« Généalogie inquiète du macronisme, partie 1 » par Thibault Biscahie

25/06/2023

À l’aube de sa septième année à l’Elysée, qu’est devenu le macronisme qui, hier encore, glorifiait la disruptivité, la jeunesse, et se revendiquait du dynamisme entrepreneurial d’une start up nation? Anti-populisme autoritaire, rigidité, collusion objective avec certaines paniques morales issues de l’extrême droite: le moment Macron, dont certains voulaient souligner les similitudes avec le blairisme, pointe hélas vers d’autres précédents plus inquiétants, tels la République de Weimar. Que nous disent les avertissements de l’histoire à ce sujet? Le régime pourra-t-il continuer à faire de la répulsion exercée par le RN son assurance-vie? Thibault Biscahie entame pour QG une réflexion de fond sur le moment historique dans lequel nous sommes collectivement engagés.

La France vient de traverser un hiver de contestation sociale historique. Bien que la réforme des retraites ait été promulguée, les derniers mois ont su raviver les espoirs militants, tant ont été manifestes l’unité syndicale et la re-politisation de la société française. La période reste néanmoins marquée par une inquiétude sourde. Des questions fondamentales pour la démocratie française se posent, même si leurs implications exactes demeurent nébuleuses, tant les événements s’enchaînent depuis janvier avec une saisissante dramaturgie.

Au sortir d’une saison sociale si intense, que penser des conceptions idéologiques qui guident désormais le pouvoir macroniste ? Comment appréhender l’éventail toujours plus large des moyens légaux et répressifs mis à sa disposition ? En somme, comment caractériser la pente sur laquelle Emmanuel Macron fait glisser la France ?

À l’aube de sa septième année à l’Élysée, il peut être pertinent de se tourner vers l’histoire moderne de nos voisins les plus immédiats – l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne – pour interroger le tour que prend la gouvernance d’Emmanuel Macron. Rappelons cependant d’emblée, et avec force, que l’histoire ne se répète jamais de la même façon. Il faut donc se défendre d’établir des prédictions ou d’élaborer des probabilités. Une attention toute particulière doit au contraire être portée non seulement à notre contexte politique, économique et social, mais également à la contingence, tant les forces de l’imprévu rendent toute prédiction vaine. L’improbable vient régulièrement fausser le cours d’événements qui pourraient nous sembler tout tracés ; il doit donc inciter à une nécessaire prudence.

« À l’aube de sa septième année à l’Élysée, il est pertinent d’interroger le tour que prend la gouvernance d’Emmanuel Macron »

Pour autant, on ne peut s’empêcher de déceler des similitudes dans le déroulé de certains événements, de discerner un certain nombre d’invariants dans la conduite des affaires politiques et sociales. Ces éléments invitent assez naturellement à se prêter à des comparaisons historiques, qui toujours se doivent de rester précautionneuses. Malgré la diversité des contextes, difficile de nier que des phénomènes se répètent, que des subterfuges sont reproduits, des stratagèmes réitérés, des procédés éculés. Trois axes peuvent ainsi nous permettre d’esquisser une brève généalogie du Macronisme l’idéologie, la capture du pouvoir et les formes de gouvernement.

Tentons donc d’appréhender les mutations en cours en France à l’aune de trois épisodes de l’histoire européenne. On commencera par une fausse piste doctrinale : la comparaison initiale, répétée, avec Tony Blair, le chantre de la « Troisième voie », l’idéologie qui accompagna la fin proclamée des idéologies. Sitôt ce parallélisme dissipé, on s’interrogera sur la conquête du pouvoir. Le Macronisme des débuts a largement emprunté à la pratique parlementaire duplice que les italiens appellent trasformismo, une dimension du processus de « révolution passive » identifié par Antonio Gramsci ; il s’agit ici d’un opportuniste regroupement de membres des partis traditionnels au « centre » du spectre afin de marginaliser les « extrêmes » et d’assurer la reproduction des intérêts d’une élite qui domine sans être hégémonique. On éclairera enfin le dévoiement des outils constitutionnels qui caractérise la phase actuelle de la gouvernance Macroniste en s’intéressant aux pratiques autoritaires du président du Reich Paul von Hindenburg et des ultimes chanceliers qui « gouvernèrent » sous son égide. Ce prélude « centriste » au fascisme sonna le glas de la République de Weimar, et devrait aujourd’hui nous inciter à la plus grande vigilance.

La fausse piste britannique

Aux prémices du Macronisme, on a beaucoup comparé le nouveau président à Tony Blair, le chef du « New » Labour (Parti travailliste) à la fin du millénaire outre-Manche. La promesse à la Janus de Macron d’être « et de droite et de gauche » n’était en effet pas sans rappeler le vent de « modernité » idéologique qui, dit-on, souffla sur la politique britannique avec Blair. Sous les conseils du sociologue Anthony Giddens (son intellectuel organique en chef), le Premier ministre travailliste (1997-2007) prétendait incarner une « Troisième voie », adoptant une attitude bienveillante à l’égard de la globalisation comme de l’entrepreneuriat, à rebours des réserves de ce que Giddens surnommait la « vieille gauche », celle qui s’était opposée aux politiques thatchériennes de la décennie et demi écoulée. Macron et Blair semblaient partager la même jeunesse et le même messianisme, qui se voulaient promesses de changements radicaux après des années d’inertie.

À la lecture de l’insipide plaidoyer de Giddens, on peut en effet noter certaines similarités sémantiques. Il faut bien l’admettre, la vacuité du lexique macronien entre fidèlement en résonance avec le ton faussement inclusif et corporate de ce pamphlet, ponctué d’antiennes telles que « l’entrepreneuriat social » ou « l’égalité d’opportunité ». À première vue, l’acceptation de la globalisation comme un phénomène inéluctable et l’injonction à aller « au-delà de la gauche et de la droite » – sorte de nouvelle synthèse social-libérale que la philosophe Chantal Mouffe qualifiera de « centrisme radical » – peuvent s’apparenter aux prétentions initiales du candidat Macron. Dans un ouvrage récent, les politistes Christopher Bickerton et Carlo Invernizzi Accetti estiment que Blair comme Macron illustrent à merveille le « technopopulisme », une synthèse entre populisme et technocratie, fusionnant glorification du peuple et de l’expertise. Par son ethos plébiscitaire et sa communication verticale, le chantre de la Troisième voie revendiquait à la fois un monopole sur le « peuple », mais également le fait que la vie politique était devenue affaire d’administration (le terme « gouvernance » passera dès lors dans le langage commun), et que les conflits idéologiques étaient devenus obsolètes ; cela a mené le sociologue Colin Crouch à parler de « post-démocratie » en se référant spécifiquement au New Labour.

L’analyse de Bickerton et Accetti est en partie convaincante. Il est en effet flagrant de réaliser que tant de traits du Blairisme ont été adoptés par un candidat français (dont les médias dominants louaient la démarche « disruptive ») … avec plus de vingt ans de retard sur le Royaume-Uni ! La démarche post-idéologique d’Emmanuel Macron, sa rhétorique anti-establishment appuyée au cours de la campagne (un populisme « élégant » pour Pierre Rosanvallon, « de velours » pour Marcel Gauchet, « d’extrême centre » pour Romaric Godin), le refus des labels partisans, la volonté de s’adresser au peuple « directement » et sans intermédiaire, ainsi que l’insistance sur la jeunesse et le dynamisme, sont des héritages de la Troisième voie. La différence, nous disent les auteurs, est que Blair a poursuivi son projet technopopuliste « par le parti », tandis que Macron, de manière davantage personnaliste, a poursuivi ce projet « par le leader », à savoir par lui-même. Force est pourtant de constater que la contamination de la politique française par l’esprit de la Troisième voie ne date pas de l’occupant actuel de l’Élysée.

« Blair comme Macron illustrent à merveille le « technopopulisme », une synthèse entre populisme et technocratie, fusionnant glorification du peuple et de l’expertise »

L’obsession pour la « modernisation » afin de faire face à des changements géopolitiques et sociaux présentés comme « inéluctables » (l’injonction à « s’adapter » bien analysée par la philosophe Barbara Stiegler) et le développement des partenariats public-privé ne sont pas nés avec Macron. En la matière, nous avions déjà été largement servis au cours du quinquennat Hollande, avec un raidissement particulier lorsque Manuel Valls devint premier ministre.

Comme Blair, Hollande est élu député pour la première fois au cours des années 1980 et construit sa carrière politique grâce à son statut de parlementaire. Tous deux chantent les louanges du « consensus ». L’élection de Hollande (qui incarnait la « synthèse » au sein du Parti Socialiste) est portée par la nouvelle doctrine du PS résumée dans le fameux rapport de 2011 du think-tank Terra Nova, qui conseillait, sous couvert de « crise de la social-démocratie », de se détourner des préoccupations matérielles des classes populaires pour embrasser des sujets davantage « culturels » à même de capter l’attention des classes moyennes. Elle annonça la conversion totale du PS au social-libéralisme, ce qui se traduira notamment par un virage définitif en faveur de la politique de l’offre, incarné par le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE), entré en vigueur dès 2013.

Les choses se corsent encore davantage avec l’arrivée de Manuel Valls à Matignon en 2014. Entérinant la transition vers un agenda réformiste brutal sur le plan économique, Valls fit largement siennes les postures martiales de Blair et ses acolytes, pour qui rien n’était plus important que de s’afficher en fidèles héritiers des positions les plus dures du conservatisme thatchérien. Les sociaux-démocrates britanniques avaient commencé à attaquer leurs homologues français sur ces thèmes dès le second tour de l’élection présidentielle de 2002 : contrairement à Blair, les socialistes français avaient échoué à se montrer « tough on crime, tough on the causes of crime » (fermes sur la criminalité et sur les causes de la criminalité).

Pour Keith Dixon, on trouve les mêmes influences intellectuelles que celles qui ont façonné le Blairisme derrière les politiques sécuritaire et identitaire de Valls et sa volonté de se débarrasser de l’accusation de laxisme, quitte à reprendre à son compte l’héritage sarkozyste. En voulant incarner le courant « modernisateur », Valls a normalisé des positions dures sur l’immigration et l’insécurité, légitimant une série d’entraves aux libertés et droits fondamentaux dans un contexte d’attentats terroristes et d’état d’urgence. À la manière d’un Gordon Brown (premier ministre travailliste de 2007 à 2010) qui fit du Labour « le parti de l’entreprise », Valls se fit également le thuriféraire des patrons : « J’aime l’entreprise », déclara-t-il en bombant le torse à l’école d’été du Medef dès son installation à Matignon.

Couverture de l’Obs, ex grand hebdomadaire français de centre-gauche, en octobre 2014 : « Manuel Valls riposte: il faut en finir avec la gauche passéiste »

En somme, les pratiques de « triangulation » (l’emprunt stratégique des idées concurrentes) précèdent largement l’émergence de Macron ; ce n’est donc pas à travers le prisme du Blairisme et de la Troisième voie que l’on peut identifier la singularité du Macronisme. Qu’en est-il alors, pourrait-on répliquer, de celle qui a incarné le plus ouvertement la nouvelle donne néolibérale en Europe dès 1979, à savoir Margaret Thatcher ? Une comparaison avec Thatcher pourrait-elle se montrer, à certains égards, plus pertinente ? Après tout, l’inflexibilité macronienne n’est pas sans rappeler la fermeté thatchérienne : comme la dame de fer (et Blair dans son sillage), Macron refuse de plier face aux grèves et assume son mépris des syndicats. La flexibilisation et la financiarisation à tous les étages, l’allègement de la fiscalité des plus riches et un dédain manifeste pour le sort des plus vulnérables sont quelques-uns des points communs entre les deux régimes. Une différence fondamentale existe pourtant, et elle tient à la robustesse du projet hégémonique thatchérien, initié dans les années 1970, consolidé dans les années 1980 et arrivé à maturité dans les années 1990 avec Tony Blair.

« L’inflexibilité macronienne n’est pas sans rappeler la fermeté thatchérienne »

Comme l’a superbement démontré le sociologue Stuart Hall, le Thatchérisme s’appuyait sur une doctrine particulière : le populisme autoritaire. Contrairement à Emmanuel Macron, élu contre l’extrême-droite et dont le « projet » est rejeté par une majorité toujours plus large de citoyens français, Thatcher a réussi à rallier le consentement de la population britannique en faisant appel aux mécontentements populistes, en construisant notamment des « paniques morales » sur l’immigration, la jeunesse, le multiculturalisme, les actes d’incivilité, la défense des valeurs familiales, l’hiver du mécontentement, etc. Elle sut manipuler l’anxiété d’un certain nombre de britanniques devant les changements sociaux et démographiques, faisant appel à une sorte de sens commun victorien, jouant sur la nostalgie de l’empire et l’esprit d’entreprise, encourageant les appels « du bas » pour que l’État remette le pays en ordre. L’homme politique français qui sut le mieux imiter cette stratégie populiste autoritaire fut à n’en pas douter Nicolas Sarkozy ; on peut ici notamment renvoyer aux travaux de Kolja Lindner et de Stathis Kouvélakis.

Un concept qui qualifierait de manière plus adéquate le Macronisme du premier quinquennat, est celui d’anti-populisme autoritaire. Le Macronisme n’est effectivement pas en reste lorsqu’il s’agit de jouer sur les peurs, notamment celle de l’extrême-droite, puisqu’il s’agit de son assurance-vie. La construction rhétorique de la « menace populiste » (un adjectif utilisé de manière ambiguë puisqu’il met populisme de droite et de gauche sur un pied d’égalité) et le fait d’ériger Marine Le Pen et le Rassemblement National comme les ennemis principaux ont tenu lieu de stratégie pendant l’intégralité du premier mandat ; c’est tout à fait flagrant lorsqu’on se remémore la campagne pour les élections européennes de 2019. En faisant du RN son seul adversaire, la Macronie a cherché à exclure les autres forces politiques, contribuant à l’appauvrissement du débat démocratique.

Image du débat de l’entre-deux tours opposant Marine Le Pen et Emmanuel Macron, avril 2017

Cela l’amènera sur le terrain glissant des paniques morales, pour donner le change et montrer que « le camp de la raison » n’hésitait pas à se montrer ferme sur l’immigration en particulier, quitte à se livrer à une véritable criminalisation des actions de solidarité en faveur des migrants et des réfugiés. Du même ordre sont les tentatives résolument pathétiques de Jean-Michel Blanquer et de Frédérique Vidal de faire du soi-disant « wokisme » le problème existentiel de l’université française. Les filons sont trop grossiers pour que quiconque croie en la sincérité de telles vindictes ; elles ont pourtant largement contribué à orienter le débat politique vers la droite, puisqu’il s’agit aujourd’hui du nouveau cheval de bataille du RN.

Au-delà de postures de campagne somme toute très peu originales, la véritable singularité d’Emmanuel Macron réside plutôt dans la manière dont il a fait imploser le système français des partis, en siphonnant littéralement les formations traditionnelles de leurs cadres. À cet égard, il est utile de se tourner vers l’histoire du parlementarisme italien pour comprendre les mécanismes duplices mis en œuvre pour accomplir cette déflagration partidaire.

À suivre…

Le second volet sera publié dès cette semaine sur notre site: qg.media

Thibault Biscahie

Docteur en science politique, Université York (Toronto), collaborateur régulier de QG

19 Commentaire(s)

  1. Saluti,
    L’actualité nous rappelle que la bourgeoisie de gauche a fait tout comme la bourgeoisie de droite, c’est à dire mettre totalement de côté une grosse partie de la population. Le contrat social est rompu depuis fort longtemps. Toutes analyses fort justes n’ont plus cours, il faut tout réinventer car nous avons réellement basculé dans un autre monde la guerre des riches contre les pauvres selon Warren Buffet a été gagnée. Les bourgeois ont fait sécession à notre tour de nous passer d’eux

  2. Excellent article, d’une étonnante lucidité ; et qui ne s’embarrasse pas trop d’insinuations.

    Pour être clair, Thibault nous dit sans détours que, entre gauche et droite, la troisième voie (celle du centrisme extrême ou néo-centrisme), c’est la voie du troisième Reich, comme l’a été la république de Weimar.

    Hollande et Macron ont été, et sont, les principaux acteurs politiques de cette troisième voie, voie du fascisme social, de l’extrême droite sur l’axe du « social ». Des pourritures absolues singeant avec application le néo-fascisme américain inspiré du troisième Reich.

    Autre élément intéressant de l’article, l’idée d’un passage d’une approche « matérialiste », à une approche « culturaliste » de la politique, approche qui est un marqueur du fascisme. La prolifération des Think Tank en est un indice. Think tanks financés par les riches.

    A ce propos, cette mutation justifie de distinguer dorénavant 2 axes différents pour rendre compte des notions classiques de « droite » et de « gauche » :
    – un axe du « social » : axe du matérialisme cad de la réalité, de la vérité de la vie matérielle des gens (cet axe s’appuie sur l’existence de classes sociales dont les intérêts divergent)
    – un axe du « sociétal » : axe du culturalisme, cad axe du discours avant tout, des idées, des mœurs (cet axe s’appuie sur une vision citoyenne de la société : nous sommes tous égaux en tant que citoyens : la liberté, égalité, fraternité des uns c’est la liberté, égalité, fraternité des autres). Dans la citoyenneté, les intérêts de tous convergent automatiquement : toute revendication est une erreur intellectuelle).

    La « possibilité du discours » (sans référence matérielle) c’est la force productive essentielle du fascisme.
    La « possibilité de la vérité et de la justice » via le matérialisme, est la force productive essentielle de démocratie populaire.

    1. Je viens sur QG pour penser et s’il est un lieu où ma pensée parvient à se déployer c’est bien ici, et pas seulement pour les contenus de qualité que l’on y trouve. La Pensée est fondamentalement mouvement. Elle est EAU en l’homme et comme toute eau, elle a besoin d’être brassée et de courir librement pour garder vivacité et fraicheur. Sinon elle pourrit dans les mares ou se fait glace. Elle est dans la Création un élément puissant, à la fois liant et dissolvant. Présente à près de 90% en l’homme, elle est aussi l’élément clé de la vie. La Terre n’est elle pas dans l’univers une île bleue, un oasis de merveilles comparé au froid minéral des pierrailles stellaires qui nous entourent ?

      J’ai lu avec autant d’attention cet article que votre commentaire. Vous opposez en conclusion une certaine pratique du discours qui ne se paye que de mots (essence du fascisme selon vous) à la vérité et la justice accomplie (présentées comme voie d’une démocratie populaire), le tout sur le terrain du matérialisme où tout se ramène.

      Idéaliste notoire, mystique épris de transcendance jusqu’au bout des ongles et j’en passe, je pourrais m’opposer à votre matérialisme de toute mes forces et pourtant… Quand bien même je regarde la matière comme l’élément le plus opaque de la Création, sa terminaison en quelque sorte, le lieu de sa résultante pour être plus précis, où toutes les forces s’enchassent pour une gigantesque mêlée, je ne vois pas autrement que vous (qualifications mises à part), ce qui se produit de tout temps ici-bas. Nous avons bel et bien affaire à une lutte entre le mensonge et la vérité avec cette vérité que nous partageons vous et moi, que la vérité seule en mots, énoncée même brillamment, n’est pas vraie. La vie est complexe. La vérité pour se faire vraie doit investir le vivre et se rendre réelle. Sa vocation est d’investir la matière et d’y rayonner, de se rendre visible pour ainsi dire, d’y vivre elle-même manifestée pour tout dire. Oui la Matière est bel et bien un enjeu et un lieu clé.

      Ce qui nous différencie ? Vous la regardez comme l’unique lieu et enjeu d’une Finalité (en plus de vous situer sur le plan des structures sociétales comme lieu déterminant, là où pour moi ce lieu est à chercher en l’individu). Je la regarde comme un pan d’une Finalité dont elle est comme le vêtement, mais où tout se joue in fine. Et dans cette dimension, je sens bien que vous comme moi aspirons à voir tous les hommes vivre dans la Beauté de leur magnificience. Je ne me suis pas fait cinéaste pour rien. Qu’est le film sinon une peau ? Une peau de lumière que l’on donne à notre pensée pour la faire matière et la rendre visible, palpable du regard pour ainsi dire ?

      Je me suis lancé dans la réalisation d’une émission sur le Cinéma dont j’ai trouvé le sens la clé et la force dans mes échanges sur QG. Je pensais y aller tranquille pépère en faisant les choses en mode impro à l’arrache et à la volée comme à l’accoutumée, mais depuis qu’une trombe s’est invitée dans mes pensées, c’est jusqu’à mon environnement de vie et de création qui s’en est trouvé chamboulé (j’ai conçu mon habitat comme un studio de cinéma. Chaque lieu à été pensé pour faire plan). Et comme par miracle dans ce charivari aux allures de branle-bas-le-combat, il a fallu que la caméra principale trouve sa place dans mon set pour tout ce que j’avais conçu et mis en place trouve sens et fonction.

      La force d’une pensée se reconnaît à sa capacité de mettre la matière en mouvement et de l’animer puissamment et sa beauté se reconnaît à ce que cette matière dégage de force et possibilités de création une fois que tout a trouvé sa place pour y vivre de concert.

      Matière et Pensée, formes et forces (je relirais bien Focillon)… Sont les maillons de cette Création. Ils font UN en réalité. Il n’y a pas de rupture entre monde matériel et monde spirituel même si le chenal qui les relie aujourd’hui est semblable à un ru pas plus large qu’une sente. C’est en l’empruntant que ce ru se fait ruisseau, rivière puis fleuve avant de rejoindre la Mer. Mais parlerions nous de Mer s’il n’y avait de Terre ? Et mer et terre ensemble que seraient-elles sans ciel ? Je virevolte à nouveau… Je n’en ai pas encore fini avec le chambard qu’a mis dans ma tête et dans mon studio ce vent tournoyant. La caméra a enfin trouvé sa place, OK ! Mais maintenant faut finir de l’arrimer et j’en ai pour la matinée à scier, visser, charpenter 😅. J’y retourne ! Merci pour vos mots qui m’ont donné à penser en ce matin d’été.

      1. Salut Aerik. C’est toujours un plaisir de vous lire.
        Bon, il semble que nous soyons d’accord sur nos quelques désaccords. Je dis bien « quelques »: pour le fascisme le discours est instrumentalisé pour le mensonge et l’efficacité politique. C’est sa ressource principale. Rien n’est plus difficile à prouver que la vérité. Entre les think tanks et la presse mainstream, le fascisme « met le paquet » pour remplacer la vérité par le mensonge.
        Pour la gauche la vraie la vérité est première. Pas pour le fascisme pour lequel le discours massif est premier. C’est la premièreté du discours que je condamne, pas le discours en soi.
        Quant à la beauté discursive, elle est bien partagée entre tous les « discoureurs ». C’est bien ça le problème.

        1. Bonnes précisions. Rien à dire sur le fond. J’ai bien saisi les nuances de poids que vous avancez. Nos désaccords au demeurant ne sont que de circonstances. C’est la même électricité qui court dans mes nerfs depuis l’enfance. Selon le bulbe et le vide ambiant je lumophore rouge bleu jaune ou blanc mais c’est toujours de ma nuit noire que je sors.

          Je note que vous ne prenez plus de gants pour parler de ce qui a pris en otage médias et gouvernement. Le tournant des événements vous donne hélas raison et la comparaison avec l’atmosphère de fin de République de Weimar est tout à fait appropriée. C’est une des raisons pour laquelle j’ai choisi de « faire de la musique » et « parler art et cinema ».

          Scorcese disait qu’il y avait deux types de cinéastes. Les contrebandiers et les autres. Je navigue à vue pour l’heure. Mon sloop est petit mais il est maniable et peut évoluer overseas. QG demeure un Havre précieux pour alimenter sa pensée et échanger qui mérite qu’on le défende publiquement.

          La vraie gauche que vous mentionnez, celle de cœur selon moi, à existé. J’en suis issu. Qu’en reste t-il aujourd’hui ? C’est dans l’espoir de la retrouver avec les GJ que j’ai ammaré ici. L’issue de la République de Weimar n’est pas fatale. Mais la bascule ne peut être que mondiale…. Merci pour ce partage 😎

    2. Pour saisir un peu mieux ce rapport que j’entretiens avec la Création et comment je la vois, je vous propose une fois n’est pas coutume, un livre-audio, mais où il n’est question que de musique au final. Le premier chapitre de cette lecture du livre de Tolkien, le Silgmarillion, qui restitue la Genèse d’une ancienne cosmogonie nordique est de celles qui m’enchante le plus avec celle chantée par les Védas. Elle donne bien à sentir cette particularité du son d’être à la fois particule animée et onde portante, comme la Lumière mais sur un tout autre plan.

      En Cinéma on dit que l’on entre dans l’image par le son, dit autrement ce sont les sons qui colorent et font vibrer les photons dans l’homme qui les reçoient simultanément. Qu’est-ce qui dans l’homme permet de faire jonction entre sons et images pour rendre palpable une émotion jusqu’à nous faire trembler et nous tirer des larmes ? Un petit ru d’électricité qui court dans la chair dans notre réseau de nerfs, comme ce petit fil tressé de mots lumière court entre les pages de ce site chaumière…

      https://youtu.be/5wwdu309d94

      1. Tout d’abord je veux dire que je connais bien -moi aussi- le frisson poétique et/ou musical, frisson que j’ai nommé plus haut  » beauté discursive ».
        Ceci dit, j’ai suivi le lien. Et j’en conclus que certaines beautés nécessitent un apprentissage, Car, là, mon ressenti sur Tolkien a été proche de zéro (mes enfants ont adoré, elles).
        Les beautés des uns ne sont pas celles des autres : C’EST MAGNIFIQUE ! Le conflit, l’opposition esthétique c’est l’essence de l’art. Et cela, au-delà de la question de l’art idéologique (au sens d’idéologie politique).

        Tiens, en parlant d’idéologie, j’en profite pour faire de la propagande :
        https://hommenouveau.fr/nikola-mirkovic-kosovo/

        1. Les Balkans ! L’épicentre qui fit basculer les puissances occidentales impériales dans la guerre en 1914 par un incident mineur et qui secoue régulièrement l’Europe de ses séismes depuis. On se souvient de la guerre au Kosovo dans les années 90 qui provoqua des tensions dramatiques. L’épicentre aujourd’hui semble s’être déplacé en Ukraine mais les Balkans demeurent un lieu déterminant que l’Histoire à marqué d’une faille en en faisant la zone sismique de tensions entre deux plaques tectoniques : celles du monde « chretien » et du monde « musulman » qui se frottent depuis près de 500 ANS. Ainsi votre « propagande » est-elle judicieusement amenée et tout à fait opportune.

          Vos réflexions sur l’Art (mon dada, c’est peut-être pour cela que j’accorde ma guitare en D À D À D – Ré LA Ré LA Ré pour lancer mes sons dans les Ærs 😁)
          sont tout aussi pertinentes. J’ai flashé votre prose avec mon Phone pour l’emporter dans ma méditation du jour 🤗.

          Le conflit n’est pas seulement l’essence de l’Art, il en est le moteur. L’Art qui doit tout à la vie au sein de laquelle « tout n’est que rapport de forces » (Marx philosophe 👍), ne peut que s’engendrer dans une lutte des plus élevées. Étant une voie d’accès à la transcendance, peut-être la plus difficile de toutes, la lutte qui s’engage dans la vie et l’œuvre d’un artiste confine jusqu’au cosmique. Voyez Rimbaud (Oméga, le rayon violet de Ses Yeux), Jim Morrison (« Break on through the other side, bring out your vowels, the blue boss is calling us), Jimmy Hendrix (la musique est faite pour sortir de ce vieux corps) et tant d’autres qui se sont jetés éperdument dans cette quête…

          En cinéma on dit que l’essence d’un scénario c’est le drame et le drame est engendré par le conflit, ce qui fait du conflit, la lutte entre Bien et Mal, le moteur de toute ACTION !

          La vraie Beauté ne se révèle t-elle pas dans un combat ? De Tolkien je ne retiens que la trame d’ une lutte entre sons pour produire une Élévation. Le reste n’est que décorum que je broye et mux dans ma caboche pour en extraire l’essence. La Pensée est mouvement libre dans l’Abstrait. Que j’écoute une musique, que je regarde un film, lise un livre… Je cherche toujours comme le saumon à remonter le fil de l’eau pour frayer en Source avec le jeu d’idées pures qui l’anime et je danse avec elles.

          Entre danse et combat voilà comment je vois la grande roue créatrice dans laquelle je cherche à m’inscrire pour sortir du « tout-conflit » qui n’aboutit qu’à se faire la guerre et se détruire. Et pour danser, il ne faut pas seulement de la musique, il faut aussi un peu d’amour n’est-ce pas ?

          Bonne journée à vous, je cours réaliser mes projets. Je me suis construit un set pour filmer du stop motion animé et construire mes scénarios de film avec ma méthode Post-it. Je dois maintenant rebrancher et connecter les machines pour faire revenir la fée électricité 😁

          https://youtu.be/G7-17Rx4vRs

          1. J’ai suivi le lien ! et, là, ça m’a plu ! La régularité/répétitivité du rythme associée au galop du cheval en ombre. Le gratté de cordes tout à fait spécial. La prise de vue. Agréable. Ca invite à penser.

            Oui, il y a du conflit (cad du rapport social) partout. Même l’amitié est un rapport de tension malgré les apparences. Pour former un acteur (position de base de l’action) il faut être au moins deux (le deuxième n’est pas toujours visible : par exemple, l’approbation sociale implicite envers un acte quelconque autorise un individu apparemment seul, à accomplir cet acte). Parfois c’est l’ami concret, présent, qui permet d’agir (exemple : le policier qui dit « shoot-le » à son collègue qui tient le jeune en joue dans sa voiture : sans ce « shoot-le » de son collègue, le policier tireur, seul, n’aurait pas tiré) : ici, il y a deux policiers coupables, pas seulement un).

            Donc l’amitié ? Tout simplement, lorsqu’il y a un enjeu, un risque quelconque, l’amitié devient la ressource vitale : du coup, l’amitié devient elle-même un enjeu, cad il y a un « risque » à la perdre ; donc l’amitié -à des « moments » différents- est à la fois une chose et son contraire, une détente et une tension, une opportunité et un risque.
            Bonne nuit Aerik.

            Pour info : je suis d’origine Serbe par mon père.

          2. Merci pour votre retour enjoué 😎

            J’ai découvert votre com en présence d’un ami d’enfance venu me rendre visite. Du coup, nous avons partagé votre réflexion sur l’amitié et discuté un bon moment dans la foulée.

            Il me disait en substance que vous parliez là plutôt de l’amour selon lui. Il a ajouté en souriant que seul l’amour permet une réelle « détente » dans ce jeu entre détente et compression que vous mentionnez.

            Ce que nous avons apprécié et longuement commenté c’est cette notion de « risque » que vous introduisez dans cette modulation entre détente et compression, et il s’est agit pour nous d’apprécier la vraie nature de ce « risque » encouru dans une amitié, car à maints égards votre prose évoquait des aspects poignants que nous avions traversé ensemble.

            Il nous est apparu que l’amour, parce qu’il engageait totalement l’être, entendez par là corps esprit et âme parfois jusqu’à la Fusion, faisait prendre un risque beaucoup plus grand que l’amitié, et pas seulement à la personne mais y compris à l’amour lui-même. Un amour trompé trahi ou meurtri ne peut pas renaître, sauf miracle miraculeux. Il peut même totalement briser un être sans rémission et anéantir pour lui la possibilité ou la volonté de vivre d’un autre amour.

            À l’inverse, une amitié tuée par un coup dur peut renaître et n’affecte pas un être jusqu’à le détruire et le faire renoncer à l’amitié elle même. La force de cette réserve qu’induit la « distance des corps » qui donne à l’amitié une p’ys grande souplesse et fluidité.

            Une autre pensée induite par votre commentaire est l’incournable présence d’un deuxième « acteur » même caché pour que vive et se développe l’art d’un artiste que l’on imagine à tord souvent seul et unique détenteur de son œuvre, comme l’ on s’imagine presque toujours à tord être les seuls créateurs et détenteurs de sa pensée.

            Il y a toujours tapi dans l’ombre quelqu’un qui fait première oreille ou premier regard à qui l’auteur d’une œuvre s’adresse en lieu et place de toute l’humanité, irreprésentable.

            C’est un processus bien connu des écrivains, chanteurs, poètes que de dédier leurs œuvres à des êtres chers. On connaît aussi l’importance que jouèrent certaines personnes pour certains artistes dans la réalisation de leur œuvre. Que serait Socrate sans Platon ou Van Gogh sans son frère Théo pour ne citer que ceux-là ? Quand Vincent offre son oreille coupée à une prostituée après son clash avec Gaughin avec qui il murissait le grand projet d’une maison d’artistes, la fameuse Maison Jaune, que signifiait-il sinon qu’il venait de perdre l’oreille qui se tendait vers lui dans laquelle il allait chercher son inspiration et sans laquelle il ne pouvait plus vivre que désolation ? Il transmutera son désarroi en chef d’oeuvre et reprendra son ouvrage. Il se suicidera quand il sentira jusqu’à la surdité de son propre frère à son endroit : « tu ne fais pas dans le marchand d’hommes que je sache »? Lui criera t-il dans sa dernière lettre avant de se donner la mort, seul. Théo décédera un an plus tard jour pour jour. Curieux sort. C’est la femme de Theo, qui tenait son mari éloigné de son frère, qui assurera la destinée de la peinture de Van Gogh.

            Vaste sujet qui nous emmène sur les curieux chemins qu’empruntent parfois la vie, sur les territoires de ce qui relie les êtres, et sur la Nature de la Pensée qui rend l’intelligence partageable.

            Belle réflexion qui m’aura permis un bon rebond. Merci et bon week-end à vous 🤗

          3. Oulala ! très belle réflexion sur l’amitié, l’amour, l’art ! Je suis heureux d’y être associé. Merci.

          4. J’ai parcouru le site philosophique. Très riche. J’ai commencé à explorer. Des choix curieux en effet. Beaucoup d’absents et des classifications parfois discutables mais l’ensemble forme une boîte à outils précieuse comme je les aime. Simple, efficace et bien écrit. Merci.

            Je ne connais ni ne consulte rien de semblable en matière d’art. Je me fie à ma mémoire, ma curiosité de regard et à ce que mes amis artistes me donnent à partager de leurs propres recherches et découvertes.

            Quand j’ai dit à mon père que je renonçais à la brillante carrière à laquelle m’avait préparé les études de Commerce qu’il m’avait imposées de faire (je suis diplômé de Supdeco Paris avec passage à HEC Montréal), pour entamer un cursus en Cinéma pour être artiste, fidèle à l’esprit « Commando » dans lequel il m’a élevé (fils de gendarme, il a fait ses classes dans les camps disciplinaires de l’armée et m’a gavé de ses histoires de service militaire pendant toute mon enfance, la raison pour laquelle je suis devenu anarchiste ?), il m’a tendu le livre « Narcisse et Goldmund » de Hermann Hesse et m’a foutu à la porte avec ces mots : « Pour toi, ce sera l’école de la vie ! ».

            Depuis je navigue à vue contre vents et marées, loin des écoles, universités, institutions, réseaux,… Je me suis moulé à cet « underground » (j’ai passé 20 ans dans une cave-atelier-studio à Paris) sauvage et hétéroclite, pour tracer ma voie en libre. J’ignore tout du monde des institutions. J’ai fui leur griffe administrative et intellectuelle. Hormis QG qui me donne à penser et YT pour la musique, je ne ne consulte rien sur internet.

            Je navigue dans ma caboche et en analogique avec mon stock. Ma caboche comme ma « Belle aux cakes » (bibliothèque multi-media) sont bien remplies si j’en crois mes proches, passablement fêlées, voire explosivement hétéroclite même. Mais ne dit-on pas des fêlés, « heureux sont-ils car ils laissent passer la Lumière » 🤣

            Belle journée à vous. Ici le soleil levant est or oranger 🎶

      2. 🤗

        Vous avez bien saisi le sens de mes mots. J’en suis touché ‘ 🙏

        Parlant d’écoute créatrice, je n’ai pas été surpris d’entendre le mot « compassion » prononcé plusieurs fois à bon escient au cours de l’émission par le chercheur en quête de vrai, venu dire son livre.

        Avez-vous remarqué que de Bouddha, Aude à la Longueur d’OReille ? 😉

        1. Concernant Bouddha, je suppose que vous faites allusion, par mégarde, à l’émission avec mr Tesquet.
          Pour de récents problèmes de vue, j’ai du diviser par 5 au moins mon temps « visuel » sur ordinateur, et n’ai donc pas vu cette émission.
          Mais là, vous m’avez mis l’eau à la bouche (si j’ose dire) et j’y suis allé … voir.
          Ma conclusion … c’est que nous n’avons pas les mêmes valeurs Aerik. Certes, l’oreille est parfaite, mais en matière de féminité, j’ai été beaucoup plus sensible à l’accord de la bouche et du T-shirt, ce dernier se montrant effrontément décolleté (merci à lui). Bizarrement, le pied ne m’a pas laissé indifférent non plus.

          Je ne me connaissais pas fétichiste. Tout arrive.

          1. Joli et joliment dit 😎

            Pas les mêmes valeurs de féminité ? Difficile à dire. Je me découvre chaque jour plus étonné devant ce qui me touche ou me fait vibrer, en particulier dans ce domaine. La seule certitude que j’ai me concernant c’est que c’est bel et bien la féminité qui m’attire. Les attributs masculins me laissent généralement froid et sans voix.

            L’homme, l’humain je veux dire, est une sonde à mystères et je ne suis pas loin de penser que si la Vie a sortie des engendrements et transcendements successifs qui l’anime, la créature humaine, c’est peut-être pour résoudre un problème inhérent ou voir s’accomplir en elle-même un avènement, porté par un besoin ou né d’un Désir au sein duquel se lovait une ignorance ou quelque chose comme un impensable à faire vivre, un mystère à découvrir, un inattendu à faire surgir, à l’image d’une folie à vivre qui est bien le propre de l’homme. Quelle autre créature peut s’engager dans ces parages au cours de la brève existence qui est la sienne ? La « folie de la foi » fut l’expérience que j’ai choisi de vivre, que j’ai vécue et même poussée à son paroxysme avec Fred Madal au sein des Pèlerins d’Arès. Je n’ai pas traversé que des abysses. J’ai aussi tâté et été traversé par du Sublime. C’est la tension des extrêmes qui m’anime que je réussis parfois à rendre apaisé

            https://youtu.be/VA5DwWy2qs4

            La créature humaine avec sa liberté, circonscrite certes mais liberté quand même, ne serait-elle advenue que pour surprendre la Création elle-même, sans lui réglée comme du papier à musique, et l’engager dans des voies nouvelles voire inédites ? En clair et bref, sortir de Bach pour entrer dans Mozart ou encore passer de la dictée de solfège et la ritournelle à l’improvisation en Band voire au Buff Géant ! Surprendre c’était tout l’art de Eric Cantona, joueur devant l’Éternel s’il en est dans un tout autre domaine.

            J’aime jouer en effet. Jusqu’à jouer avec ma vie elle-même que j’ai mise en jeu plusieurs fois jusqu’à frôler la mort et traverser des abysses.

            Iconoclaste dans l’âme, il ne m’est pas facile de me reconnaître fétichiste comme vous le faites. Je penche plutôt pour une forme de totémisme, tel que décrit par Levi Strauss comme figure mentale qui réunit en son sein les contraires dans une recherche de l’unité originelle. Un trait propre aux civilisations africaines et océaniennes dans lesquelles j’ai baigné dans mon enfance. Mon grand-père gendarme à servi des années au Tchad, en Nouvelle Calédonie et l’âtre grand-parental, refuge d’une enfance turbulente et tourmentée, était pétri de l’esprit de ces contrées. Je me suis fondu dans ces formes multiples et hétéroclites, expression d’une « pensée magique » ou « sauvage » selon les dires. Tout peut faire Signe pour moi et en même temps toute forme n’est qu’évanescence furtive dans le temps. Ce que j’ai appris à voir de permanent est au-delà des formes. Il s’inscrit dans mon esprit en flux et se reflète à la surface du visible comme la projection fugace d’un intérieur qui ne peut ni se montrer ni se dire en totalité, qui contient toujours une part de mystère en réserve.

            J’ai parlé « Oreille de Bouddha » et vous avez bien vu que j’avais confondu avec l’itv d’un autre fil de QG. Mais je maintiens mes dires. J’ajoute que le graphiste que je suis à aussi pris dans l’œil le graphisme du T-shirt de la même scène auquel vous vous êtes montré sensible. Et pour cause, c’est l’image qui orne mon briquet Clipper « fétiche » trouvé au fin fond du Médoc qui m’accompagne depuis que je suis sorti de mon trou parisien pour « reprendre la route » avec les GJ. Vous comprendrez aisément pourquoi je me suis passé de commentaires, glissant vers l’oreille pour rester dans le jeu d’écoute où je me tiens désormais (en langage maritime, une écoute est aussi le bout de ficelle qui permet d’ajuster la tension de la voile 😏).

            Bon Jour à vous, comme dirait Delacre.

            Au plaisir de poursuivre ces échanges sur le fil QG en cours

          2. Je vous cite : « La seule certitude que j’ai me concernant c’est que c’est bel et bien la féminité qui m’attire. Les attributs masculins me laissent généralement froid et sans voix. »
            Là, je vous suis totalement.
            Paradoxalement (mais c’est un classique je crois), l’homosexualité féminine a (avait ?) chez moi quelque chose de stimulant – je n’en dirais pas plus (et ne le répéter pas : je ne tiens pas à passer pour le beauf absolu).

  3. Intéressante démarche que celle de nous faire entrer dans une pensée en mouvement, de nous permettre de suivre un penseur dans l’élaboration de sa pensée au fil des articles. La saga de l’été 😎 ?

    Ce premier volet est prometteur. J’ai trouvé quelques pépites dans la comparaison du président français avec Blair (technopopulisme…) et in fine ce qu’il l’en détache, l’obcession de sa personne, dit autrement son narcissisme, narcissisme qui explique le virage attendu de cette « enquête » vers l’Italie dans le prochain volet comme annoncé. Avec l’ombre de Mussolini, el Duce, dans le placard ?

    À suivre donc…

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