« L’état d’urgence devient la norme, l’état de droit est désormais l’exception » par Mathieu Slama

10/11/2021

La succession des états d’urgence a considérablement dégradé notre démocratie depuis les attentats et la pandémie. Pire encore, notre conception de la liberté est en train de vriller dangereusement, tendant à devenir non plus un droit garanti par la Constitution, mais quelque chose que le pouvoir vous accordera éventuellement en fonction de votre comportement. Adversaire combattif du pass sanitaire, l’essayiste Mathieu Slama a répondu aux questions de QG

La prolongation de l’état d’urgence et la possibilité de maintenir le pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022, validée hier par le Conseil constitutionnel, dessine un horizon de moins en moins démocratique en France, où les contre-pouvoirs (institutions, partis politiques, syndicats, etc.) ont pour la plupart entièrement renoncé à questionner les décisions verticales du pouvoir depuis le printemps 2020. Dans un grand entretien accordé à QG, l’essayiste Mathieu Slama, enseignant au Celsa, tire la sonnette d’alarme, et appelle les candidats à la présidentielle à clairement se positionner par rapport à l’avenir de nos libertés publiques, notamment en rejetant clairement le principe du pass sanitaire. Interview par Jonathan Baudoin

Portrait de l'essayiste Mathieu Slama sur un plateau télé parlant des stratégies politiques d'Emmanuel Macron pour illustrer son entretien avec QG sur la dégradation de la démocratie en France
Mathieu Slama est essayiste, analyste politique, enseignant au Celsa (École des hautes études en sciences de l’information et de la communication)

QG: Ce 9 novembre, le Conseil constitutionnel a validé le principe du pass sanitaire jusqu’à la fin juillet 2022. Qu’en pensez-vous?

Mathieu Slama : Il fallait rejeter ce texte en bloc. L’idée même du passe sanitaire est indéfendable, ne parlons pas de sa prolongation. Nous voici installés dans une sorte d’état d’urgence sans urgence, c’est-à-dire que le gouvernement, par décret, peut décider , sans contrôle du Parlement, de mesures attentatoires à nos libertés sur le territoire français. Il s’agit d’une loi très inquiétante pour les libertés publiques, dont le Sénat ne nous a pas non plus protégés. On avance encore d’un cran dans la manière de gouverner anti-démocratique, parce qu’on crée une sorte « d’état de vigilance ». C’est un nouveau concept que le gouvernement invente par la même occasion. Le plus grave en effet pour moi, au-delà du pass sanitaire, c’est que ça a pour effet de banaliser la notion d’état d’urgence, de banaliser les mesures attentatoires à la Constitution, à nos droits fondamentaux. On s’installe dans un état d’urgence sans plus trop savoir ce que c’est. Ça devient le paradigme de gouvernementalité normal. On subit des privations de libertés, des mesures attentatoires à toutes nos normes constitutionnelles, que ce soit le confinement, le couvre-feu, le masque obligatoire dehors, dans la rue, le pass sanitaire, et tout cela s’inscrit dans un temps long, où l’état d’urgence devient la norme et l’état de droit l’exception.

Graphique de l'hémicycle du Sénat lors du vote du 28 octobre 2021 pour le prolongement de l'état d'urgence sanitaire et du pass sanitaire. 158 votes "pour" et 106 votes "contre"
Vote au Sénat du 28 octobre 2021 pour le prolongement de l’état d’urgence sanitaire et du pass sanitaire, en première lecture. 158 votes « pour » et 106 votes « contre » (Source: publicsenat.fr)

QG : Depuis le début de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire, et compte tenu des dispositifs utilisés, comme le conseil de défense, quels moyens de contrôle gardent encore les citoyens concernant la gestion de l’épidémie ?

Dans l’absolu, dans une démocratie normale, il y a des contre-pouvoirs. Il y a des choses qui garantissent que le pouvoir ne soit pas dans l’arbitraire. Comme contre-pouvoir, il y a le Parlement ou les cours constitutionnelles comme le Conseil d’État ou le Conseil constitutionnel. Depuis le début de la pandémie, ces contre-pouvoirs ont totalement failli puisqu’ils ont validé toutes les mesures attentatoires aux libertés des citoyens. S’agissant des citoyens eux-mêmes, on pourrait dire que le dernier contre-pouvoir, c’est le peuple, l’opinion publique. Or, on s’aperçoit depuis le début de la pandémie que la majorité des citoyens sont favorables aux mesures restrictives. C’était vrai pour le confinement, pour le couvre-feu, pour les masques, ça l’est pour le pass sanitaire. On voit une grande majorité des citoyens qui sont favorables à ces mesures. Même au niveau du peuple, on voit bien qu’il y a un consentement. Mais ce consentement est, quelque peu, arraché par le pouvoir, par sa manière d’imposer un narratif faussé, du genre: « Si vous n’avez pas de pass, on vous confine ». C’est une forme de chantage. Ce consentement n’est clairement pas libre et éclairé. On avait pu espérer que cet été, avec les manifestations qui ont pris de l’ampleur à la mi-août, il se passe quelque chose, que les citoyens puissent faire comprendre au pouvoir qu’il ne pouvait pas tout faire sans conséquences. Hélas, ça s’est affaibli. Du coup, le pouvoir, aujourd’hui, peut tout faire, sans aucun contre-pouvoir lui faisant face. Il n’y a plus de garde-fous aujourd’hui ! C’est vrai pour la crise sanitaire, comme pour tout le reste. C’est là qu’il faut se poser la question: « Est-ce qu’on est encore en démocratie ? ». Surtout si on met en regard avec le régime d’exception dans lequel on est.

« À l’époque du confinement, c’était « ceux qui respectent les règles et ceux qui ne les respectent pas ». Lors de la campagne de vaccination, c’étaient « les non-vaccinés contre les vaccinés ». Le gouvernement a mis en place une stratégie de management extrêmement agressive, en divisant les Français et en désignant un bouc-émissaire, le citoyen non-responsable »

QG : N’assiste-t-on pas à une illustration de plus de la fameuse « stratégie du choc », théorisée par l’essayiste Naomi Klein, anesthésiant les citoyens dans leur capacité à se révolter contre l’ordre établi ?

Je pense que le gouvernement a mis en place une « stratégie de management », plus qu’une politique à proprement parler, depuis le début de la pandémie. C’est un terme qu’il a lui-même utilisé pour expliquer son action vis-à-vis des citoyens. Clairement, le gouvernement a dépolitisé la pandémie, à travers des mots comme résilience, à travers le chantage à la solidarité, en créant une scission au sein de la population entre les responsables et les irresponsables. À l’époque du confinement, du couvre-feu, c’était « ceux qui respectent les règles et ceux qui ne les respectent pas ». Lors de la campagne de vaccination, c’étaient « les non-vaccinés contre les vaccinés ». Le gouvernement a même mis en place une stratégie de management extrêmement agressive, en désignant un bouc-émissaire : le citoyen non-responsable. Je pense que c’est très important de le dire: c’est une stratégie malhonnête, anti-démocratique, dépolitisant les enjeux. Je pense que de manière générale, c’est exactement ce qu’il avait déjà fait durant les Gilets jaunes. Je pense que tout le monde s’en rappelle. C’est exactement la stratégie qui avait été appliquée, à savoir diaboliser le mouvement, le moquer, le ridiculiser, le mépriser et faire paraître les Gilets jaunes comme des dangers pour la démocratie, alors que ces derniers demandaient plus de démocratie.

Néanmoins, je pense qu’il ne faut pas tomber dans l’excès, qui serait de dire : « Tout est la faute du gouvernement, de sa stratégie mise en place ». Il y a aussi quelque chose qui s’est joué dans cette histoire, qui est que, d’une part, une pandémie fait peur et on peut comprendre que la population demande des mesures de protection. Je pense que ça a mis une loupe sur un phénomène qui préexistait très largement: on se rend compte que beaucoup de Français, voire la majorité, ont une demande de protection, de sécurité supérieure au souci de leurs libertés. On voit que les Français plébiscitent assez volontiers, de manière générale, les mesures sécuritaires qui sont attentatoires à l’État de droit et aux libertés individuelles. Encore une fois, la demande de sécurité, le besoin de protection, ont tendance dans notre société à supplanter le goût de la liberté qui implique des risques. C’est là où je pense qu’il y a quelque chose qui s’est perdu dans notre société. Les droits fondamentaux, l’État de droit, la Constitution ne sont pas des choses accessoires. Au contraire, elles seules protègent le peuple de l’arbitraire du pouvoir.

QG : Quelles sont les oppositions politiques, syndicales, ou individuelles, qui résistent encore un tant soit peu à l’état d’urgence sanitaire ?

C’est une bonne question. Il y a quelques syndicats qui se sont opposés au pass sanitaire. Je crois que certaines branches de la CGT s’y sont opposées. Mais globalement, les directions confédérales des syndicats, soyons honnêtes, ont été très molles dans cette histoire. Pour plusieurs raisons, sans doute. Il faudrait leur demander directement. En tout cas, les syndicats n’ont pas suffisamment joué leur rôle, sachant que le droit du travail a été gravement remis en cause dans cette histoire. Il y a des gens qui ont été suspendus de leur travail parce qu’ils refusaient la vaccination. Il y a des atteintes manifestes au droit du travail qui ont eu lieu. Il y a des avocats et juristes, par ailleurs, qui se mobilisent sur ces questions-là, notamment les spécialistes en droit du travail qui ont effectué un boulot extraordinaire. Mais c’est vrai que globalement, on aurait aimé qu’il y ait plus de mobilisation syndicale.

L’été 2021 a été marqué par de fortes mobilisations sociales sur tout le territoire français, en opposition aux mesures gouvernementales annoncées en juillet comme le pass sanitaire obligatoire ou la suspension de salaire pour les personnels de santé non vaccinés

D’un point de vue politique, c’est compliqué. Je pense que la droite et ses candidats à la primaire ont globalement soutenu les mesures de restriction, à part quelques exceptions comme François-Xavier Bellamy ou quelques sénateurs. À gauche, le PS était favorable à l’ensemble des mesures de restriction et même à la vaccination obligatoire. C’est plus compliqué pour la France Insoumise. Elle a aujourd’hui une position contre le pass sanitaire, contre l’état d’urgence sanitaire. Mais la FI a mis du temps à se rendre compte de la gravité de la situation. Je rappelle que lors du premier confinement, Jean-Luc Mélenchon a appelé au respect des règles, sans voir qu’il y avait derrière cette mesure quelque chose de tout à fait anti-démocratique, qui posait d’énormes problèmes au niveau constitutionnel, et des libertés publiques. C’est vrai que globalement, il y a assez peu d’opposition à ce qui se passe. Après, dans les médias, il y a quelques oppositions qui s’expriment.

QG : Avec l’instauration de l’état d’urgence à partir du 14 novembre 2015, sa transposition partielle dans le droit commun depuis l’été 2017 et ce nouvel état d’urgence sanitaire depuis mars 2020, peut-on dire que la France est encore une démocratie et quelles conséquences ces états d’urgence successifs ont-ils déjà eu sur notre vie collective ?

Très bonne question. Depuis cinq-six ans, on a vécu la moitié du temps sous état d’urgence. On peut considérer que celui-ci s’est banalisé. Je rappelle que certains parlementaires LREM voudraient même que le pass sanitaire soit introduit dans le droit commun. C’est un phénomène de long cours qui consiste à non seulement banaliser le recours à l’état d’urgence, mais également à éventuellement inscrire certaines dispositions dans le droit commun, toujours au nom de l’urgence, au nom de la nécessité, au regard de certains risques. Que ce soit le terrorisme, l’insécurité ou la santé. C’est un phénomène qui a commencé avant Macron, avec les attentats, et qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui.

Alors je voudrais faire une remarque, qui me paraît importante. Aujourd’hui, on considère qu’en temps de crise, les démocraties ne fonctionnent plus, qu’il faut en passer par des mesures d’urgence attentatoires aux libertés. Soit la démocratie est insuffisante, soit elle est un obstacle pour résoudre des crises. Déjà, ça pose un problème parce que c’est justement en temps de crise que les droits fondamentaux sont là pour nous protéger de l’arbitraire de l’État. C’est le choix qui a été fait par rapport à la pandémie. On a décidé de ne pas répondre à l’urgence pandémique par la démocratie! Ça devrait nous inquiéter parce qu’on est en train de changer de paradigme politique, où l’état d’exception devient, en quelque sorte, la réponse naturelle aux crises, sachant que nous vivons une période où il n’y a que des crises, à savoir le terrorisme, l’insécurité, santé, climat.

Ça veut dire que pour répondre à la crise climatique, qui n’est pas des moindre elle non plus, et à laquelle il va falloir répondre, on va nous dire qu’il faudra aussi passer par un état d’exception? On voit bien la pente de cette réflexion. Potentiellement, la démocratie devient une exception et l’exception, la norme. C’est la thèse du philosophe italien Giorgio Agamben, qui alerte sur cette question depuis les années 1990, sur le fait que l’état d’exception tend à devenir une nouvelle norme. C’est quelque chose qui n’est donc pas nouveau mais qui aujourd’hui se traduit de manière spectaculaire, notamment avec cette pandémie. C’est un changement de paradigme total. La démocratie devient une variable d’ajustement, quelque chose de relatif.

Et puis, il y a changement de paradigme total dans la conception que l’on a de la liberté aussi. C’est peut-être ça le plus grave d’ailleurs. Au-delà des questions juridiques, de la forme de gouvernement, de l’état d’exception, aujourd’hui, très concrètement, la conception de la liberté, telle qu’elle découle de la Déclaration des droits de l’homme, affirmant que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, est en train de disparaître. On est en train d’adopter une conception de la liberté comme quelque chose que le pouvoir accorde en fonction du comportement. Le pass sanitaire est la manifestation monstrueuse de cette conception. C’est-à-dire : « On vous donne votre liberté, à condition que vous vous comportiez de la manière qu’on veut ». C’est à la fois une mesure disciplinaire, comme le dit Michel Foucault, et une logique de renversement de la notion de liberté. C’est ça qui est inquiétant car on touche à tous nos fondamentaux et à des choses qui ont été vraiment le cœur de la France, et des combats politiques dans notre pays.

« Au-delà des questions juridiques, de la forme de gouvernement, de l’état d’exception, aujourd’hui, très concrètement, la conception de la liberté, telle qu’elle découle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est en train de disparaître. »

QG : Est-ce que vous pensez que les personnes officiellement candidates à la présidentielle 2022 se montrent à la hauteur des enjeux que soulève l’état d’urgence sanitaire, notamment en matière de libertés publiques ?

La campagne n’a pas officiellement commencé, mais l’on voit ce qui est en train de se mettre en place, indépendamment des qualités de chaque candidat. La campagne est axée sur des thématiques ultrasécuritaires, liées à l’idée de « donner plus de pouvoir au pouvoir ». Le climat général de ce début de campagne est dans la surenchère sécuritaire, et clairement pas en faveur des libertés publiques. Il n’y a d’ailleurs pas un mot de la part des principaux candidats sur la question des libertés. À droite comme à gauche, je ne vois pas de candidat qui dise : « Le problème fondamental aujourd’hui, c’est la question de l’état de droit et de nos libertés. On va essayer d’en faire un thème de campagne ». Pour l’instant je ne vois pas ça, même à la gauche de la gauche, où la question du pouvoir d’achat, qui est évidemment très importante, domine. Je ne vois personne de crédible qui porte la question des libertés parce que certains doivent y voir, je pense, un côté trop abstrait, là où les Français attendent des mesures concrètes, pragmatiques.

Je pense que c’est une erreur de réfléchir comme ça parce que, d’une part, les principes sont importants. Les droits fondamentaux, l’état de droit, c’est ce qui nous protège de l’arbitraire. Et d’autre part, les libertés ne sont pas quelque chose d’abstrait. On a vécu des privations de liberté au quotidien pendant la pandémie. Cela a créé des inconvénients dans la vie de chacun. Les confinements ont eu des effets psychologiques désastreux. Il y a des gens qui ont fait de la prison ferme pour avoir violé à plusieurs reprises le confinement. Il y a une société extrêmement policière qui s’est mise en place, avec les attestations de sortie, puis le pass sanitaire, et les contrôles du QR code. Ce sont des choses très concrètes. J’aurais aimé que certains candidats se disent : « C’est peut-être là, quand même, le sujet plus fondamental qu’on est en train de vivre ». Mais je suis assez pessimiste sur la résistance à l’ordre policier en train de se mettre en place.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

Mathieu Slama est essayiste, analyste politique, enseignant au Celsa (École des hautes études en sciences de l’information et de la communication).

11 Commentaire(s)

  1. Article minable, sans aucune nuance, sans problématisation de la question. De la part d’un enseignant d’une certaine école des « hautes » études, ça vole bas, ça craint !
    Sécurité et liberté sont deux enjeux non exclusifs cad qu’il s’agit de les concilier, parce qu’ils sont conciliables : c’est la base de l’action politique; ce n’est pas l’une ou l’autre, c’est évidemment les deux ! Sécurité et liberté ne sont pas des variables binaires, même si par certains côtés elles sont effectivement plus incrémentales que continues. Mais l’incrémental laisse des marges importantes dans l’équilibre des deux.
    Je n’affirme pas qu’il n’y a qu’une façon de concilier les deux : selon telle ou telle tendance politique on fera tel ou tel choix; mais là c’est une approche Bolsonarienne : liberté covidienne, oui, sécurité covidienne, niet.
    Que c’est triste !

    1. Je comprends le côté désagréable de cet article pour ceux qui s entendent dire que l acceptation du pass c est l acceptation à la soumission a l Etat totalitaire. Pire: que cette acceptation de la part d une majorité de la population aux atteintes de leur propres droits citoyens est manifeste dès le début de la pandémie. Mais je conseille vivement la lecture du livre « recidive: annee 1938 » de Mickaël Foessel pour bien mesurer vers quoi on risque de glisser inexorablement.

      1. Merci Michel Marti de cette remarque. Je vais essayer de me référer au livre « récidive 1938 », mais je subodore déjà qu’il fait référence à ce qu’Anne Lacroix-Riz a évoqué dans son entretien d’hier avec Aude, à savoir que la situation actuelle est un prélude à la fascisation ou à la guerre, semblablement à ce qui s’est passé dans les années 30 ! J’ai juste ?

        C’est une hypothèse plausible, j’en conviens, mais ça ressemble tout de même un peu aussi aux fameux signaux faibles de l’éternel « cavapétisme » (ici inversé). Inversé ? Oui ! Et s’il faut dire le fond de ma pensée je vais le dire.

        Le discours antivax/pass émane de catégories sociales bien définies (voir une enquête sérieuse dont QG a rendu compte), à savoir petits industriels et grands diplômés du supérieur, n’ayant pas grand chose à voir avec les GJ, même si il y a des convergences de circonstances dans certaines manifs : il s’agit juste, là, d’un melting-pot de mécontents de tous bords, sans aucune unité idéologique. Les Gilets jaunes disent « liberté financière », les antipass, bien dotés financièrement, disent, eux, « liberté de mouvement et de rencontre » sans précaution particulière. Bref, des anarchistoïdes.

        Pourquoi évoqué-je cette dernière question ? Pourquoi me parait-elle importante ?
        Parce que l’idéologie des antivax/pass ne consiste certes pas en l’idéologie de la surveillance, mais elle est néanmoins profondément de droite, cad individualiste d’abord, et adepte du darwinisme social (loi de la jungle, de la nature) ensuite : en cas de fascisation, ils seraient du côté des fascistes. J’en connais énormément de ces antivax ; leur credo, c’est qu’il faut laisser faire la nature ; ils carburent tous aux herbes médicinales, afin de renforcer leur immunité ; les plus faibles doivent disparaitre ; c’est naturel, donc c’est bien ! Quand je dis que je suis communiste, il faut voir la gueule qu’ils font ! Et silence ! Lourd le silence !

        Par ailleurs, l’idéologie de « la liberté plutôt que la sécurité » est typiquement une idéologie de droite ; la droite c’est, depuis toujours, l’idéologie du mérite (le mérite compte en effet), mais leur mérite à eux consiste en « la prise de risque »: « les riches méritent d’être riches car ils prennent des risques : risques boursiers, risques industriels ». Le risque s’oppose à la sécurité. Or, ce que revendique l’ouvrier et même le gilet jaune c’est une certaine sécurité; la liberté d’être pauvre, ils n’en veulent pas ! la liberté de l’insécurité, ils n’en veulent pas. L’ouvrier est attaché à la sécurité de l’emploi ; l’ouvrier est attaché à la sécurité au travail ; l’ouvrier est attaché à la sécurité sociale ; l’ouvrier est attaché à la sécurité du logement ; à la sécurité à l’école. L’industriel, lui, est attaché à la liberté d’entreprendre; à la liberté d’exploiter; à la liberté de licencier; à la liberté du salaire.
        Bolsonaro est un fasciste, et il a choisi la liberté contre la sécurité.

        Certes, l’agit-prop consiste parfois à foutre le bordel maximum, juste pour foutre le bordel ! Je peux le comprendre. Mais il ne faut pas non plus se faire prendre à son propre piège et à faire semblant d’y croire plus que de raison ; et négliger en cela l’analyse de la vérité des alliances !

        NB : je reconnais que l’info selon laquelle l’impact Covid sur l’hôpital n’a été que de 2 % me laisse perplexe. D’autant plus perplexe que même actuellement (où le covid est plutôt calme) on nous dit que l’Hôpital risque de s’effondrer. Quelques éclaircissements seraient bienvenus.

        1. non tu verras, ca n a rien a voir. c est simplement comment on passe par des compromissions successives, à abandonner nos droits citoyens et la démocratie pour une société dictatoriale. le héros,si l’on peut dire, du bouquin est un certain Daladier, radical socialiste qui prend une pente qu’on ne connait que trop bien. Mes parents ont débarqué dans ce monde là un an plus tard, en 39 passant les Pyrénées avec quelques centaines de milliers d’autres. et aucun d’entre eux ne s’attendaient que la france put en arriver là. J’ai l impression de vivre ce que me racontaient tant mes parents que mes grands parents. En 38, ce qui justifiait toutes les compromissions, c’était la peur de la guerre, aujourd’hui, ce sont les attentats, l’islamisme,et l’immigration, et maintenant le covid. La défense de la démocratie, de nos droits citoyens, ne pèse plus bezef.

          1. Oui, il y a des ressemblances, mais est-ce qu’elles sont déterminantes dans un contexte si différent ? C’est possible.

            Mais j’observe tout de même (sachant que je ne parle ici que de la question du covid et de l’arbitrage liberté/sécurité dans les politiques vaccinales) que les politiques vaccinales que réclament les antivax sont exactement celles que Borsonaro, Trump, et dans une certaine mesure Poutine, ont mises en place. Y’a mieux comme modèle de démocratie : c’est tout de même de l’individualisme machiste pur jus. En France, c’est l’extrême droite qui réclament aussi ces politiques vaccinales libérales; Troublant non ?

            Se faire traiter de « moutons bien obéissant » par un crétin fanfaron de droite parce qu’on s’est fait vacciner (tout à fait volontairement) 2 fois, est juste un peu … énervant.

  2. Article très instructif qui fait une démonstration argumentée de la situation dans laquelle nus nous trouvons et de la dérive en cours
    J’aimerais faire partager cet article à beaucoup de monde mais je n’arrive pas à le copier ou scanner.
    Bravo à QG et à Mr Slama

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