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«Les élites ont déjà perdu la partie» – Quartier LibreAvec Christophe Guilluy

Émission du 02/11/2020

Aude Lancelin reçoit le géographe qui inventa le concept de « France périphérique » aujourd’hui partout repris comme clé d’explication de la situation politique française. Il publie un nouvel essai, « Le temps des gens ordinaires » (Flammarion), qui annonce la reconstitution d’un bloc populaire majoritaire, et le crépuscule d’élites sécessionnistes qui pensaient en avoir fini avec le peuple.

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4 Commentaire(s)

  1. A la lumière des derniers évènements, je reviens ici, en m’interrogeant sur ce que voulait dire mr Guilluy par la phrase que je cite de mémoire (erreur possible) : « le terrorisme se love dans l’américanisation de la société française ». Il aurait été intéressant qu’il explicite sa pensée.
    Voulait-il dire que les combats sociétaux mobilisent plus en France aujourd’hui que le combat social. C’est largement le cas, en effet, aux USA où, si la lutte des classes est une réalité concrète, elle n’a jamais été idéologisée, théorisée « prioritairement » dans un parti qui s’en réclamerait (le parti communiste est croupion aux USA).

  2. Un point de l’interview, dans la 1e partie, m’a laissé abasourdi: lorsque M. Guilluy attribue aux « gens ordinaires » une capacité particulière à discerner leur intérêt, avec pour exemple le choix du Brexit et de Boris Johnson. Où est le discernement quand on choisit Johnson alors que Corbyn est sur le marché électoral? Trump plutôt que Sanders? Le Pen plutôt que Mélenchon? (On pourrait multiplier les exemples.)

  3. Autant dire d’emblée que l’analyse de mr Guilluy est assez passionnante. Je découvre cette approche, approche qui semble avoir été assez critiquée, aux dires même de l’auteur. Pourtant, l’idée de bloc « de gens ordinaires » fait assez penser à ce que l’on oppose au « bloc bourgeois » mis en évidence par d’autres auteurs.

    Si on veut « morceler » (ce que n’aime pas mr Guilluy), on pourrait dire qu’il s’agit :

    – des prolétaires, y compris les profs, les petits chefs etc … (ceux qui ne possèdent que leur force de travail humaine en tant que force productive),
    ET
    – des petits « commerçants/artisans/paysans/professions libérales » qui, eux aussi, n’utilisent que leur propre force de travail individuelle (pas de salariés ou très peu) mais sont en plus « propriétaires » d’une autre force productive qui est leur outil de travail (le matériel de production, possédé en propriété ou parfois en location : locaux, terrain, mobilier, stock, tracteurs, stylos….). Ils sont leur propre employeur.

    En final, les « prolétaires » et la « petite bourgeoisie non salariante ».

    Les enseignants, les petits chefs, cad les prolétaires nantis d’un capital culturel ++ au sens de Bourdieu (force de travail néanmoins, même si certains de leurs habitus diffèrent beaucoup de ceux du prolétaire moins diplômé), forment une seconde catégorie prolétarienne. Quant à la catégorie de petite bourgeoisie (parfois pauvre), elle est connue des communistes : alliée dans certaines circonstances cad pour certains enjeux, mais pas dans d’autres, cad pour d’autres enjeux !!!

    Quelques remarques sur certaines affirmations :

    « les catégories populaires ne sont plus là où était l’emploi »

    ce qui revient à dire que l’emploi n’est plus là où il était avant. Il est clair que le phénomène « chinois » (atelier du monde) a fortement bouleversé les équilibres et les évidences du capitalisme occidental d’antan ; l’ultra libéralisme, la financiarisation, ne sont donc pas seuls en cause. La chine n’a pas refusé l’accumulation du capital, ce qui lui permet aujourd’hui de concurrencer le capitalisme occidental jusque dans ses domaines d’excellence : le numérique, le spatial etc …

    « Macron, ce n’est pas les 1% mais les ‘élites’ cad les 20 à 30 % »

    là, perso, je discorde légèrement : il y a ceux qui votent (les 20 à 30 % d’élites), et ceux qui commandent, qui décident, qui financent les campagnes, et qui tiennent la presse (les 1 %). C’est toujours le même problème : les prolétaires rêvent vaguement de devenir des petits bourgeois ; les petits bourgeois de devenir des gros bourgeois ; les gros bourgeois de devenir des puissants (1%). Dans l’autre sens, chacun déteste l’autre mais en a besoin, et fait tout pour l’instrumentaliser cad le gagner à sa cause en lui faisant sentir que, sans lui, qui organise le monde du dessous, il rétrograderait au niveau social inférieur avec diminution du ruissellement; ce qui constitue le cauchemar des cauchemars (les cracs boursiers, les déclassements brutaux, s’accompagnent souvent de suicides –> voir les paysans). Inversement, comme le dit mr Guilluy, chaque classe supérieure est aussi la marionnette de la classe inférieure, car ces classes inférieures, bien que « croyant » plus à ce qu’elles doivent aux classes supérieures qu’à ce qu’elles leur donnent, se démerdent pour les instrumentaliser aussi dans la mesure du possible. Les rapports sociaux, c’est ça, être opposé perpétuellement à tout ce qui nous limite dans l’accès, ou le maintien, au mieux ! Pourtant, le mieux du bas est plus indispensable que le mieux du haut.

    « Le libéralisme culturel s’est allié au libéralisme économique et médiatique »

    Cad ? je crois comprendre que le libéralisme culturel, ce sont les 20/30%, alors que le libéralisme économique et médiatique, ce sont les 1% qui détiennent 40% du capital mondial et 90% des médias dominants ????

    Pour conclure, mr Guilluy situe son ouvrage dans une visée de valorisation du bloc populaire (je rajoute : bloc dévalorisé par le mot « populisme »). Pour lui, le mot « bloc » n’est pas un simple descriptif d’englobement, mais un choix moteur : un bloc a un effet d’entrainement qu’on pourrait illustrer par la pensée suivante « je veux ressembler à celui qui est respecté comme un tout ». Mine de rien, c’est une autre belle façon de dire «acteur» : s’adosser à ceux qui nous sont identiques quant à un enjeu !

    Bravo pour cette interview très intéressante.

    Note : je n’ai pas apprécié cette espèce de procès en islamophobie fait à mr Guilluy. Même si c’est une figure imposée aujourd’hui à gauche, cela m’a paru déplacé en cette période très massacrante pour la laïcité. On est encore sous le choc. Common décency comme disait le poète.

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