Il y a quelques semaines, le petit-neveu du Président de la République était pris à parti et blessé dans une échauffourée. Regrettable. A l’issue de cet incident, Emmanuel Macron s’est publiquement ému et indigné: « La violence n’a pas place en démocratie, quelle qu’elle soit et en particulier dans la nôtre. Aucune forme de violence ne se justifie parce que la violence verbale amène à la violence physique et la violence contre les biens conduit à la violence contre les personnes ».
« C’est c’lui qui dit qui y est ! » pourrait lui rétorquer son lectorat de Pif Gadget.
Cette déclaration ne manque en effet pas de sel, enfin de celui que l’on met sur les plaies. La litanie des violences caractérisant les quinquennats Macron s’égrène comme un jour sans fin. Benalla jouant de la matraque, le nombre de manifestants sans précédent estropiés, éborgnés, valant à la France les remontrances de l’Europe et de l’ONU (2019 et 2023). Castaner gazant les syndicats lors du 1er Mai avant de propager sans vergogne la fake news de l’envahissement d’un établissement hospitalier. Ces gens dans les gares dont on dit qu’ils ne sont rien. L’injonction à traverser la rue pour trouver un emploi. Les Français que l’on déclare vouloir emmerder. Les bras d’honneur à l’Assemblée nationale. Les symboles dont on se pare dans un vulgaire magazine, 36 ans après Pierrette, le courage en moins, la vanité en plus. La mémoire d’un enseignant assassiné que l’on instrumentalise.
Récemment décrit comme un sociopathe sadomasochiste (Michel Onfray), Emmanuel Macron me fait penser au dentiste tortionnaire du film « Marathon Man ». Il fore brutalement les molaires avant de promettre un peu d’huile de girofle. Un grand débat après la répression brutale des Gilets jaunes, un dialogue sur le travail après le 49-3. Mais le naturel reprend vite le dessus et de claironner en couverture de Challenges : « Réformer plus vite, plus fort ! ». A l’approche de 2024, une ambition olympique pour l’épreuve « État autoritaire », catégorie « Démocratie, ou ce qu’il en reste », sans doute.
Il faut comprendre que la violence constitue l’ADN stratégique de la Macronie. Au-delà de la jouissance à soumettre. Au-delà du diviser pour régner. Il est essentiel de créer le chaos pour s’ériger comme unique recours. En mai 2017, Emmanuel Macron déclarait « Je veux éradiquer la colère dont le Front National se nourrit ». Carton plein ! Dans son roman « La Cheffe » (éditions Gallimard, 2016), Marie N’Diaye écrit « la réconciliation est plus importante que la justice ». Comme ces autres pays meurtris, il nous faudra probablement une sorte de commission de réconciliation, tant le fer a été porté au rouge.
Mais la principale violence est ailleurs. C’est celle du système que notre Président entend servir, quoiqu’il en coûte. Zélote néo-libéral, Agnan, le chouchou du Petit Nicolas, trépignant sur sa chaise au premier rang « Moi m’sieur, moi m’sieur ! ». Pour un monde sans friction ou la Nature et l’Homme doivent être aplanis.
Macron refuse de recevoir les syndicats. Il délègue à Elisabeth Borne d’incarner l’empathie envers Yannick Morez, élu républicain dont la maison brûle. Lui, il regarde ailleurs. Il accueille Elon Musk avec les égards dus à un chef d’État. L’Élysée, puis Versailles. Qui est le souverain ? Qui est le vassal ?
Dans la lettre de Nicolas Barré, directeur éditorial des Échos, à ses abonnés, on pouvait trouver cette semaine à quelques paragraphes d’intervalle ces deux chiffres : « le chômage en France est au plus bas depuis 40 ans » et « 16% des français déclarent ne pas manger à leur faim » (CREDOC, +60% en un an). Leur rapprochement, que l’auteur ne fait pas, interroge sur les vertus du modèle que l’on veut nous vendre. Quel est ce travail qui affame ?
Sommes-nous condamnés à être les témoins impuissants de l’avènement du pire ? À boire le calice, jusqu’à la lie ? J’ai le sentiment que nous est présentée aujourd’hui la facture de notre inconséquence des 30 dernières années. Celle des « bac +5 » qui, comme moi, ont négligemment délégué année après année leur responsabilité politique au parti qui – sur le papier – leur correspondait le mieux. Un renoncement à l’engagement de terrain au profit de notre carrière, de nos familles et de nos loisirs. « Confort, trop cher ! » pourrait reprendre Téléphone.
Je n’en peux plus de nous entendre nous dédouaner par un simple « oui, il est nul, mais les autres sont pires ». Bottons-nous les fesses. D’autres, moins bien lotis, nous en donnent l’exemple. Leur courage peut nous inspirer. Lancé en 2019 par 19 organisations, le Pacte pour le pouvoir de vivre en compte désormais 60, réunies autour de 90 propositions. Je suis certain qu’elles ne me conviennent pas toutes et qu’elles ont besoins d’être améliorées. Un seul moyen, y contribuer.
Rodolphe Bocquet
3 Commentaire(s)
Macron présenté en sociopathe sado-maso, references À Pif gadget et au Petit Nicolas,… On est dans le ton.
Le monde des pouvoirs (comme la réalité humaine d’ailleurs) est devenue si critique pour ne pas dire caricatural, à un point qu’il a fini par dépasser et incarner sa propre caricature (on se souvient de ce président sur le trône qui déclara vouloir « emmerder les Français », en français dans le texte s’il vous plaît !), que ce mode d’expression est peut-être le seul qui convienne vraiment aujourd’hui pour tenter conjointement de décrire lucidement le réel et d’échapper au désespoir mortifère que cette lucidité induit, par le rire. Le rire n’est-il pas une sorte chant et d’estocade à la fois, lancé par saccades au ciel en joie pour s’abattre en cascade sur le mal ?
Bonne vibe Bon vent
Merci pour cet article
J’ai jeté un œil au Pacte de pouvoir vivre que l’auteur cite pour prolonger son propos et inviter à l’action.
Raccord dans l’axe avec le constat de « crises sociétale, économique, financière, bancaire, sociale et environnementale » qui nous accablent et auxquelles nous sommes tenus de faire face.
J’ajouterai pour ma part « crise spirituelle », car la plus inquiétante des crises qui menace est le Désespoir. Peu d’hommes ont comme Léo Ferré la force de le vivre et de le nommer « Bonheur »! avec foi en l’avenir et de continuer à « parler pour dans 10 siècles ». Car ce n’est pas avant que l’on pourra voir éclore ce Bonheur auquel nous aspirons tant, dans le monde. En attendant cet avènement et pour qu’il advienne, il faut bien réchauffer les cœurs et les emplir d’ardeur ou de lucidité de voir selon le moment. Le chant comme le rire font taire les peurs et les tourments que notre raison seule ne peut contenir car il est des choses qui ne peuvent pas se dire.
Le propre de ce président d’ailleurs aura été de tuer la parole politique par ses mensonges et manipulations répétées jusqu’à l’outrage, l’insulte envers des Français. Quoi faire sinon en rire ? On ne va pas pleurer la fin d’un monde et de ses illusions ! Alors oui rions, même si cela doit nous coûter. Car nous savons qu’il ne restera rien de ce monde des pouvoirs et ce qu’il nous aura enlevé pour satisfaire sa rapacité. Mais que nos rires eux, resteront comme les cris qui l’auront percé à jour et mis à bas.