C’est un projet très contesté qui s’apprête à entrer en vigueur à Londres. A partir du 29 août prochain, la zone ULEZ (ultra low emission zone) – qui pourrait ressembler aux zones à faibles émissions (ZFE) en France -, doit s’appliquer dans tout le Grand Londres. Les automobilistes dont le véhicule n’est pas conforme aux normes de pollution se verront infliger une taxe de 12,50 livres (environ 15 euros) quotidiennement à partir de cette date s’ils utilisent leur véhicule dans la capitale.
Pour punir ces automobilistes, la ville de Londres a installé ces derniers mois près de 2750 caméras de surveillance à reconnaissance de plaque d’immatriculation pour permettre d’identifier les véhicules et vérifier que ces derniers soientt conformes aux règles, ou que la taxe quotidienne ait bien été payée. Selon la mairie de Londres, 1 véhicule sur 10 n’est pas conforme aux règles qui entreront en vigueur à la fin du mois. Au total, environ 200.000 véhicules sur les près de 2,3 millions qui circulent quotidiennement à Londres ne sont pas conformes, indique la même source.
Les voitures à essence fabriquées avant 2006 (norme Euro 4) et les véhicules diesel fabriqués avant 2015 (norme Euro 6) devront ainsi débourser 12,50 livres pour entrer dans la zone. En cas de non-paiement, les automobilistes s’exposent à une amende de 180 livres, qui sera réduite à 90 livres en cas de paiement dans les 14 jours.
Plus de 380 caméras vandalisées
Alors que le maire de Londres, Sadiq Khan, défend un projet essentiel pour réduire les décès liés à la pollution de l’air et lutter contre le dérèglement climatique, une partie des londoniens s’opposent radicalement à la mise en place de cette taxe quotidienne de 12,50 livres en pleine crise du coût de la vie. Ces dernières semaines, un groupe de militants appelé « Blade Runner » a vandalisé des centaines de caméras. Sur des images publiées sur les réseaux sociaux, un « Blade Runner » cagoulé est filmé en train d’utiliser un sécateur pour couper les fils de caméras ULEZ.
Pour saboter les caméras, les méthodes les plus employées par ces activistes consistent à en couper les fils, à peindre l’objectif ou à retirer entièrement l’appareil. Au total, sur les 387 caméras prises pour cible, la police métropolitaine a fait état de 185 câbles détruits, 164 caméras volées et 38 repeintes.
Sur Facebook, plusieurs groupes anti-ULEZ rassemblent à ce jour des dizaines de milliers de membres. Parmi les publications diffusées sur un groupe de plus de 50.000 membres, certaines expliquent comment mettre hors d’usage une caméra, tandis que d’autres montrent des méthodes pour cacher sa plaque d’immatriculation et éviter ainsi la taxe quotidienne de 12,50 livres.
Pour tenter de faire face à la multiplication de ces actes de vandalisme, les autorités travaillent et ont récemment déployé une caméra ULEZ blindée, désormais dotée d’un boîtier en acier à l’arrière pour protéger ses fils.
Société de surveillance
Dernièrement, la mise en place d’une caméra ULEZ dans un cul-de-sac de la ville de Chessington, située dans la banlieue londonienne, a fait polémique sur les réseaux sociaux. Les habitants de cette impasse « dont personne ne connaît l’existence » seront ainsi taxés à hauteur de 12,50 livres par le seul fait de sortir de chez eux si leur véhicule ne respecte pas les futures normes écologiques. Au-delà des taxes imposées aux véhicules polluants, le déploiement de milliers de nouvelles caméras dans toute la ville pose aussi la question de la protection de la vie privée.
Le dispositif de surveillance ne s’arrête pas là. En plus des 2750 nouvelles caméras installées dans les quartiers périphériques de Londres, le dispositif déployé pour faire respecter la zone à très faibles émissions pourrait également comprendre des fourgons équipés de caméras ULEZ qui seraient déployés dans les rues de la capitale britannique.
Face à cette multiplication de caméras en ville, certains londoniens recouvrent parfois même d’autocollants les objectifs pour les mettre hors d’usage. Parmi ces autocollants, on retrouve des slogans contre le maire de la ville avec les mots “FCKU KHAN” inscrits dessus, ou encore contre la surveillance de masse avec les mots « Spy cam » (caméra espion) collés sur les caméras.
En protestation contre ce projet, plusieurs manifestations ont eu lieu ces derniers mois à Londres, ainsi que dans des villes de la périphérie où s’appliquera la zone ULEZ, à partir du 29 août. Selon les chiffres de la mairie, la zone à faibles émissions qui s’étend déjà à 4 millions d’habitants du centre de Londres devrait toucher 5 millions d’habitants supplémentaires avec son extension à la fin du mois.
Luc Auffret
Voilà un fait social très intéressant. Luc nous l’a décortiqué essentiellement en sociologue (merci à lui) pour nous laisser la partie économico-politique.
Pour faire court (et peut-être caricatural/humoristique) je retiendrai ici que les autorités de la cité londonienne (cité financière s’il en est) mettent l’accent sur l’enjeu écologique, enjeu prioritairement porté par les classes moyennes et riches (moins pour les plus riches qui peuvent aller à la campagne), de telle sorte que le financement de cet enjeu écologique, en pourcentage du revenu, soit assuré par les pauvres : changer sa voiture qui date de 2015 n’est pas évident, et là, on le leur impose. Le lumpen prolétariat sans voiture n’est pas concerné financièrement, mais est intéressé à la qualité de l’air en tant que vivant souvent dans la rue (ni voiture, ni vrai logement). Pour une fois, sur cet enjeu, les plus pauvres peuvent rejoindre les plus riches.
Bien que favorable à la démarche écologiste (je trie mes déchets etc …) je constate que ces réglementations écologiques favorisent la consommation renouvelée des biens manufacturés (coût écologique du renouvellement ?) et produisent donc une nouvelle plus value en faveur des classes les plus riches (mais ça fait baisser le chômage disent-elles)(surtout en Chine : merci pour elle).
Tout cela est connu, les compromis sont connus : le vélo à la place de la bagnole etc …mais ça ne va pas pour tirer la caravane, ou pour aller en Ecosse. Les plus riches des bobos auront un vélo électrique et les moins riches un vélo avec des vraies pédales. Malheureusement la voiture à vraies pédales c’est juste pour les enfants de pauvres, mais la voiture à pédales électrique c’est pour demain et pour les riches qui demeurent évidemment les plus grands pollueurs du monde dans l’usage.
Les pauvres paieront en vertu du principe d’égalité entre les citoyens car pour un même délit les amendes sont les mêmes pour les riches et les pauvres : à quand une dose de proportionnalité au revenu imposable dans les contraventions et amendes ?