« La France ne connaît plus l’Afrique ». Cette phrase d’un intellectuel malien que cite Leslie Varenne dans son livre, Emmanuel au Sahel, itinéraire d’une défaite (Max Milo), résume la rupture progressive entre la France et l’Afrique francophone, notamment au Sahel, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Pour QG, la journaliste revient sur les raisons de ce rejet croissant de la politique française en Afrique, notamment sur l’absence de vision politique de long terme et de prise en compte des aspirations populaires en Afrique. Une situation qui fait à terme peser un risque de marginalisation de notre pays au niveau international, tant au sein de l’Union européenne qu’à l’ONU. Interview par Jonathan Baudoin
QG : Peut-on dire, à travers votre livre, qu’Emmanuel Macron est à la fois un homme du passé et un homme du passif ?
Leslie Varenne : On peut effectivement dire qu’Emmanuel Macron est un homme du passé dans la mesure où il n’a pas changé la politique africaine menée par ses deux prédécesseurs. L’exemple de la guerre au Sahel est patent. Il n’a pas remis en cause les outils que François Hollande lui avait légués, il a modifié la forme, le style, mais pas le fond, alors qu’à cette date l’armée française connaissait déjà de grandes difficultés. À la fin de ses deux quinquennats, il sera aussi un homme du passif puisque l’image de la France en Afrique sera durablement écornée. À ce titre, les deux dernières années que nous venons de vivre sont sans précédent dans l’histoire.
QG : Est-ce que la politique africaine de Macron explique, à elle seule, une montée de la francophobie en Afrique francophone ou d’autres facteurs explicatifs sont-ils à prendre en compte ?
La francophobie en Afrique francophone n’existe pas. Le sentiment anti-français non plus, les Français qui vivent sur le continent n’ont aucun problème, il n’y a ni racisme anti-blanc, ni racisme anti-français. D’ailleurs dans mon livre, je n’emploie jamais ces termes. En revanche, il y a un vrai rejet de la politique africaine de la France qui préexistait d’ailleurs à l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. La manière dont il a conduit et géré les crises ont porté ce rejet jusqu’au point de rupture. Nous avons pu le constater, notamment dans les pays du Sahel. Pourtant lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il avait créé des attentes, mais il n’a pas su être au rendez-vous des grands changements qui se produisent au sein des sociétés africaines. Sur le fond rien n’a changé du côté de Paris, les demandes de non-ingérence dans les affaires intérieures, la lassitude devant les doubles standards n’ont pas été prises en compte. Au contraire, les accents autoritaires d’Emmanuel Macron ont exacerbé les tensions avec les populations comme avec les chefs d’État africains.
QG : Quelles sont les conséquences de ces échecs de la politique extérieure de Macron en Afrique, notamment au Sahel, sur le poids de la France dans les relations internationales ?
Les conséquences sont considérables et se feront sentir pendant longtemps même si à l’heure actuelle on n’en mesure pas encore toute la portée. La perte d’influence de la France en Afrique impactera sa place dans le monde, au sein de l’Union européenne, des institutions multilatérales, des Nations Unies. Elle ne sera plus qu’un des 27 pays de l’Union européenne. Certes, elle reste un membre permanent du Conseil de sécurité, mais pour combien de temps encore ?
QG : Est-ce que l’armée française est également désemparée sous la présidence Macron ?
L’armée française n’a pas été en capacité de ramener la sécurité dans les pays du Sahel où elle était engagée. Si vous regardez les cartes réalisées par le Quai d’Orsay, vous constatez qu’année après année, la situation s’est dégradée. Les djihadistes ont occupé de plus en plus de territoires. Quel était l’objectif ? Au début de l’opération Serval en 2013, il y avait des territoires à reconquérir, c’est un objectif précis. Une fois celui-ci atteint comment ramener la paix ? Quelle était la politique ? C’est cette absence de vision et de connaissance des réalités africaines qui ont mené à cet échec-là. Ce que j’explique dans le livre en relatant l’histoire de ces sept dernières années du conflit sahélien, c’est que ce sont les erreurs, les fautes politiques, l’absence de stratégie et de diplomatie qui ont conduit à cet échec militaire. Est-ce que l’armée est désemparée ? Je ne saurais le dire, en revanche, il est certain qu’elle sort affaiblie de cette séquence et que là encore il y aura des conséquences lourdes. La première se fait déjà sentir puisque depuis son départ du Sahel, l’armée française connaît des difficultés de recrutement pour la première fois depuis une décennie.
QG : Est-ce que la France aurait tout intérêt à tirer rapidement les leçons de ses échecs au Sahel pour redéfinir sa politique extérieure dans un contexte de désoccidentalisation du monde ? Si oui, sous quelles conditions et avec quels objectifs selon vous ?
Est-ce que l’Elysée ou le Quai d’Orsay ont tiré les leçons ? Il est permis d’en douter au vu de la situation au Tchad actuellement. Que faudrait-il faire ? Arrêter de penser et d’agir comme si la France est une nation indispensable à l’heure où l’Afrique est convoitée par tous. Les Turcs, les Russes, les Chinois, l’Inde, les monarchies du Golfe tout le monde est sur les rangs, la concurrence est forte. L’époque a changé, les États africains ont désormais le choix de leurs partenaires et ils ne comptent plus se laisser dicter leur politique. La France n’a pas les moyens financiers de la Chine pour construire des infrastructures, son industrie de l’armement n’est pas adaptée au continent, trop sophistiquée, trop chère pour concurrencer les Chinois, les Turcs et les Russes, il lui reste néanmoins quelques atouts à faire valoir, ce qui ne peut être réalisé sans élaborer une réelle stratégie de long terme et ne plus être seulement dans la réaction.
Propos recueillis par Jonathan Baudoin
Leslie Varenne est journaliste. Elle est l’auteure de : Emmanuel au Sahel, itinéraire d’une défaite (Max Milo, 2024), et Côte d’Ivoire : terrain de jeu de la France et de l’ONU (Fayard, 2012)
Macron est un homme totalement latéralisé du côté de lui-même et de la culture du profit : sa pensée prospective n’est pas impactée par l’écoute de son environnement, mais par des projets conçus hors des réels singuliers ; son réel c’est celui du monde de la finance globalistique. De plus en plus de « patrons » d’entreprises sont sur ce modèle : ils méprisent les syndicats ; ne les écoute que pour la forme ; ou alors créent et écoutent des syndicats bidons (y’a pléthore).
« Faire semblant » d’écouter les réels singuliers, qui s’agitent et qui vivent, est cependant le sport favori de Macron. Enlacer impudiquement et publiquement des personnes noires de peau pour montrer qu’il n’est pas raciste, il sait faire ; mais il n’écoute pas l’Afrique noire.
Animer des groupes participatifs bidons est aussi sa spécialité : rappelons-nous les Gilets Jaunes et toutes les basses manoeuvres d’écoute qu’il a initiées, mais desquelles il n’a jamais rien tiré : il n’écoute pas la France jaune.
Par contre, si un réel singulier « matche » (ils parlent comme ça les technocrates français) avec son réel financier, là il va dire que sa décision fait suite à l’écoute de cette singularité : « je vous ai compris » dira-t-il en pensant à De Gaulle. Macron pense qu’il est marié avec la France, mais il trompe (presque) tous les français : on est (presque) tous cocus ; sa maitresse c’est la finance (américaine). Ah si Brigitte s’appelait Scarlett !