« Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas mort, il est éternel », par Priscillia Ludosky

21/04/2020

L’une des pionnières du mouvement, à l’origine de la pétition sur les carburants qui recueillit plus d’un million de signatures en 2018, répond aux questions d’Aude Lancelin sur la suite des opérations, lorsque le déconfinement commencera. Attentes vis-à-vis du pouvoir, nouvelle pétition internationale contre les inégalités, date de mobilisation à venir : entretien exclusif à lire sur QG

L’une des pionnières du mouvement, à l’origine de la pétition sur les carburants qui recueillit plus d’un million de signatures en 2018, répond aux questions d’Aude Lancelin sur la suite des opérations, lorsque le déconfinement commencera. Attentes vis-à-vis du pouvoir, nouvelle pétition internationale contre les inégalités, date de mobilisation à venir : entretien exclusif à lire sur QG

Vous avez lancé une nouvelle pétition en ligne intitulée « Après-Covid-19 : stop aux inégalités sociales ». Un texte comportant de nombreuses revendications. Quel en est l’esprit général ?

Priscillia Ludosky : L’idée est que le gouvernement français, et plus largement ceux des autres Etats, s’engagent à ne pas reproduire les mêmes erreurs que par le passé. Qu’ils entendent les multiples alertes lancées par les associations, collectifs, mouvements sociaux et autres, en matière d’inégalités sociales et mettent place des mesures qui viseraient enfin à les réduire considérablement.

On sait que les mesures obtenues par le mouvement des Gilets jaunes l’ont été dans la phase chaude, et ont en grande partie été dictées par la peur du gouvernement. Pensez-vous que la pression citoyenne, via ce genre de pétitions de masse, puisse être gagnante à l’avenir ?

Les tribunes, les banderoles, les affiches, les sondages, les pétitions sont des outils de communication parmi d’autres qui permettent à n’importe lequel des citoyens de s’exprimer et de vérifier, aussi, si ce qui est exposé ou dénoncé est constaté par d’autres. Dans certains domaines, en fonction de plusieurs combinaisons de facteurs, cela peut « payer ». Pas forcément de la manière qu’on imagine et par forcément aussi rapidement qu’on aurait voulu, mais il peut y avoir des retombées positives. Normalement on ne devrait pas avoir à constamment lancer des pétitions, à manifester, à écrire des ouvrages pour dénoncer un certain nombre de choses alors qu’elles sont clairement identifiées comme nuisibles et devraient déjà faire l’objet d’une remise en question des décisionnaires, ou au moins faire l’objet d’une consultation nationale. Mais on le fait parce que c’est une forme de contre-argument à ce qui est proposé par l’exécutif. C’est aussi un moyen de figer une pensée, une idée, un projet dans le temps. Utile pour tous, dans le présent mais aussi pour les générations à venir.

« Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies, comme trop souvent par le passé dans des crises semblables, sans que rien n’ait été vraiment compris et sans que rien n’ait changé », avait affirmé Macron en décembre 2018. Aujourd’hui encore, en avril 2020, le Président nous ré-annonce un « jour d’après », différent de tous les autres, lorsque la crise du Covid-19 sera achevée. Vous vous attendez à quoi concrètement ?

De la part de Macron et de son gouvernement ? A rien de vraiment sincère, mais plutôt à des mesures qu’ils prendront, à contrecœur, compte tenu du contexte actuel de crise. J’espère qu’ils prendront en compte les mesures produites par les tirés au sort de la convention citoyenne pour le climat, et qu’ils seront à l’écoute des propositions faites ici et là via les différentes tribunes produites, qui renforcent celles déjà faites auparavant. J’attends qu’ils reconnaissent le juste et nécessaire existence du mouvement des Gilets jaunes et qu’ils reçoivent, et présentent « en toute transparence », comme ils aiment dire ces derniers temps au sujet de la gestion de la crise sanitaire, le manifeste des résultats de la consultation citoyenne faite via « Le Vrai Débat ». Car bon nombre de ce que demandent les différentes tribunes s’y trouve déjà.

Vous êtes aussi cofondatrice de « La Ligue Citoyenne ». Ne regrettez-vous pas que le mouvement des Gilets jaunes ne se soit pas structuré politiquement à un moment donné ? Cela ne sera-t-il pas un passage obligé pour peser à l’avenir, sachant que les partis traditionnels vont reprendre de l’importance dans la période pré-présidentielle de 2022 ?

Je n’ai pas personnellement de regrets à ce niveau-là, non. Mais effectivement, comment passer de la proposition militante à la mise en application des mesures revendiquées ? C’est la grande question à laquelle beaucoup répondent : se lancer en politique. Pour ma part, je pense que c’est autour d’idées qu’on doit se réunir, et non autour de parti politique. On l’a vu, c’est précisément comme cela que le mouvement des gilets jaunes est né. Autour de ce qui rassemble, et non autour de ce qui divise. La course aux présidentielles, divise les gens, les catégorisent, et les poussent à être rivaux. On ne peut pas être d’accord sur tout, mais beaucoup de chose rassemblent les peuples.

Des projets sont en cours pour éviter que les traditionnelles présidentielles se passent comme on a l’habitude qu’elles se passent, et j’espère sincèrement qu’ils et elles y arriveront.

Les actes Gilets jaunes se sont arrêtés brutalement, stoppés net par le décret de confinement du 16 mars. Certaines figures du mouvement l’avaient même précédé en appelant à ne pas manifester dès le 14 mars. Ces actes reprendront-ils après le déconfinement selon vous ? Quel est votre souhait personnel à ce sujet ?

Il y a toujours de la colère et des intentions de poursuivre la mobilisation. Pour ma part je pense qu’on peut, compte tenu du contexte, et après que tout danger sanitaire soit écarté, au moins se réunir dans la rue sur une seule et même date autour des éventements suivants : la marche pour le climat, la marche contre les violences policières, la manif des gilets jaunes, et des gilets noirs, et le 1er mai.  Tous les profils y seraient représentés. Ceci tout en poursuivant les projets en cours.

Vers quoi doit évoluer le mouvement des Gilets jaunes ? Doit-il se fondre dans la masse avec d’autres mouvements citoyens, ou garder son identité spécifique ?

Je ne sais pas si le mouvement en lui même doit évoluer d’une manière ou d’une autre. Il est ce qu’il est et il a duré de manière inattendue et exceptionnelle. Il n’est pas mort. Il est pour moi éternel. Il est synonyme d’un éveil des consciences et d’une désobéissance civile qui font chemin de foyers en foyers et ce, pour une durée indéterminée. Plusieurs militants du mouvement étaient déjà impliqués dans des luttes, et d’autres en ont rejoint en cours de route. Le mouvement ? Il est déjà dans la masse comme le prouve la diversité de ses profils. Son identité est précisément d’être omniprésent.

Propos recueillis par Aude Lancelin

Pour signer la pétition en ligne, cliquez sur ce lien: « APRES COVID-19 : STOP AUX INEGALITES SOCIALES »

Pour connaître les propositions du Vrai Débat, évoquées par Priscillia Ludosky dans l’interview : https://www.le-vrai-debat.fr/

3 Commentaire(s)

  1. En référence à mon commentaire précédent, et pour donner de la consistance à la notion d’écolo-capitalisme, voici un film que je viens de visionner et qui est à voir absolument.

    https://www.youtube.com/watch?v=Zk11vI-7czE

    On y reconnait parfaitement l’approche d’EELV. On se souviendra qu’EELV en la personne d’Yves Cochet, a quasiment « donné » le parc éolien Français a un aventurier capitaliste, et lui a assuré le rachat par EDF de toute son électricité éolienne à un prix « contractualisé » très au-dessus du prix du marché. Tout cela payé par les plus pauvres des français sous forme d’une taxe non progressive en fonction du revenu.

    Merci les pourris d’EELV.

  2. Madame Ludosky est une personne qui mérite un grand respect. Malheureusement elle est d’une naïveté qui étonne. Penser ne serait-ce qu’une seconde que Macron puisse reconnaître le mouvement des Gilets jaunes ou qu’il suive les recommandations de la participation citoyenne au climat relève du rêve de préau d’école. Il lâchera quelques miettes, fera quelques bons discours (c’est un excellent acteur) et reprendra, au mépris de tout bon sens, sa marche en avant mortifère. Comment peut-on encore croire en cette personne ? Comment une telle naïveté est possible ? Ça me dépasse totalement…

  3. Une nouvelle bouffée d’oxygène (un respirateur, quoi !!) que cette interview !

    Voilà une personne pleine de bon sens, d’intelligence, de simplicité, constante dans sa vision. Certes, pas politisée – au sens de « pas encartée » apparemment – mais ô combien nécessaire dans son action. Ce qui est éternel, c’est la reconnaissance qu’on lui doit.

    Outre le fond de ses revendications (qui reste dans un cadre constitutionnel, certes très social, mais relativement modéré), elle amène la dimension d’une rébellion, d’une action, d’une stratégie, dont on sait le résultat unique au monde aujourd’hui en longévité.

    Combien l’explosion sociale contre l’impôt écologiste, faux et injuste, était légitime ! combien elle a tenu bon face aux attaques odieuses de certaines faces de rats d’écolo-capitalistes !

    Alors même qu’elle n’est pas rompue aux nuances difficiles – mais solides dans la polémique – du communisme, elle a tenu le coup. Une rébellion permanente malgré une répression sanglante permanente !

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