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Élections, piège à cons ? – Quartier LibreAvec François Bégaudeau

Émission du 06/04/2022

Aude Lancelin a reçu l’écrivain et réalisateur pour un entretien politique dans la dernière ligne droite du premier tour de la présidentielle 2022. L’abstention peut-elle être un geste de résistance efficace? Pourquoi les classes populaires et les banlieues se sont-elles à ce point retirées de l’échange politique? La percée de Mélenchon oblige-t-elle au contraire la gauche à voter? Avec humour et indépendance d’esprit, notre invité analyse toutes ces questions dans cet entretien sans filtre.

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49 Commentaire(s)

  1. Je ne comprends pas pourquoi la gauche révolutionnaire met des bâtons dans les roues de la gauche réformiste.

    Les élections ont de nombreux défauts. Pour autant ce n’est pas vrai de dire qu’elles ne changent rien, comme le dit Bégaudeau lui-même à propos du programme de Macron. Les lois comme celle sur la Sécurité Globale, le mariage pour Tous ou les 35 heures influent sur la vie de nombreuses personnes. Bégaudeau a une approche matérialiste classique selon laquelle c’est le rapport de force qui détermine les choix politiques qui sont effectués. Ce qu’il oublie, c’est que l’opinion publique change en fonction des discours prononcés et des lois votés par les élus. La banalisation symbolique et l’application des mesures les fait rentrer dans le réel sans qu’on puisse en tenir pour cause principale le rapport de force et la grève. On peut prendre pour exemple les grèves qui ont échoués sur la question des retraites, ou à contrario des lois qui n’ont jamais été demandés par quiconque mais qui ont bouleversé la vie des gens, comme le redécoupage des régions.

    La vision abstentionniste est contre-productive. L’intention est souvent de permettre une expression plus démocratique des opinions. Dans les faits, cette alternative reste à l’état d’utopie, et tout ce que l’on retient c’est une vision négative des moyens de s’exprimer actuel. L’abstention militante est une position intellectualiste qui ne se rend pas compte que la plupart des abstentionnistes le font car ils ou elles sont dépolitisés. Tels des pompiers-pyromanes, ils pensent élever leurs auditeurs ou lectorat vers des modes de représentations nouveaux, alors qu’ils ne font que les renvoyer vers un « Tous pourris » sommaire.

    Quand personne ne croira plus aux élections, qu’il n’ y aura plus que 10% de votants ou moins, le pouvoir ne disparaitra pas. Les moyens de le faire tomber changeront, et à la paix du vote succédera la guerre civile.

    Certains militants souhaitent cela je le sais. Ils pensent sincèrement que la grève, la manifestation et l’action directe sont le seules moyens de renverser le pouvoir. Qu’il ait la décence de ne pas critiquer le vote puisqu’il ne vote pas. Que les révolutionnaires laissent les réformistes tenter la voie des élections. Les 2 méthodes ne s’opposent pas. Chacun lutte comme il peut et veut et on verra bien ce qui marchera.

    Saboter la possibilité de rupture démocratique avec les politiques capitalistes actuelles, c’est saboter la possibilité d’une révolution sans bain de sang. En disant que seule la lutte nous fera gagner, ces gens sont des accélérationnistes de gauche.

    1. Bonjour mr ou mme Plume (les plumes, c’est comme les nuages, on ne sait jamais si c’est féminin ou masculin « génétiquement » parlant ; « génériquement » parlant c’est plus clair, le premier est féminin, l’autre est masculin).

      Je partage votre point de vue fort raisonnable sur Bégaudeau.
      Cependant sur certains points je nuancerais !
      – je suis favorable aux élections mais ne suis aucunement réformiste, et je crois que la solution de la violence révolutionnaire est « aussi » une solution parfaitement envisageable. Quand trop c’est trop, faut cogner ! mais ça Bégaudeau n’en parle jamais.
      – Bégaudeau n’est pas révolutionnaire ; c’est une posture, chez lui, qui cherche à maintenir le système qui le nourrit : ça a abouti à l’élimination de LFI, et c’est ce qu’il cherchait.
      – j’adore « accélérationniste », mais en l’occurrence et concrètement Bégaudeau est un « freiniste masqué ». Il faut souvent en revenir au génial La Fontaine : en l’occurrence ici au « lièvre et la tortue ».

  2. Tout de même… il m’a énervé, Bégaudeau, avec son bouquin de commande paru juste là, pour faire la promotion de l’abstentionnisme. Franchement, c’est une posture. Et la posture, c’est un truc de poseur. C’est snob. C’est tout ce qu’il dénonce, quoi. Lui qui ne cesse d’exiger qu’on s’attache au concret, au réel, à la vraie vie des gens, il vient nous expliquer qu’on fait bien ce qu’on veut, hein, mais qu’aller voter, c’est voter « pour l’élection », élection qui serait de toute façon le joujou des bourgeois, et du coup, y aller serait y participer, donc se soumettre, bla bla bla. Du vent. Il brasse de l’air, pendant que des gens comme lui nous ont privés de ce moment joie possible, de cette respiration intense, qu’aurait pu être ce moment. Pour un type qui a écrit un livre qui s’appelle « Notre Joie », bravo. Franchement, j’ai rien contre l’abstention, ce qui m’énerve c’est quand elle devient un principe. Un truc qu’on fait par défiance en s’enfermant dans sa pensée figée. L’abstention, ça devrait être une option qu’on s’autorise ou non selon le contexte (là par exemple… bon). On ne devrait pas se soucier de si voter aux présidentielles « c’est bourgeois ou non », qu’est-ce qu’on s’en fout, sérieux ? Ce genre d’inquiétude, c’est vraiment un truc de narcissique qui ne pense qu’à l’image qu’il veut donner aux autres : « regardez comme je suis de gôche anti-bourge, regardez comme je suis punk ! » C’est vraiment un truc de poseur, qui ne cherche qu’à donner des gages de sa pureté idéologique à son camp. Et le concret, là-dedans, il est parti en fumée : on n’aura pas le loisir de commenter les échecs de la politique menée par LFI, cadenassée par l’UE, empêchée par la BCE et tout le tutti. On ne pourra pas râler sur leur échec puisqu’on n’a pas réussi à les faire passer !! À cause de gens comme toi, François Bégaudeau. À croire qu’espérer sauver notre modèle social, essayer de récupérer quelques morceaux de notre service public, tenter de mieux payer quelques travailleurs pauvres etc, c’est secondaire, finalement. L’important, c’est d’être en phase avec « ses principes ». Tu m’énerves.

      1. Il y a du cynisme dans cette posture. Et le cynisme, n’est-ce pas le contraire de la Joie, justement ? Il y a quelque chose chez lui (que j’ai remarqué depuis un certain temps) de la position en surplomb. Peut-être depuis qu’il a écrit « l’Histoire de ta bêtise » et « Notre Joie », tous deux décortiquant l’Autre. Alors attention, j’ai bien conscience qu’il s’attache à faire aussi son autocritique. Mais s’autocritiquer n’est pas exactement chercher en soi ce qu’on cherche en l’autre. Son autocritique visait plutôt à se montrer imparfait MAIS différent de son objet d’analyse. J’aime mieux l’approche d’Orwell, qui combattait l’essentialisation par une espèce de faculté d’empathie hypertrophiée. Il n’aurait jamais analysé LE Bourgeois ou LE facho. Il aurait cherché en lui ce qui le rapprochait de ces gens. Ce qui en lui était ceci ou cela, bourgeois ou facho. Pas de distanciation, pas de position de surplomb.

  3. Ah ! (Saint 😉 ) François, il nous aura manqué votre voix pour parler aux oiseaux abstentionnistes et que notre gauche arrive au second tour ! On aurait eu un authentique débat entre Droite et Gauche et non ce qui va se passer de médiocrissime, d’ultra- sécuritaire, de cynique masqué sous des « bons » sentiments … d’exclusion : « L’empreinte du faux » ( j’aurais bien mis la photo de couverture du livre de Patricia Highsmith mais n’en peux mais …. )
    CAP, pour nous, – par-dessus ce second tour où l’abstention reprend ses droits, vous redonnant raison à 15 jours près ( vous eussiez pu patienter 🙂 – à moins que le vote blanc, sur les LÉGISLATIVES !

    p.-s. on entend bien sur l’autre plateau de QG, hier soir, Anasse Kazib prôner le 3ème tour social ( ou un remake des GJ ) mais tout le monde n’est pas opérationnel  » On n’a pas tous les jours vingt ans » 🙂 pour monter des barricades sur voies ferrées ou s’aller faire lacrymogéniser …

  4. François Bégaudeau fonctionne à l’affect, dit-il ! Soit. Mais nous en sommes tous un peu là ! Et, à l’affect, après l’avoir écouté, j’ai «affectivement» ressenti que Bégaudeau était une sorte de bas organe se prenant pour un cerveau ! Le résultat n’est pas au rendez-vous !

    Bégaudeau veut tellement nous faire savoir qu’il ne votera pas, qu’il nous pond un bouquin sur cette question ! Mais, en quoi est-ce intéressant ? on s’en fout, en fait ! Ce bouquin (pro-système contrairement aux apparences) juste avant une élection vise en fait :
    1) un impact commercial pour sa pomme et
    2) un effet d’influence électoral. LE système nourrit bien Bégaudeau, il faut donc qu’il le préserve. Le peuple malheureux, mais aussi et surtout l’essaim puant de la bourgeoisie intellectuelle libérale (de gauche et miséricordieuse bien évidemment) qui se nourrit de ce malheur, constituent un marché considérable : coup de force, coup de pub, provocation constituent la stratégie commerciale de Bégaudeau. C’est un malin qui se prépare à l’éternel «je vous l’avais bien dit que ça ne servait à rien de voter». Prophétie qui contribue forcément à sa réalisation ! Comme si voter était exclusif d’autres formes d’action ! Bégaudeau maitrise l’art de prendre les électeurs … pour des cons !

    Nul besoin de réfléchir beaucoup pour comprendre que son propos général cible d’abord ici ceux qui ont intérêt au vote Mélenchon, cad la classe ouvrière (qu’il présente comme des sortes d’imbéciles, malgré ses répétitives dénégations du style « oui, mais non, je les aime bien, Mélenchon est intelligent, mais cependant … » etc). Ce ciblage acrobatique contre le prolétariat vise aussi à se «rattraper» de son ouvrage précédent sur la «bêtise de la bourgeoisie». Pour être de nouveau invité sur les plateaux télé de la bourgeoisie, il fallait bien se «racheter» par un signe contraire qui favorise clairement le couple électoral Macron/Le Pen : et pour cela, il fallait insinuer hypocritement que les bourgeois, au fond, ne sont pas plus bêtes que les prolos. CQFD ! Les bourgeois respirent et les ventes vont repartir pour la plus grande joie de l’éditeur et de l’auteur.

    Outre cela, ça semble être une manie chez lui de réfléchir (et d’écrire des livres) toujours sur la bêtise qui existerait chez les autres que lui, tout en disant que lui-même fait aussi dans la bêtise populaire; le répétitif «oui mais non» :
    S’enthousiasmer pour un mach de foot, «c’est con mais …»
    S’enthousiasmer pour les miss France, «c’est con mais …»
    Voter dans l’isoloir, «c’est con mais …mais là non, ça je le fais pas» car «ça sert à rien».
    Pourtant, en Amérique de sud, parfois si, ça a servi et ça sert encore quelquefois !!!
    Par contre, voter à « main levée » comme il le faisait dans sa jeunesse, ça c’est pas con, c’est intelligent. Et pourquoi c’est intelligent ? en creux, il nous dit carrément que l’intérêt du vote à main levée est d’empêcher le vote «contre» la norme de groupe, vote toujours un peu honteux. Lui a le courage de ses opinions ! Pour illustrer ses propos, il nous parle des réunions de copropriétaires bourgeois où l’on vote à main levée ; à main levée aussi lors des grèves etc . Pour lui, l’isoloir, c’est l’ennemi central car on n’est sous le regard de personne, et du coup on peut voter librement ; et c’est trop facile ! Suggérons-lui la torture, qui est efficace aussi pour obtenir des votes conformes aux attentes majoritaires. Bref, cette séquence quasi obsessionnelle sur l’isoloir est surréaliste (« à main levée » pour un vote de millions de personnes !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!….).

    D’autant que des solutions alternatives à l’élection nationale maudite, il n’en propose pas : certes il évoque le modèle des Gilets Jaunes (combinat de classes sociales en détresse que Lénine a brièvement décrit dans son ouvrage « l’Etat et la révolution »), mais rien d’autre. Rien en fait. En gros Bégaudeau semble confondre révolte (GJ) et révolution, ce qui témoigne d’un manque d’instruction politique regrettable. Lui, fait partie de la catégorie des professions libérales (écrivains, …), professions qui ne doivent rien à personne, et qui se forgent une situation «au mérite», «à la force du poignet» ou même «à l’esbrouffe» cad au «coup d’éclat» (lui c’est à chacun de ses livres) ; et cette catégorie n’a aucun intérêt à la révolution ; d’où leur réticence (anarchisante parce que ça fait noble) contre toute forme d’organisation, organisation sans laquelle pourtant rien, strictement rien, n’est possible en matière de changement. Conspuer l’élection sans évoquer la révolution, ça fleure bon le gaucho-libéralisme de droite. D’ailleurs, Bégaudeau est une sorte de BHL de gauche : socialement «pédant» (au sens de Bourdieu), il rajoute, comme BHL le dandysme cad le «port» et la «posture des plateaux».

    Et Bégaudeau, dans son obsession sur l’isoloir, poursuit sur le thème de l’abstraction ; et là, c’est grandiose ! Selon lui, dans l’isoloir «l’abstraction» se développerait, ce qui signifie pour Bégaudeau que le prolo y perd le sens de la réalité, et donc vote n’importe quoi ! Dont un vote raciste. Waouh ! C’est du lourd ! Ici, Bégaudeau confond «fantasmes» et «abstractions», «romantisme» et «matérialisme». Abstraire ce n’est pas inventer en conscience une réalité qui nous arrange (hypostasier, en quelque sorte, une chose que personne d’autre ne perçoit) ; abstraire c’est reconnaitre «en conscience» une certaine réalité socialement reconnue et validée quant à son existence ; toute chose pensée et parlée (car il s’agit toujours d’en parler), cad tout concept (nanti d’un signifiant = mot), est une abstraction du réel (de la chose réelle). L’abstraction est la condition de la pensée ; tous les concepts, absolument tous, ne sont que des abstractions ; abstractions qui évoluent avec la connaissance de ce réel (gnoséologie), ou avec la transformation «réelle» de ce réel lui-même (que cette transformation soit naturelle, ou soit le fruit de la praxis cad de l’activité volontaire humaine, les rapports sociaux formant le cadre obligatoire de cette activité). Par exemple, le concept de « maison » aujourd’hui est un peu différent du concept de maison il y a 2000 ans, même si l’essence (ici au sens d’attributs minima tels que « des murs et un toit ») de la maison reste à peu près identique. La seule façon de saisir le monde pour l’être humain c’est l’abstraction dans des pensées (mots et phrases) du réel. Le fantasme individuel qu’évoque Bégaudeau n’est pas une abstraction du réel, mais une reconstruction mentale, imaginaire, du réel, cette reconstruction n’ayant pas de réalité socialement validée (elle est individuelle).

    Bégaudeau a son rond de serviette chez QG.
    Il existe d’autres micro-sphères marxistes et néanmoins intéressantes : des éditeurs comme Delga ; des militants-écrivains comme Loïc Chaigneau, Dominique Pagani … très connus des youtubeurs ! C’est vrai que leur prose est moins colorée et poétique que celle de Bégaudeau, mais ça peut le faire tout de même sur le plan de l’intérêt.

    Allez voter !

    Bonne journée.

    1. Votre remontée ( des bretelles bégaudeauesque ) vaut publication dans collection  » Tract » ! Je vous recommande 🙂

      On aurait aimé que notre Gauche l’emporte ( on est passé bien près du second tour ) mais …

      Voter pour les Législatives, là est mon futur projet d’isoloir.

      1. Merci Wirlwind.
        Là, j’enrage. Nous étions si proche du but. Attendons les législatives, en espérant que nos faux-amis (suivez mon regard) n’en rajoutent pas dans l’immobilisme politique (ou plutôt, n’en rajoute pas dans le « mobilisme » de droite).
        Je ne connais pas « tract ». Un lien ?

          1. Merci Whirlwind.
            Oui cap sur les législatives.
            Mais j’ai peur que la droite (27,8+23,1+7,1+4,8+3,1+2,1+1,8 = 70%) (et encore je ne compte pas EELV à 4,6 ce qui ferait 74,6%) rafle la mise.

          2. Je viens de cliquer sur le lien « Tract » et j’ai pris connaissance ! Waouh !!!. Merci encore.

  5. Bégaudeau a l’assurance de ceux qui manient la langue avec aisance. Écrivain à succès et réalisateur primé, il a l’humilité de reconnaître qu’il est en dépit de ses convictions personnelles, un « bourgeois » bien installé dans le système actuel qui peut se permettre de ne pas aller voter, car quoi qu’il arrive, il est et restera à l’abri des vicissitudes d’un changement de gouvernement, protégé par la situation sociale et financière que lui procure son rang « d’artiste » reconnu et patenté, contrairement à la plupart des petites gens qui ploient sous le joug des lois et décisions gouvernementales, et pour qui, le vote apparait comme le seul moyen de peser à court terme sur le système et d’améliorer leurs sort et conditions de vie. Raison pour laquelle il n’appelle pas à l’abstention mais présente les raisons pour lesquelles lui-même s’inscrit dans cette décision. Démarche intellectuelle dont je salue l’honnêteté.

    En plaçant « la lucidité » en haut de la hiérarchie de ses valeurs, il se place dérechef en « observateur » critique de la société. Il rejoint en cela les cyniques sans pour autant en épouser la mise et l’invective acerbe. Ne dit-il pas de lui même, que sa petite joie est de regarder Miss France à la télé en mangeant des bananes, pour se distraire de son travail d’écrivain qui pointe de la société les failles et la vanité, comme les joies communes et les attentes larvées ? Aussi son détachement lucide apparait-il davantage comme un amusement éclairant qu’une provocation détonante. Son intelligence et sa maîtrise de la langue font le reste, il est une voix agréable à écouter et un aiguillon sensible dont il est intéressant de suivre le fil. Merci à QG de l’avoir invité et à Aude lancelin de l’avoir quelque peu titillé pour faire sortir de sa bouche ce que je retiendrai de cette Itv : sa passion pour les corps et leur langage caché.

    Abstentionniste déclaré, je l’ai en effet trouvé quelque peu en manque de corps sur les raisons qui le poussent à l’abstention en dépit de quelques saillies bien tournées en début d’entretien, que j’aurais aimé l’entendre plus avant développer, notamment tout ce qui rattache dans sa pensée, le système du vote en vigueur à l’ordre établi. Mais peut être y a t-il là une limite que son corps ne peut pas franchir, tout bien installé qu’il est dans le système et la société. Nul offense car je lui reconnais honnêteté et paroles de bon sens, comme le courage d’utiliser sa notoriété pour aller à contre-courant du mainstream des idées. François est un artiste dont le brio est dans le maniement de la forme et des idées qui courent, pas dans la forge de concepts forts et de positions à risques. Reconnaissons lui une certaine agilité dans son corps à corps avec le corpus des idées en vogue, comme l’inclination à une certaine facilité dans son louvoiement face aux dures réalités. Aude Lancelin était là en force pour lui rappeler ce que incarner et tenir une position à risques veut dire. Manger des bananes en regardant Miss France à la télé et s’en divertir pour sortir de son clavier est un peu léger, non ?

    S’abstenir c’est quoi? C’est d’abord renoncer à s’inscrire dans un système de pouvoir qui emprisonnent les corps pour les réduire à n’être qu’une main qui intervient à intervalles donnés, pour donner son assentiment volontaire à une caste qui garde jalousement les clés de la maison commune, maison bien gardée par des institutions-prisons. Cela François l’a très bien exprimé. Mais s’abstenir, pour prolonger la réflexion, ce peut-être aussi, sortir du politique pour envisager d’autres modes d’action pour changer le monde. Si je ne donne pas ma main à ce système à quoi la donnai-je ? En écrivain François la donne à son clavier et on le remercie de nous faire partager sa pensée qui trace un sentier. Mais en nos temps d’urgence où le monde bascule et appelle la mise en branle d’autres solutions et voies d’actions, nous attendons d’entendre et voir ce dans quoi les corps sont prêts à s’engager pour faire autre chose que parler, à savoir œuvrer.

    Merci QG, merci François pour ce bon moment partagé.

    1. Des corps, il en a parlé, et en parle bien !, dans ses livres surtout ; mais en l’occurrence les corps mutilés : oeil, main, tête .. ( vie même ), à notre effarement en démocratie !!, l’ont été par un pouvoir élu, Macron en 17 ( sans que le moindre regret, la moindre demande d’excuse soient formulés à des jeunes GJ mutilés comme pendant une guerre ), appuyé par une assemblée nationale de députés EM au garde à vous.
      Il semble donc judicieux de barrer ça, si « bourgeois » lucide et honnête, certes, mais préservé des vicissitudes qu’on soit ou se croie. 🙂

      1. Merci pour ces remarques. J’avoue ignorer ce pan de son œuvre. Je parlais en l’occurrence de sa difficulté à franchir le gué de l’abstention et la vivre comme un engagement au delà de l’indécision politique ou simple prise de parole publique sur les élections. Là où il n’est plus question de parole mais de corps en action. Je ne parle pour ma part que de ce que je vis, traverse et éprouve.

      2. Bonjour whirlwind,
        Je reviens vers vous pour clarifier ma position à propos de François Bégaudeau. Je ne voudrais pas laisser croire que je méprise le bonhomme. J’ai dit dans mon premier commentaire toute l’estime que je lui portais et je ne me serais pas donné la peine d’écrire à son sujet s’il n’était pas digne d’intérêt. Je l’ai qualifié d’homme intelligent et d’aiguillon sensible qui savait manier les mots et dont j’appréciais de suivre le fil et les prises de parole publique. Je n’ai pas parlé d’intellectuel le concernant mais d’artiste. Ce n’est pas dépréciatif de ma part, bien au contraire. Bien qu’il participe au débat d’idées, François m’apparaît davantage comme un homme qui parle selon son ressenti et ses émotions, pour nous livrer sa vision des choses. Ne dit il pas de lui-même « qu’il s’est aimé en manifestant » mais « qu’il ne s’est pas aimé en votant » ?
        Parlant de vote, reprenons notre fil de pensée sur les élections et l’abstention.
        François nous a livré les raisons pour lesquelles il choisit de ne pas voter aujourd’hui. Et c’est sur ce point et ce point seul que j’ai réagi ici. Je n’ai pas parlé de son écriture dont vous parlez très bien et dont je vous remercie, propos qui ne contredisent pas ce que je dis et pense de lui. J’ai parlé de sa prise de position sur l’abstention en soulignant le fait que selon moi il n’était pas allé assez loin dans dénégation. Je vais tâcher d’être plus précis.
        On peut voir l’abstention comme une forme d’indécision, de doute ou de rejet des forces politiques en place dans lesquelles on ne se reconnaît pas ou plus. C’est il me semble, le cas de nombreux citoyens de ce pays, déçus par les partis en place et les politiques gouvernementales menées depuis 30 ans. On peut le voir aussi plus fondamentalement comme un rejet radical du système électoral qui structure toute la vie politique de notre pays. C’est notamment le cas des anarchistes, dont je suis, et d’une frange de la population qui vise à un monde sans chefs, sans hiérarchies, sans partis, sans organisation pyramidale de la société, bref un monde sans Pouvoirs, et qui appelle un engagement dans l’action sur le terrain de réalités âpres. François Bégaudeau s’inscrit-il dans cette mouvance qui appelle un combat ? Si oui, il ne le dit pas clairement et je le comprends. Les hommes comme moi qui ont fait ce choix, n’ont pas d’autres choix que de s’inscrire dans les marges d’où l’on ne revient pas. Exit alors les honneurs, les récompenses, les invitations sur les plateaux et cetera. Car en France règne la pensée unique et quoi que l’on en dise, le temps est révolu ou des Léo Ferré et des Coluche pouvaient surgir en haut de l’affiche avec des brûlots dans les mots. En artiste bien installé dans la société, François ne peut que composer avec la Doxa pour se ménager une permanence dans les médias et je lui reconnais une intelligence à louvoyer dans ces eaux-là. Je suis convaincu pour ma part, qu’il y a quantité de choses qu’il ne dit pas ou qu’il sait qu’il ne peut pas dire sans risquer une sortie définitive. Notez que j’ai parlé de « bourgeois » entre guillemets le concernant, car je ne pense pas qu’il le soit réellement, il est beaucoup trop juvénile pour cela et dans son regard rieur je vois qu’il joue de ses prises de position comme un polisson. Raison pour laquelle j’ai parlé d’amusement éclairé concernant ses prises de parole et j’ai bien dit qu’il traçait un sentier comme pour dire qu’il ouvrait une voie. Mais vous l’avez bien compris, pour moi qui ai fait le passage sur l’autre rive, il se situe comme au milieu du gué, et il faut lire mes facéties à son égard comme une marque de sympathie. Il est un homme avec lequel j’aimerai à m’entretenir en « off » et si je l’ai un brin chahuté ce n’est que pour lui signifier que polisson je suis aussi. Entendez aussi « poly-sons » car à l’instar de François qui passe entre les murs, il faut aussi me lire entre les lignes.

        1. Votre commentaire ( la réponse que vous m’adressez, il semble 😉 ) est plaisant.
          Bégaudeau dit qu’il « ne s’est pas aimé en votant » , et cela me paraît une coquetterie ; c’est vrai que votant dans cet isoloir qu’il honnit, passant devant une rangée d’assesseurs de gauche toute à droite extrême, on peut se trouver en terrain miné…

        2. Et vous répondez bien ( dans les lignes, entre les lignes, et sous les lignes 🙂 ) re-précisant votre pensée et votre approche de Bégaudeau dont maints livres méritent qu’on s’y penche.
          Et tant pis pour lui s’il laisse ( pour complaire à ses éditeurs 😉 ) passer le vote, et le train de l’Histoire… dimanche !

          1. Joie de vous lire en réponse à mes coms qui signe la vitalité de cette petite communauté de lecteurs sur QG. À ce soir dimanche donc, sur ce site, pour partager un moment d’Histoire en train de se faire😎

    2. qu' »en de beaux termes ces choses là sont dites !!

      j’apprécie ce RE portage des idées de françois Bégaudeau visité ici par éricD avec une agilité de l’écriture qui vient résonner à la facilité d’élocution de l’invité du jour,,et pas des moindres

      « Merci à QG de l’avoir invité et à Aude lancelin de l’avoir quelque peu titillé pour faire sortir de sa bouche ce que je retiendrai de cette Itv : sa passion pour les corps et leur langage caché. « (dixit éric)

      Bien vu oui, de retenir un aspect des choses qui peuvent ou savent échapper ………..;

      cet aspect des choses n’est pas des moindres ,,
      il parle avec des mots autres et possiblement de maux autres ,, »
      et je reprendrai volontiers ceci ,,de ci dessus nommé

       » on le remercie de nous faire partager sa pensée qui trace un sentier. Mais en nos temps d’urgence où le monde bascule et appelle la mise en branle d’autres solutions et voies d’actions, nous attendons d’entendre et voir ce dans quoi les corps sont prêts à s’engager pour faire autre chose que parler, à savoir œuvrer. « 

      1. J’ai jubilé en retrouvant votre écriture ponctuée de doubles virgules et d’espacements chahutés qui ouvre le langage à une autre perception des mots et de leur sens, dans laquelle je me fonds avec délectation car elle est empreinte de cette part de trancendance (ou est-ce transe en danse ?) que je vous connais, qui bien que familière, me surprend toujours. Le polisson poly-sonnant que je suis vous remercie pour les reprises et salue au passage François Be-God-haut qui vous a inspiré cette envolée poetique 🕺

    1. Je vous suis encore à 100% avec « abstention (au premier tour) piège à cons ».
      Ayant, tout comme vous, bien anticipé le deuxième tour, je sais que là je m’abstiendrai !

      Ce qui est marrant, c’est que lorsque ce sont des intellectuels, écrivains, philosophes de grande notoriété, de la grande gauche, etc (Badiou, Rancière, Bégaudeau) qui utilisent l’insulte (con est une insulte) en direction des pékins moyens que nous sommes, il n’y a pas de censure; mais quand ces pékins moyens s’insurgent aussi par l’insulte contre ces intellectuels qui les traitent de cons, les pékins sont censurés.

      Ils me traitent de « cons », je les traite de « trous du cul » : ça me parait équitable.

      1. Lol !
        Juste un mot pour vous suggérer une alternative à « trou du c… » pour vous permettre de passer les lignes… J’use desormais personnellement de l’expression « trou de bec » que j’ai forgé pour élever le ton et laver ma langue des senteurs de fion, comme j’emploie l’expression « puidemer » (contraction de puits de mer), en lieu et place de « putain de bordel de m… »…. pour les mêmes raisons. Effet yeux ronds et passage aux check-points garanti ! 😋

        1. Oui, je comprends la méthode. Mais si cette méthode permet de passer la censure, elle ne permet pas de dire exactement ce que l’on veut dire; le décryptage chez le lecteur n’est pas tout à fait le même.

          Quand je dis « trou du cul », ça transmet un sens et un affect, un énervement. (que je regrette parfois après coup)(mais pas toujours).

          En matière de communication, on m’a eu reproché de trop user d’adverbes de renforcement : je disais volontiers « cette affirmation est complétement fausse », et le communicant me disait : « il faut dire « cette affirmation est fausse » ou « je ne partage pas votre point de vue ». « .

          Depuis que je suis sorti du circuit, je me laisse aller ! Et derrière l’écran il est vrai aussi que c’est plus facile !

  6. Bégaudeau, une sortie honorable ?

    Son livre-thèse-de commande ( suggestion de ses éditeurs qui « trouvaient ça rigolo en période d’élections » et lui aussi ) a été écrit du temps que rien ne se dessinait d’un peu désirable à l’horizon et en particulier pas ce qu’on voit que « le pouvoir d’attractivité de l’élection reprend ses droits » que « la gauche se remet à rêver » et de fait « qu’elle a un candidat de qualité, de talent » tant et si bien que « voter pour Mélenchon paraît être un choix judicieux » ( toutes citations là et + bas de l’interviewé ).

    Oui mais, quand on prône l’abstention, à moins de mettre son bouquin au pilon avant que de l’avoir vendu :-), ou quand on se réclame de ces illustres anciens que sont Rancière et surtout Badiou ( la marche pour le rejoindre est encore longue… ), on ne peut que défendre son « Elections, piège à cons » à quoi Bégaudeau donc s’emploie….

    Mais désolée, pilon ou pas, je ne saurais en aucun cas acheter ( en ayant pourtant lu quelques autres avec plaisir ) son dernier bouquin car au bout du compte, c’est Macron le fils préféré qu’il attendait cet hiver et attend toujours au printemps ressuscité ( peut-être d’ailleurs Bégaudeau longtemps black-listé va-t-il rentrer en grâce auprès des EM après cette interview sur le brûlant brûlot QG ;-).
    De Macron, il dit « il m’inspire à peu près les mêmes sentiments ( négatifs ) qu’à d’autres ), mais je n’en suis pas fier !, et cet affect ( supposément négatif ) n’en fait pas le sous-bassement d’un socle politique », on comprend bien en cela qu’il ne le hait point…
    Mais l’affect des autres, peu lui chaut, leurs difficulté à vivre, leur oeil, leur main, leur vie, ça compte pour rien.

    Quant à Mélenchon, un comble ! il ne voudrait pas le voir « accéder au pouvoir sur un malentendu » 😉 Nous, si.

    Pour ma part, quelques que soient donc ses acrobaties pour défendre sa position sa « lucidité » revendiquée de « bourgeois distancié », je trouve qu’il ne fait pas, pour reprendre le titre, une sortie honorable en s’enferrant dans son abstention concoctée en décembre …, du temps de Miss France 😉 et du temps où les gauches désassemblées ramaient, et je lui préfère sans hésiter Vuillard et sa « Sortie honorable » qui vote Mélenchon et le dit ( livre qu’on m’a prêté et que je m’apprête à lire ).

    Au bout d’un quart d’heure d’interview il disait qu’un un second quinquennat Macron c’est « finir le travail de démantèlement de l’état social » phrase sensée et radicale qui devrait suffire à (le) sortir dimanche de « Abstention piège à cons » du premier tour.

    1. Exactement. Bégaudeau m’étonne toujours : il est d’une grande intelligence, il raisonne extrêmement bien, il m’aide à penser… et pourtant je vois un étrange paradoxe dans son affirmation régulière selon laquelle il s’intéresse au réel concret plutôt qu’à l’abstraction ; alors que sous nos yeux se déroule une véritable tragédie pour les classes populaires sous la présidence Macron et que nous nous voyons dans la situation, avec ces élections, de devoir tout faire pour éviter qu’il détruise définitivement nos vies (lui et ses copains d’extrême-centre). Il a un détachement que je trouve presque coupable.

  7. Je voterais dimanche Mélenchon pour les mêmes raisons qui poussent Bégaudeau a s’abstenir: je ne me vois pas assister à l’échec de Mélenchon au 1er tour en me disant que j’y suis pour quelque chose: question de confort personnel, de bonne conscience!

  8. Vous voyez juste, Monsieur Bégaudeau, comme d’habitude vous avez raison, froidement raison… mais là je suis chaud. Le coup de votre éditeur m’a “affecté“.
    Mais regardez ce qui se passe, vraiment de quoi me revigorer… ces visages heureux dans ces foules de quoi parlent-ils ? La connivence entre eux. Cette créativité, humour développées par des plus jeunes. Le nombre de militants de base que n’ont pas les syndics de la copropriété ! … en face, dans leurs TV, ils nous étalent leur bêtise, la bêtise brute, celle qui se voit ouvertement.

    Faite l’inventaire des forces dans le parlement populaire, encore plus large que mon cortège de tête nait en 2016.
    La campagne des insoumis et une victoire de J-L Melenchon ne serait pas un cheval de Troie dans leur jeu infantile d’élection ? Vite oublié ? Pas si sûr quand vous comptez vos centimes pour acheter une demi-baguette.

    J’en ai pris des coups de grisou, avec ma fac rasée dans le bois de Vincennes, l’avènement des jeunes cadres dynamiques attaché-case en 1983 et depuis la multiplication partout partout des «creunards» démolisseurs.
    Alors je suis lucide et je ne vais pas n’importe où, mais dans mes manifs je chante, hurle, ris et me protège avec les autres … et voyez dans ces moments de force collective notre nombre exact, la couleur des drapeaux et même la teneur des slogans m’indifférent.
    Comme dit Léonard Vincent, je pense que cette campagne électorale fait aussi civilisation.

  9. Comme d’habitude, excellente intervieweuse excellent interviewé. Tout a été dit dans Histoire de ta Bêtise sur le rapport qu’entretient François Bégaudeau avec les élections, et sur les profils des électeurs qui iront voter Le Pen & Macron dimanche. Si j’achetais son dernier bouquin, ce serrait dans le cas où dimanche 17 je n’irais pas voter.

    Sur FI, François n’exagère pas quand il dit que le groupe n’a rien obtenu au Parlement qui change beaucoup la vie des classes populaires, et croyez que ça me fait mal de le dire. À ma connaissance, il n’y a que deux propositions de loi qui ont été adoptées :
    – Les fusillés pour l’exemple ;
    – L’endométriose reconnue comme une affection longue duré.
    Toutes les autres propositions, dont l’interdiction du Glyphosate, Le blocage des prix, etc. ont été rejetées par les député.es. Certes, la proposition sur l’endométriose permettra aux familles qui ont peu d’argent de ne pas avoir à dépenser de l’argent pour se soigner, ce qui est déjà un progrès social. Mais il y a tant de recul social par ailleurs, qui fragilisent les classes populaires, comme la contre-réforme du travail, et la réforme des retraites annoncée.

    Le bouquin a l’air intéressant. Mais je n’ai toujours pas lu Notre Joie. Je le ferai si l’extrême droite gagne au second tour, afin de voir à quoi ressemble le jeune électorat bleu Marine, sa sociologie. Mais en y réfléchissant bien, un candidat dont le ministre de l’intérieur trouve Marine Le Pen trop « molle » n’est-il pas lui aussi d’extrême droite ?

    1. Il l’est, d’extrême droite. Bien sûr. C’est ce qu’il y a de particulièrement sournois dans l’extrême-centre néolibéral autoritaire (selon les termes de Barbara Steigler) : il ne s’annonce pas. On croit que le centre c’est mou, modéré, un statut quo « raisonnable », et on finit par se faire éborgner dans des manifs, à faire la queue à la banque alimentaire, se faire « suspendre » pour non vaccination, se faire geler son compte bancaire pour avoir soutenu un mouvement contestataire dans un financement participatif (cf le convoi des camionneurs au Canada), etc. Pasolini avait tout compris : https://www.youtube.com/watch?v=hom8ca4hp7s&t=385s

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