Le Procès Goldman: un chef d’oeuvre de Cédric Kahn

Le 08/10/2023 par Aude Lancelin

Le Procès Goldman: un chef d’oeuvre de Cédric Kahn

Austère et violemment intègre, le « Procès Goldman », film de Cédric Kahn, déjà réalisateur de « La Prière » en 2018, nous empoigne sans musique, sans flash backs, dans une joute verbale fascinante, avec un film consacré au procès Pierre Goldman, qui se déroula à Amiens en 1976, vers la fin des années rouges françaises. À voir en salles absolument

Quel film… Austère, violemment intègre, dans une esthétique quasi Dogma à la Lars Von Trier, Cédric Kahn nous empoigne sans musique, sans flash backs, sans facilité quelconque, en misant sur la seule puissance du verbe et d’acteurs au sommet (éblouissantes performances d’Arieh Worthalter, et Arthur Harari dans la robe de maître Georges Kiejman, disparu le 9 mai dernier). Comme notre époque semble pâle et vide à côté des années rouges, même agonisantes et réduites à l’état de cendres. Le paradoxe c’est que le film rejoue en effet l’un des épisodes les plus discutables de la fin des années 70, le dossier Pierre Goldman, ancien chef du service d’ordre de l’Union des étudiants communistes et de l’UNEF, mi-desperado, mi-déséquilibré, coupable de divers vols à main armée, dont l’un, cette fois doublement meurtrier et farouchement nié, fournit la trame du film. Une figure dont l’extrême gauche s’entichera jusqu’à faire un héros ambigu, et même un martyr.
Et pourtant, dans ce clair-obscur des possédés dostoïevskiens à la française, brûlés par la passion politique, ceux-là qui se rangèrent après les années 70, les uns pour revêtir des costumes cendrés et arriver jusqu’à l’antichambre de l’Élysée, les autres pour sombrer dans la dépression, la folie, ou revenir à la métaphysique, tout semble tellement intense. Même la semi imposture Goldman, auxquels voulurent croire nos aînés, paraît dans le film de Cédric Kahn tellement plus réelle que le monde intellectuellement défait d’aujourd’hui. Le monde des essayistes atlantistes de cour et des notables socialistes repeints en rouge. Et quel avocat aujourd’hui pour décortiquer avec autant de brio que Kiejman chez Kahn la philosophie de la vérité cartésienne dans un prétoire, sans passer pour un illuminé ou un cuistre?
Mention spéciale en ce dimanche 8 octobre 2023, jour absolument sinistre pour Israël et pour les Palestiniens, front contre front, sang contre sang, à cette réplique de Goldman dans le film: « Pourquoi ne parle-t-on pas yiddish au bureau politique? Pour que Rachid puisse suivre. » Oui, fut un temps aussi où, au sein de l’extrême gauche française, juifs et arabes étaient frères. Et où cette union indissoluble était une absolue évidence, à la lumière d’un idéal qui écrasait les affects mauvais, les partis pris et les provenances de chacun.

Aude Lancelin

« Le Procès Goldman », en salles depuis le 27 septembre 2023, 1h56, réalisateur Cédric Kahn, déjà réalisateur de « L’Ennui » en 1998 et de « La Prière » en 2018.

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1 Commentaire(s)

  1. Ben ça alors, j’avais raté ce « blog » d’Aude Lancelin ! Certes « blog » très promotionnel mais qui donne envie de voir le film. Aude aime beaucoup les « anarcho-bandits » ! Avec un revolver mais aussi de l’esprit. Intellectuelle sentimentale qui aime l’action !!! C’est grave mais y’a pire.

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