La « cinquième vague », nouvel épisode d’un feuilleton qui n’a que trop duré

26/11/2021

Le mauvais feuilleton sanitaire continue, à en croire Laurent Toubiana, chercheur à l’INSERM. La petite musique d’un nouvel épisode épidémique majeur se fait de nouveau entendre. Ce serait cette fois la « 5ème vague ». Depuis plus d’un an et demi, la population française est soumise à un flot quasi continu de mauvaises nouvelles, qui servent à justifier des mesures aux impacts psychologiques, économiques, sociaux et politiques délétères. Ce soir, le site de QG accueille le blog de Laurent Mucchielli, dépublié par un autre média

Par Laurent Toubiana, chercheur à l’INSERM, directeur de l’Institut de Recherche pour la Valorisation des données de Santé (IRSAN)

Cet article constitue l’épisode 68 de l’enquête de Laurent Mucchielli sur la gestion politico-sanitaire de la crise. Publié le 25 novembre 2021 sur le blog du chercheur, il a été dépublié par Mediapart le lendemain. L’équipe de QG a décidé de l’accueillir ce soir

Le scénario est maintenant bien rodé. En amont, il commence par des avis de scientifiques qui, alors que tout est supposé « sous contrôle », annoncent la possibilité du retour d’une nouvelle vague épidémique. Ces oracles sont bientôt confirmés par des données venant de pays plus ou moins lointains ; tout va bien en France, mais ailleurs c’est très grave. Les hypothèses de nos scientifiques s’avèreraient donc exactes. Les articles de presse pleuvent sur la panique engendrée dans ces pays et les mesures très dures en passe d’être mises en œuvre. Ces mesures nous paraissent démesurées, mais une petite voix nous dit qu’il faut se préparer à ce que ce soit bientôt notre tour. Enfin, Santé Publique France donne l’estocade et annonce à son tour une élévation « inquiétante de l’incidence », sans vraiment expliquer ni de quoi il s’agit exactement, ni en quoi elle est inquiétante. Cette information est immédiatement relayée par de puissants organes médiatiques. Elle est ensuite reprise par les autorités qui remettent en place des mesures contraignantes (masque obligatoire dans toutes les écoles et dans la rue de départements de plus en plus nombreux). « En même temps », le porte-parole du gouvernement nous assure de ne pas nous inquiéter. Cela inquiète encore plus car, à chaque fois qu’il ne faut pas s’inquiéter, nous pouvons être sûrs du contraire ; cela est en général confirmé quelques jours plus tard. Le nombre d’articles publiés sur la prochaine vague augmente et prépare le terrain. « Quelques dissidents » sont invités à s’exprimer pour faire bonne mesure car nous sommes en démocratie, juste le temps de les décrédibiliser incompétents, naïfs, inconscients, irresponsables, dangereux, complotistes.

Depuis toujours, une épidémie se caractérise essentiellement par le nombre de malades et de morts qu’elle provoque. Ainsi, ce que l’on appelle normalement « incidence » est le nombre de nouveaux malades en une semaine rapporté à la population, lequel permet d’évaluer la dynamique d’une épidémie de maladie transmissible à évolution rapide. L’arrivée des tests et la massification de leur utilisation dévoyée à partir d’août 2020 a permis de redéfinir l’essence même de la définition classique de l’épidémie. Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, les estimations de l’incidence à destination du grand public ne se réfèrent plus aux nouveaux malades ou morts engendrés par le virus mais à des porteurs de virus qui, à plus de 80 %, ne sont pas malades et ne le seront jamais. De fait, le nombre de porteurs de virus est beaucoup plus important que le nombre de malades ou de morts. Il est donc fallacieux d’utiliser le même mot « incidence » pour représenter une réalité différente de la définition communément admise par les épidémiologistes, l’incidence d’une pathologie.

Pourtant, l’incidence d’une pathologie est un outil élémentaire utilisé pour le suivi de toutes les épidémies sous surveillance depuis des dizaines d’années (dont la plus emblématique est celle des syndromes grippaux). Pourquoi n’est-il pas appliqué pour l’événement épidémique du siècle ? Probablement parce que les incidences de la maladie covid-19 (et non des tests positifs) sont tellement faibles qu’elles ne peuvent être décemment invoquées pour justifier les mesures de contrôle qui apparaîtraient à l’évidence disproportionnées : confinements généralisés de la population, port du masque obligatoire dans la rue, taux de couverture vaccinale aberrant, passe sanitaire. Si l’incidence « classique » était utilisée, les populations n’auraient plus peur et n’accepteraient pas ces mesures considérées dès lors comme extravagantes. 

Note de lecture : la courbe rouge montre l’évolution hebdomadaire pour 100 000 habitants de malades du Covid-19 selon le Réseau Sentinelles (échelle à droite en rouge de 0 à 120). En mars 2020, cette courbe montre un maximum avec 140 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants. Lors du 4ème « pic » de cette courbe (début août 2021), l’incidence est de 31 nouveaux malades en une semaine pour 100 000 habitants. La courbe noire montre l’évolution du nombre hebdomadaire de décès testés positifs au Covid-19 pour 100 000 habitants source Santé Publique France (échelle à droite en noir de 0 à 10). Le point maximum est au début de la courbe avec 9,7 décès en une semaine pour 100 000 habitants début avril 2020.

Justement, quelles sont les valeurs de l’incidence du Covid-19 ? En France, sur les 90 semaines depuis le commencement de la crise du Covid-19, la plus forte incidence a été observée entre le 23 et le 29 mars 2020, au tout début de la crise (cf. fig. 1). Lors de cette semaine paroxysmique, 140 nouveaux malades pour 100 000 habitants ont été estimés par le Réseau Sentinelles (premier réseau de surveillance de maladies transmissibles en France) ; les autres sources de médecins généralistes de terrain, dits de premier recours, sont concordantes. Pour fixer les idées, 100 000 habitants, c’est environ la population d’une préfecture importante (Caen, Nancy, Avignon…). À titre de comparaison, le même réseau de médecins estimait dans les mêmes conditions à plus de 600 malades de syndromes grippaux en une semaine pour 100 000 habitants en moyenne lors des pics épidémiques des années antérieures depuis 20 ans. Pourtant, connues depuis des siècles, les épidémies de grippe ont toujours été désignées comme des épidémies « banales » alors que le tableau clinique de la grippe est considéré comme touchant les individus plus durement que celui du Covid-19 dans la plupart des cas. Depuis mars 2020, aucune autre semaine n’a montré une incidence du Covid-19 supérieure. L’amplitude des pics saisonniers de l’incidence du Covid-19, fin octobre 2020, fin mars 2021 correspondant à ce qui a été improprement appelé « vagues » n’a cessé de décroître. Pour la dernière, dite 4ème vague, début août 2021, l’incidence du Covid-19 a atteint le chiffre dérisoire de 31 nouveaux malades en une semaine pour 100.000 habitants (cf. fig. 1).

Il en va de même pour les hospitalisations et les décès. 31 nouvelles personnes avaient été hospitalisées et 9 sont décédées pour 100.000 habitants au cours de la semaine la plus impactée en 1 an et demi de crise.

Ces chiffres sont à peine crédibles tellement ils sont faibles. Toutefois ils sont cohérents avec ceux qui ont été publiés par l’ATIH et qui indiquent que seulement 2 % de l’activité des hôpitaux ont été consacrés au Covid-19en 2020.Par ailleurs, nous avons montré ici même dès le mois de mars 2021 que cette période de crise sanitaire prétendue « majeure » n’avait provoqué aucune surmortalité pour les personnes âgées de moins de 65 ans, soit 80 % de la population française, et une surmortalité de moins de 4 % pour les autres.

De nombreux articles scientifiques ont montré que, sans pouvoir limiter l’épidémie, les mesures prises ont eu de nombreux effets délétères directs et indirects sur les individus et les populations. Ceux-ci ne font que commencer, comme la dégradation de l’état psychique, notamment chez les jeunes, la baisse du niveau scolaire ainsi que les conséquences sur la santé de la dégradation économique du pays suite à la politique du « quoi qu’il en coûte » décidée pour mettre en place le premier confinement et que les Français subissent du fait de l’augmentation de la facture énergétique. Quant au taux de couverture vaccinale aberrant avoisinant les 90 % de la population des plus de 12 ans, les autorités l’ont imposé aux populations en usant de méthodes d’intimidation ou de culpabilisation au motif de les protéger collectivement. Nous venons de montrer que l’impact réel en termes de morbidité et mortalité est extrêmement faible mais cela ne suffit toujours pas, ces populations ayant déjà beaucoup souffert des mesures censées les protéger, doivent encore endurer un nouvel épisode de ce feuilleton insupportable.

Tous les chiffres cités sont disponibles pour le grand public, accessibles sur Internet. Ils crèvent les yeux mais décidément, ils semblent difficiles à voir.

Laurent Toubiana

L’auteur est chercheur à l’INSERM, directeur de l’Institut de Recherche pour la Valorisation des données de Santé (IRSAN)

16 Commentaire(s)

  1. Big Médias soucieux de vérité ? Néant
    Big Médias épris de liberté ? En berne
    QG publie là un article qui tient le vent
    Et redresse la barre en pleine tempête

    Vif Merci pour ce qu’il m’apprend
    Me confirme en creux et rassénère
    De forces vives et feu combattant
    En mon cœur mon âme et ma tête

    Le covid ? Rien de plus qu’une grosse grippe
    Instru-mentalisée par et pour le Tout-Pouvoir
    Pour asservir les peuples à des pompes-à-fric

    Mais tôt ou tard la Vérité surgit et embrase
    Les Pouvoirs le savent et sont en panique
    À l’idée qu’une étincelle enflamme la base

    .

    Voilà ce que je lis dans cet écrit
    Et sa mise au ban sur Médiapart
    C’est pourquoi je dis un vif Merci
    À QG et ceux qui y prennent part

  2. Merci Monsieur pour ces éclaircissements, il faudra peut-être des années pour faire la lumière sur ces évènements, la peur engendrée sciemment ou non a une telle inertie dans nos sociétés occidentales vieillissantes. Les jeunes doivent retourner aux urnes, remettre les choses dans le bon ordre, l’avenir de l’humanité, ce n’est pas la camisole.
    bien cordialement

  3. Sur Mediapart, disparition silencieuse du lien : était dans ma liste, ne l’est plus et aucune trace de cette disparition…

    L’auteur d’un article ainsi supprimé est-il/elle informé.e des motifs au moment de la dépublication ? Quelles sont les explications fournies pour justifier cette décision, en occurrence ?

    Je salue la démarche de QG d’offrir un espace d’espace d’expression plus tolérant et ouvert. Mais du coup, ceci inclut-il de fournir également les arguments du média censeur ? L’article véhicule t’il des éléments faux scientifiquement ; sommes-nous dans une controverse ?..

    Quoiqu’il en soi, merci encore à Aude Lancelin pour toute l’énergie déployée à essayer de faire vivre un espace « polyphonique ».

    1. Yes, mais :

      – je pense qu’il faut lutter aussi contre le suicide (là, le confinement n’est pas indiqué; en revanche la lutte sociale me semble tout à fait indiquée).

      – le suicide est « moins » contagieux que le covid, En outre, les suicidés ne saturent pas les hôpitaux et donc n’empêchent pas la prise en charge des autres pathologies (cancer etc …) : il faudrait aussi compter les morts par manque de soin !

      – sans les mesures confino-vaccinales il y aurait peut-être eu 300.000 morts covid.

  4. Court mais intéressant. C’est inquiétant ce traficotage d’indice … d’incidence.

    Je suis abonné à la revue de l’inserm. J’ai très mauvaise opinion d’eux depuis de récentes évolutions, en particulier en matière de com. Il communique de plus en plus à la façon d’un journal d’opinions, traitant et montrant les chercheurs sur un mode de vedettariat, et mélangeant sciences et opinions (tendance woke, en plus).

    Si Laurent Toubiana est un dissident de l’inserm, c’est pour moi un élément positif.

    Le document ci-dessus semble s’en tenir aux faits. Pourquoi le moustachu de Médiapart l’a-t-il déprogrammé ? Bizarre.
    Je continue néanmoins à soutenir la politique vaccinale actuelle (les morts sont vraiment morts, et l’hôpital était vraiment saturé). Pour être tout à fait honnête, j’ai choppé le covid 3 mois après mes 2 vaccins (genre grippe avec en plus les symptômes covid); il faut dire que les petites villes côtières et les camping étaient absolument saturés de monde en août).

  5. Je suis persuadé qu’on profite d’une vrai pandémie pour manipuler la population et faire passer des lois liberticides.
    Ceci dit je suis pour la vaccination et contre le pass.
    Je ne comprends pas pourquoi cet article a été refusé par Médiapart les chiffres sont les chiffres?

    En France il y a eu depuis le début de la pandémie : 161 348 cas confirmés et 29 752 morts au 26 juin 2020 vu sur
    https://fr.wikinews.org/wiki/Coronavirus_:_le_nombre_de_cas_par_pays.
    Cela justifie la vaccination les gestes barrières et c’est tout , ce n’est que mon avis..Bien sûr au début on n’avait rien, on peut comprendre les confinements sans justifier le fait qu’on était démuni. A-t-on plus maintenant?
    Toujours pas de vaccin français mais avons-nous une industrie française de médicaments et de vaccins sur laquelle nous pouvons agir?
    A-t-on des infirmières et des docteurs en plus, et donc des places en plus dans les hôpitaux ?
    Lorsque j’ai entendu au début de la pandémie un médecin défendre les levées de fonds en bourse que nous en France on
    n’ était pas capable de faire et justifier l’échec de l’institut Pasteur d’avoir un vaccin par : ils se sont trompés dans la dilution! J’ai compris qu’on nous prenait pour des idiots et que c’était tout arrangé, une affaire de fric. (Je ne sais plus sur quelle chaîne)
    Je pense que les arguments de M Toubiana sont à prendre en compte, son site a des pbs je n’ai pas pu tout voir!?
    .Il est facile de voir que est fait pour privatiser on aura des hôpitaux publics pour les pauvres , des écoles publiques pour les pauvres etc

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