et le déposait chez FTX. Il reversait les intérêts. Il y a également Trading du Coin, qui est lié au Journal du Coin, qui promettait ce type de rendement. Les gens qui ont mis leur argent là-dedans ont tout perdu. Coinhouse a déclaré avoir prévenu par écrit, en bas de page du contrat qu’on signe quand on décide d’activer ces offres, que ce n’était pas eux qui géraient ça, mais une autre société. Donc, il fallait être conscient des risques. C’est comme les contrats d’assurance. C’est écrit en tout petit, et malheureusement on le découvre le jour où ça va mal.

Il y a également beaucoup de fonds et d’autres sociétés dans le monde, qui sont impactés. Et on n’en est qu’au début parce que le liquidateur judiciaire a dit qu’il y a une cinquantaine de gros créanciers de FTX pour plus de trois milliards de dollars. Mais la liste des noms est restée secrète. Du moins, pour l’instant ! Peut-être qu’un jour, nous les connaîtrons. Néanmoins je pense que ceux qui sont dans les 50, ils ne veulent surtout pas que leur nom soit rendu public, parce que cela va provoquer un mouvement de panique total. Leurs propres clients vont essayer de récupérer tous leurs actifs. Et cela peut provoquer des effets en chaîne. Certains se sont annoncés, comme Genesis, comme BlockFi (société qui s’est déclarée en faillite, lundi 28 novembre, NDLR). Mais la très grande majorité n’ont pas rendu public le fait qu’ils avaient des actifs dans FTX et ce sont des dominos qui vont tomber dans les mois qui viennent.

La « FTX arena », deuxième plus grande aréna de Floride, dont la plate-forme de cryptomonnaie a acheté les droits de « naming » pour 135 millions de dollars. Photo : Phillip Pessar

QG : En tant qu’économiste spécialisé dans l’analyse des cryptomonnaies, estimez-vous que celles-ci peuvent devenir moins volatiles à l’avenir, et être un jour plus crédibles en tant qu’alternative aux monnaies « traditionnelles » ?

Les cryptomonnaies cherchent et peuvent devenir plus crédibles que pas mal de monnaies. D’ailleurs, c’est ce que l’on constate déjà. Aujourd’hui, dans beaucoup de pays émergents où la monnaie nationale est mal gérée ou ravagée par l’inflation, comme c’est le cas en Argentine, au Venezuela, en Turquie, dans plusieurs pays d’Afrique, ou dans des pays où le système bancaire s’est effondré comme au Liban, les gens utilisent des cryptomonnaies. Heureusement que les cryptomonnaies existent. Elles apportent un vrai service aux populations.

Pour qu’elles gagnent en popularité, il faut que des malfrats ne puissent plus intervenir sur ce marché. Il faut que les gens comprennent qu’ils doivent aller sur des sites de finance décentralisée, comme Aave, Compound, Maker DAO, où il ne peut pas y avoir de magouilles comme chez FTX. Il faut que les gens prennent leur licence. C’est-à-dire que lorsqu’ils achètent du Bitcoin, de l’Ether ou autre, ils ne laissent pas sur la plateforme, qu’ils les rapatrient sur une clé privée. Comme par exemple c’est possible chez Ledger, qui est une société française leader dans le secteur. Pour qu’on soit vraiment propriétaire. Il faut aller au bout de la logique. On est sa propre banque, avec les cryptos. On peut détenir soi-même ses cryptos, ses bitcoins, et c’est avant tout cela qu’il faut que les gens comprennent.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

Philippe Herlin est économiste, docteur en économie au Conservatoire national des Arts et Métiers. Il est l’auteur de Bitcoin : comprendre et investir (Eyrolles, 2021), Pouvoir d’achat : le grand mensonge (Eyrolles, 2018), L’or, un placement d’avenir (Eyrolles, 2e édition, 2017), Apple, Bitcoin, Paypal, Google, la fin des banques ? (Eyrolles, 2015), ou encore Repenser l’économie (Eyrolles, 2012)

Photo en une : QuoteInspector.com

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3 Commentaire(s)

  1. Soit l’auteur nous prend pour des truffes, soit il est bien naïf…. (je vais utiliser le conditionnel pour ne pas risquer le procès ou la censure mais bon)

    D’abord FTX était en réalité une blanchisseuse qui aurait servi à certains membres de l’état profond américain de blanchir leur argent dont les sommes colossales allouées à l’Ukraine par les « aides » (en réalité des prêts) consentis par les représentants des taxpayers américains. Hélas pour les ukrainiens ils vont probablement rembourser même cet argent qui a disparu (certains sont trop forts dans l’arnaque, ça en devient indécent, qu’en pense Zelenski ?… probablement rien vu les panamas papers et ses villas en Floride ou à Londres). Cet argent aurait arrosé le parti démocrate américain dont le sulfureux clan Biden. Cet argent aurait aussi arrosé la CIA, dont on savait déjà qu’elle donnait dans le narco trafic, et les placements toujours gagnants, d’une manière générale dès qu’il y a un mauvais coup qui peut rapporter gros on retrouve toujours les mêmes quand cette arnaque se passe dans le monde « libre » ou sa zone d’influence. Il est fort probable que FTX ait été liquidé pour effacer les traces et que l’absence de comptabilité était voulue dès le départ. Est-ce à dire que les gagnants de ce système anticipent par exemple une fin du conflit en Ukraine ou une évolution de l’environnement mondial voire national (par exemple les midterms, les éléctions aux USA…) la question est plus là; Pourquoi maintenant ? et où sont-ils à présent ?

    J’ai envie de dire que ceux qui ont été assez stupides pour confier leur argent à un pseudo geek, une caricature, réfugié au Bahamas et qui n’était que la devanture d’un système tenue par des forces plus obscures que l’on connait tous, n’ont que ce qu’ils méritent. A un moment il faut savoir être lucide surtout pour des professionnels ou assimilés.

    Sur les cryptos, je pense qu’il est illusoire pour quiconque de croire que son placement est sécurisé. Attention aux gens de bien savoir lire quand l’auteur dit « une technologie de stockage entièrement transparente et sécurisée, » Il parle de la technologie pas de votre argent !!! Le problème pour quiconque détient ces monnaies virtuelles est de pouvoir protéger son portefeuille, « wallet », or à part des génies de l’informatique et en réalité même eux, je préfère dire à tout le monde qu’aucune personne individuelle ne peut protéger son wallet de la prédation des agences gouvernementales des pays les plus avancés qui peuvent vous piquer votre argent à tout moment. Or on sait très bien qu’il y a des états voyous « La Corée du Nord » n’est-ce pas, et il y a des agences de renseignements voyous. A partir de là personne n’est à l’abri, A bons entendeurs, oublier même les clés privés même imprimer vos clés, certains peuvent se déplacer quand ça en vaut le coup. C’est un piège à gogo. Et certains à l’instar de MacAfee disparaissent de manière bizarre, et j’aimerais bien savoir pour lui qui avait tout son argent en bitcoin, qui a récupéré son wallet après sa mort ? Je doute que ce soit sa veuve.

    Selon les données communiquées par Atlas VPN, le 5 juillet, les cybercriminels ont dérobé 1,97 milliard de dollars de cryptomonnaies au cours du premier semestre 2022. L’écosystème Ethereum a le plus souffert, avec plus de 1 milliard de dollars volés au travers d’une trentaine de piratages.

    Il est certain que certains états ont déjà mis la main sur les monnaies virtuelles, la preuve FTX. En réalité seul le Bitcoin échappe un peu mais bon qui a crée le bitcoin ? Et encore une fois même les possesseurs de bitcoin ne sont pas à l’abri d’un vol. Quant au reste, il faut toujours s’interroger sur qui est derrière. Or loin des écrans de fumés que l’on nous envoi, il est bien impossible à notre pauvre niveau de savoir qui tire les ficelles. C’est pourquoi je ne peux que conseiller de pas être le dindon de la farce.

    Hélas je crains que bientôt nous serons tous les dindons de la Farce, car il est évident que la monnaie fiduciaire va disparaitre, on a déjà l’euro numérique. Et les gouvernements vont bientôt pouvoir fliquer les moindres aspects de nos vies ce qui sans doute développera des monnaies non légales ou le troc, les gens s’échangeront des métaux précieux ou d’autres choses pour ne plus être fliquer. Big brother is watching you, bienvenu dans le nouvel esclavagisme. Les organisations centrales aux confins du mafieux versus la gueusaille. Si on ne remet pas très vite de l’ordre dans les institutions et je le dis il va falloir commencer par les agences de renseignement et tout l’état profond, la situation risque de s’aggraver et des choses horribles du type de la guerre en Ukraine ou toutes les autres guerres pour l’argent et le pétrole ne sont pas à exclure.

  2. Bonjour à toutes et à tous, A l’heure ou il parait qu’il y a urgence climatique, on parle d’une monnaie hyper énergivore, OUARFFF, et je ne parle pas de l’idée qui circule chez certaines et certains gauchistes que çà va faire tomber les banques, REOUARFFFFFF
    A voir le docu suivant sur les possibles arnaques cryptos
    https://www.arte.tv/fr/videos/106718-000-A/crypto-queen-la-reine-de-l-arnaque/
    bonne journée

  3. Depuis quelques temps déjà, les paradis fiscaux sont dans le collimateur; ils commencent à faire tache, trop tache ! Ca ne m’étonnerait pas que les cryptomonnaies soient destinées, aussi, à prendre le relais pour tout type de truandage financier (impôts, trafic d’armes, …). Je lis dans le texte ci-dessus que le traçage individuel des transactions est très difficile. Je crois comprendre aussi (à confirmer) qu’on peut même cacher des milliards de bit coins (blockchains informatiques) sur une clef USB ; vrai ?
    Les gros comptes peuvent dormir tranquilles, le soleil brille toujours à l’horizon ! mais attention tout de même, la maison du soleil levant (the house of the rising sun) c’est pas toujours ce qu’on croit ! https://www.youtube.com/watch?v=4-43lLKaqBQ

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