Pour accéder à ce contenu veuillez vous connecter ou vous abonner

«Un monde d’inégaux est sans intérêt»Avec J. Rancière et F. Bégaudeau

Émission du 14/11/2024

Pour le premier épisode de « L’Explication », intitulé : « Un monde d’inégaux est sans intérêt », Aude Lancelin et François Bégaudeau ont reçu Jacques Rancière, une figure emblématique de la gauche radicale, auteur du « Maître ignorant » et de « La Haine de la démocratie » aux éditions la Fabrique.

À voir aussi
À voir aussi

24 Commentaire(s)

  1. Rancière, »philosophe de lumière »: en voici un bel exemple lorsqu’il raconte l’épisode de l’Aventin oû les patriciens considèrent les plébéiens comme des animaux, cela a éclairé pour moi le véritable sens du terme « animaux » appliqué aux combattants palestiniens par le ministre israèlien,où le mépris de classe se joint au mépris de race.

  2. Je me suis résolu à écouter jusqu’à la fin.
    Au démarrage, ce qui m’avait frappé -et dérangé- ce sont les obséquiosités, les précautions oratoires de Bégaudeau envers Rancière – philosophe effectivement « réputé » et « consistant » . Ces obséquiosités détonnaient étonnement d’avec son agressivité passée (allant jusqu’à l’humiliation) infligée à un certain adversaire sans réputation, ni grande envergure philosophico-politique, et par ailleurs fort peu agressif : le journaliste Rougeyron. Rougeyron est un droitiste de tempérament « gentil », alors que Bégaudeau est plutôt l’inverse ! Ceci explique peut-être cela. En gros, j’ai ressenti que Bégaudeau pouvait se montrer « fort avec les faibles » et « faible avec les forts ». Personnellement, si je suis favorable à des affrontements rudes, je n’aime pas cette façon d’humilier publiquement un adversaire en perdition. Qu’est-ce que veut prouver le macho Bégaudeau ?

    Quant à Rancière, c’est lui aussi un cas spécial. Il nous raconte, entre 1h10 à 1h14, qu’il refuse de se conformer aux consignes de « tenir compte » du caractère « grand public » de son auditoire dans les occasions de discours publics qui lui sont proposées !!! En fait, on sent qu’il veut faire savoir qu’il traite tout auditoire « populaire » comme un « égal ». C’est la démagogie typique de l’intello de gôche ! Un égalitarisme d’intellectuel « perché » ! nous serions tous égaux selon lui, et ce serait le nier que d’adapter son discours à chaque public ! Mais dans quel monde vit-il ? Qu’il aille discuter avec un physicien de la « physique quantique », et il changera d’avis sur la question si jamais ce physicien le traite comme un égal.
    C’est un devoir (d’essayer) de s’adapter à son public, et une trahison de ne pas le faire ; nous sommes tous inégaux, cad non-semblables ; l’égalité dans certains domaines ne peut être qu’une construction volontaire, un projet social et politique ambitieux et juste. Mais il est illusoire de penser atteindre cet objectif en faisant « comme si » nous étions égaux par avance. Les directions communistes ont toujours encouragé la production de manuels politico-philosophiques destinés à rendre plus accessible la compréhension des concepts souvent compliqués de la philosophie, de la politique ou de l’économie. En voulant cacher la distinction, on ne fait que l’accentuer.

    En fait, cette question du rapport de la bourgeoisie au peuple va réapparaître plus loin dans la séquence sur les pleureuses de Tchekhov (que j’ai peut-être mal saisie : je ferai amende honorable au cas où). Dans cette séquence qui porte sur la « sensibilité », le sensible Rancière convoque une scène littéraire de Tchekhov dans laquelle un « bourgeois » provoque involontairement les pleurs de pauvres femmes par la simple évocation du mythe de la triple trahison de l’apôtre Pierre (aboutissant à la crucifixion de Jésus). Bourgeois et peuple pleurent ici à l’unisson !! Quelle révélation : peuple et bourgeois pourraient donc s’unir dans la même contrition, la même émotion, sous la houlette de la sensibilité !!!! la lutte des classes serait donc une blague !!!??? ……. Ben non !!! pas du tout !!! Certes c’était sûrement le but de Tchekhov, anti-socialiste (aux dires de Rancière) : montrer l’unité émotionnelle de tous les humains quelles que soient leurs conditions. Confusionnisme que cela ! Mais confusionnisme aujourd’hui largement industrialisé par la bourgeoisie. Industrialisé dans l’art et le spectacle, cad dans ce qui touche à la « sensibilité ». Faire rire ensemble ou pleurer ensemble bourgeoisie et prolétariat : voilà d’ailleurs l’art populaire actuel dominant (à la télé), cad l’art promu par le système capitaliste, visant à distraire le pékin moyen de l’idéologie matérialiste. Mais c’est confusionnisme car par essence l’art est idéel : il représente ; et ce faisant c’est une simple possibilité de l’esprit, pas une nécessité du réel.

    Pleurer de misère (le réel, le présent), n’a strictement rien à voir avec pleurer d’émotion (cad la possibilité du réel, passé ou futur). La misère n’est pas idéelle ; elle « est » épuisement, douleur, désespoir, famine, froid, choses concrètes dans le temps, qui ne s’évanouissent pas comme ça, comme à la fin du spectacle. Les pleurs de la misère ne sont pas ceux de l’émotion. « Regarder » la misère peut être poignant, mais la misère, elle, n’est jamais poignante dans son vécu ; le vécu de la misère c’est la souffrance, l’angoisse, la honte. Dans le registre de la religion, les pleureuses de Tchekov ne pleureront pas demain sur la trahison de Pierre. Tout comme dans les concours de chansons à la télé : les pleurs d’émotion des juges et du public devant les talents de jeunes chanteurs, cesseront bien vite après le spectacle. Se laisser piéger par 3 pleureuses, et en appeler à la grandeur de la sensibilité pour cela, c’est vraiment pas convaincant.

    Les mouchoirs sont devenus les nouvelles armes de la bourgeoisie. Faites rire ou pleurer d’émotions le public pendant 5 mn et ce public restera calme dans la pseudo-sidération de l’émotion du jour ; en attendant demain et le prochain shoot émotionnel. On peut pleurer ensemble devant une œuvre d’art ou une narration religieuse, et se massacrer par ailleurs pour un croûte de pain (le fric). Rien de sublime ni de sidérant là-dedans. L’important, c’est la croûte de pain pour le prolétaire. Le patronat, le capital, quant à lui, par la voix de ses artistes ou philosophes affidés, fera tout pour vous faire croire que l’œuvre d’art et la sensibilité artistique subsument les questions de « croute de pain » et de « lutte de classes ».

  3. Après l’explication,j’ai vu que l’on va nous infliger la clarification : Bégaudeau s’explique, il clarifie ses positions, il l’a déjà fait ailleurs. Cela m’ennuie, il est en campagne pour 2027 ? Peut-être craint-il pour le salut de son âme ? ce déballage n’est ni intéressant ni glorieux : il a été condamné pour diffamation : c’est tant mieux et j’ai pris acte. Je regrette qu’il n’en fasse pas autant.

    1. Bonsoir Laure. Précision: François a été relaxé en justice, au contraire des informations dont vous disposez. L’entretien de ce soir ne porte que marginalement sur cette « affaire » et apporte des éclairages passionnants sur des sujets importants. Jugez sur pièce. Bonne soirée à vous… devant QG !

  4. Grâce à l’interview menée par François et Aude, je comprends mieux la démarche philosophique de Jacques Rancière – dont j’avais lu Le Maître Ignorant et Les 30 inglorieuses.

    Bégaudeau n’était pas complaisant alors qu’il admire Rancière à fond. Il n’a pas hésité à l’interroger sur une influence éventuellement chrétienne et des propos qui pourraient prôner le libre arbitre dans son livre, que ce dernier à réfutés.

    Cette discussion-débat va rendre Bégaudeau encore plus fort pour débattre avec Einthoven par exemple, après avoir débattu avec A. Devecchio et Rougeyron.

    Cependant, 1 Bégaudeau ne suffira pas à éveiller les gens sur l’Etat policier (« police » comme défini pendant la discussion).

    À nous aussi de débattre dans nos quartiers.

  5. Voici un lien sur une table ronde pour le 20ième anniversaire du PRCF (Pôle de Renaissance Communiste de France) avec, en invités, différents collaborateurs de QG que vous reconnaitrez.
    https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/la-table-ronde-des-luttes-du-front-populaire-20ansprcf/ (il ne s’agit pas du « nouveau » Front Populaire).

    Et aussi sur la « dialectique de la nature », thème (ré-)initié il y a 150ans par Friedich Engels, compagnon de route de Marx :
    https://prcf-5962.fr/georges-gastaud-a-luniversite-populaire-chti-guevara/

  6. .
    Magnifique idée, Aude Lancelin, que ce rendez-vous bi-mensuel, et ce premier épisode de «L’Explication» ( ce titre déjà me plait ) est une réussite !
    Bégaudeau est un lecteur attentif et ami ( c’est ainsi qu’il se vit 😉 ) de Rancière ; on le voit à ses analyses fines, ses questions et ses relances, appuyées par Aude L.
    Elle et lui étaient captivés par leur invité et nous aussi.
    Le projet du philosophe est, – il semble –, de tracer des lignes de fuite qui permettent de passer de l’abstraite RAISON à la RÉSONance sensible. Pratiquer cet exercice en lisant Tchékhov,– connu autant qu’aimé ( de moi aussi 🙂 ) – est une joie et j’ai hâte de lire son « Au loin la liberté ».
    Je reviendrai probablement + tard à cet entretien …
    .

  7. Un peu perplexe face à cette 1ère qui laisse un doute sur qui est l’intervierwer et qui est l’interviewé. Bégaudeau est trop envahissant, il s’écoute parler et n’entend pas ce qu’essaye de transmettre, un peu laborieusement, Rancière. Ça part un peu dans tous les sens, on aurait envie d’approfondissement, de cohérence dans la construction (problème de montage?) et d’une parole mieux équilibrée (Aude, où êtes-vous?!?). L’interview de Rancière sur Elucid me semble bien plus intéressante, notamment sur Tchekov. Bon, mais c’est une 1ère, ça ne peut que s’améliorer.

  8. Excellente émission. Transmettez à Monsieur Rancière qu’elle m’a donné très envie de le lire, comme sûrement à beaucoup d’autres. Et aussi de lire les nouvelles citées de Tchekhov. Cette interview personnelle menée très intelligemment et sincèrement par François Bégaudeau aura je pense un certain écho auprès des « sensibilités de gauche » (dont je fais partie). Je conclus quant à moi de ma fréquentation de Spinoza que le déterminisme le plus rigoureux n’éclaire, bien conduit, que le présent (c’est déjà beaucoup), et en aucun cas l’avenir (pour lequel les données manquent).

  9. Saluti

    Aimant écouter J. Ranciere (et lire aussi, le maître ignorant m’a bien revigoré) j’ai tenu jusqu’au bout mais très honnêtement F. Begaudeau est bien meilleur en interviewé qu’en intervieweur.
    Quand à la petite guéguerre, d’intellectuels installés bien au chaud , à propos de Bourdieu c’est méconnaitre l’impact qu’a eu cet homme sur des individus comme moi qui est issu du sous prolétariat, la classe autant méprisée aussi bien à gauche qu’à droite et peut être même plus à gauche, impact car il donne des clefs de compréhension qui bien loin de nous enfermer dans une espèce de fatalité nous permet d’ouvrir de nombreuses portes et de sortir de ce prétendu déterminisme qui nous colle à la peau surtout dans la tête des « sachants ».
    Le « non éduqué » que je suis remercie Bourdieu et Rancière aussi…..Je n’oublie pas QG bien sûr

    Force et courage, petite info qui n’a rien à voir mais qui est une affaire à suivre
    https://contre-attaque.net/2024/11/16/victoire-detape-la-justice-francaise-ordonne-la-liberation-de-georges-ibrahim-abdallah/

    1. Je me joins à vous pour remercier Bourdieu qui a su étayer scientifiquement la question des catégories sociales (dont les classes) et leurs habitus. Ce qu’en a dit Rancière, sur le soi-disant déterminisme Bourdieusien, est typique du délire petit bourgeois convaincu de la « liberté » du sujet (voir aussi Sartre).
      Les « lumières » de Tchekhov l’auraient-elles aveuglé ?
      Quant à Bégaudeau : hum, hum !

  10. Là je n’ai visionné que 60mn. Sentiment de hiatus dans cette première. Bizarre.

    On ne sait pas qui est l’auteur de l’intitulé : c’est une devinette ? En tout cas c’est une sacrée connerie … de type généralisation métaphysique bien évidemment.
    « Un monde d’inégaux est sans intérêt » : sans intérêt pour qui ? Les inégaux riches trouvent ce monde plein d’intérêts. Pas les inégaux pauvres, évidemment.
    Par ailleurs, l’inégalité est parfaitement naturelle ; les contrastes de la nature nous ravissent souvent ; d’ailleurs, à la naissance il y a aussi des forts et des faibles ; la question de compenser ces inégalités natives collectivement est passionnante.
    La division du travail peut être une voie utile à cette compensation ; la technologie aussi qui est d’ailleurs l’instrument (l’outil) principal de la construction de l’égalité H/F. Construire l’égalité sur des fondements d’inégalités natives/naturelles – ou même civilisationnelles- est intéressant.

  11. Bonjour Aude et François,
    Merci de nous offrir ce type de dialogue : un grand moment de savoir à partager au plus grand nombre. Peut-être provoquera t-il si ce n’est le début d’une révolte, tout du moins dans chaque cerveau de nos concitoyens une prise de conscience…

  12. Entretien absolument passionnant, merci QG et Aude Lancelin ! Merci Jacques Rancière et François Bégaudeau.

    Pour mettre d’accord Bourdieu et Rancière et réconcilier « déterminisme marxiste » et « émancipation », ne faudrait-il pas inviter Bernard Friot ?

    Il faudrait déconstruire avec lui le discours dominant qui nous empêche de nous rendre compte que le communisme est déjà en marche, que des avancées majeures se sont produites, comme la Sécurité Sociale, le salaire à vie, au moins dans la fonction publique. Et notre feuille de route serait d’étendre ce communisme à une sécurité sociale de l’alimentation par exemple, non de rester dans la seule défense des acquis que la capitalisme et l’Etat veulent détruire (et quoi d’autre attendre d’eux ? ), mais de se lancer dans dans de nouvelles étapes de l’offensive.

    Le grand soir a déjà eu lieu, a lieu, en un sens, sans méconnaître la puissance du néolibéralisme et la destruction écologique qui menace. Le programme de la Commune a pris corps, les penseurs révolutionnaires, le syndicalisme, les coopérations et les luttes de toutes sortes ont remporté des victoires majeures : éducation et culture pour tous, émancipation des femmes, protection sociale, salaire minimum, fin du travail des enfants, etc.

    Reconnaissons que nous sommes déjà tous égaux, et ce ne sera plus seulement un postulat ou un acte de foi, que nous avons déjà su nous émanciper, que les analyses marxistes ou bourdieusiennes ne nous enferment pas, mais ont déjà contribué à l’émergence d’une forme de communisme, tranquille.

    Bref, vive le déjà-là communiste. Naïf ou revigorant et mobilisateur ? La lutte n’est pas pour demain, elle se poursuit et doit s’étendre…

    1. excellente remarque. Je n’y avais pas pensé sous cet angle, vous avez raison : le déjà-là communiste, est une autre version de l’égalité comme méthode et pratique. vous auriez dû remplacer Begaudeau, qui m’a ennuyée avec ses questions byzantines. je remercie néanmoins pour cet entretien qui m’a éclairée sur bien des points notamment qu’il y a un joie à comprendre et que cette joie est le signe d’une libération produite par ce travail de compréhension. Quelque chose ici a peut être été insuffisamment creusé ; comprendre n’est pas expliquer, ia compréhension génère du sens,elle ne déplie pas des causes ce qui nous ramène au sens-ible, aux associations entre mots et images

Laisser un commentaire