« Politique et charcuterie, ou la vraie nature du macronisme » par Rodolphe Bocquet 

07/02/2022

Une fantaisie signée Rodolphe Bocquet pour QG sur les vraies sources d’inspiration de Macron et du macronisme. Où l’on apprend que, plutôt que du philosophe spiritualiste Paul Ricoeur, le président de la République française, dont la candidature à sa réélection en 2022 semble imminente, pourrait bien être le disciple du théologien Fénelon lorsque celui-ci déclarait: « La patrie d’un cochon se trouve partout où il y a du gland »

On croyait avoir atteint les limites du sensationnalisme haineux avec les allégations outrancières répandues sur les réseaux sociaux, selon lesquelles Brigitte Macron serait un homme. Voilà que circule désormais sur ceux-ci une rumeur encore plus nauséabonde: Emmanuel Macron serait un cochon.

On a beau ne pas apprécier l’actuel Président des Français, on reste sans voix devant le tour que prennent des attaques qu’aucune retenue ne semble plus brider. Faut-il y voir l’action de puissances étrangères souhaitant déstabiliser la patrie des Droits de l’homme ?

Pris d’un haut le cœur, je regarde la toile qui brûle d’échanges. Je me ressaisis et décide finalement d’ignorer tout cela avec un demi-sourire condescendant et ce qu’il faut de compassion politiquement correcte pour ceux qui s’égarent dans de telles calembredaines.

Tout aurait pu en rester là. 

Seulement l’autre soir, lors d’un dîner rue de Bretagne avec quelques amis pour célébrer la présidence française de l’Union Européenne, un des convives, journaliste au « Spiegel » et ayant couvert en 2017 la première rencontre officielle du Président fraîchement élu avec Angela Merkel, rapporte l’échange suivant à l’issue de la conférence de presse :

Angela Merkel : « Du, mein kleiner Spatz, du hast wirklich Schwein gehabt ».

Emmanuel Macron : « Ja, ich bin sauglücklich! » [1]

Et si les propos de ces dirigeants étaient l’exact reflet de la réalité ? Je n’ose y croire.

Quelques jours plus tard, tout bascule.

Les chauffeurs de taxi sont probablement le réseau de renseignement informel le plus efficace au monde. Je me garde naturellement des Uber. Ceux-ci sont, on le sait, à la solde de la macronie et de son idolâtrie de la start-up, fusse-t-elle un dévoiement grossier de la pensée nietzschéenne [2]. A l’arrière d’un Kangoo donc, place de Clichy, j’écoutais le chauffeur m’expliquer les dessous des préparatifs du prochain forum de Davos. Nous tournons dans une ruelle sombre et nous trouvons bloqués derrière une estafette de livraison. Il se retourne vers moi, me jauge et poursuit à mi-voix.

La veille, il a embarqué un stagiaire LREM, furieux d’avoir été éconduit par Aurore Bergé après lui avoir confessé sur l’oreiller prendre plaisir à la série Silicon Valley [3]. Pour se venger, celui-ci lui a volé son portable, qu’il brandit tel un trophée en soulignant que « 1-2-3-4, c’est pas terrible comme code de sécurité ». D’une fébrilité extrême, ce passager singulier oubliera le portable en question sur la banquette arrière.

Le chauffeur me tend alors l’appareil et me supplie de le prendre, convaincu que je saurai faire le meilleur usage d’un objet dont il perçoit confusément le caractère hautement sulfureux.

Tracts roses de bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron, distribués dans le cadre d’une campagne d’incitation aux dons LREM, 2021

Je m’installe dans un café. Rapidement le smartphone dévoile un dossier intitulé « #nuke ».

Le premier fichier est une couverture d’un supplément inédit de « Paris Match ». On y lit en une : « Brigitte c’est ma Circé à moi ou la formidable odyssée d’Emmanuel et de ses compagnons ». Une note confidentielle indique que la publication de ce numéro a finalement été annulée de justesse mais qu’un certain Alexandre B. en aurait conservé un exemplaire dans son coffre-fort. Je comprends, pris de vertige, que la dénonciation de Gérald et Nicolas sur #Balancetonporc n’est que la partie immergée de l’iceberg.

Un second document est un contrat entre Emmanuel Macron et Adrien de Tricornot pour une mission de conseil bénévole[4]. Précédent la signature d’Emmanuel, figure la mention manuscrite « Cochon qui s’en dédit ».

Une photo ensuite, prise rue Sainte croix de la Bretonnerie, montre Emmanuel et un homme en costume d’une soixantaine d’année, probablement banquier, rayonnants. Une dédicace indique « Copains comme cochons ! Bises, Philippe V. »

Une capture d’écran d’un SMS adressé en 2016 par Alain J. à François H : « Si comme moi t’étais allé au Québec, tu saurais que « fais du bien à un cochon, et il viendra chier sur ton perron [5] » suivi des emojis 🐷💩😭».

Enfin, un longue note interne rédigée par CC, dont la syntaxe approximative rend la lecture malaisée. En substance, l’auteur rend compte d’une mission accomplie. Il serait parvenu à mettre un terme aux ambitions de Gérard C. Ce dernier, inspiré par le succès entrepreneurial de l’apiculteur Arnaud M., nourrissait le désir de se reconvertir en lançant un business de transformation de ses souvenirs de la Macronie en saucisson pistaché. Une habile manœuvre d’influence de l’association des restaurateurs lyonnais l’en aurait dissuadé in extremis sous le prétexte que « c’était pousser le bouchon un peu loin ».

Je repose l’appareil sur la table et prend une longue inspiration. Malgré la nuit tombée, tout s’illumine.

Je connecte les points. Je comprends que le fondement ontologique de « l’en même temps » réside dans ce don inné pour anesthésier durablement toute capacité de discernement permettant de savoir si c’est du lard ou du cochon. Que même s’il a la couenne épaisse, Emmanuel a tremblé au plus profond de lui-même lors du mouvement des Gilets jaunes, terrorisé à l’idée de rejouer à ce jeu qui le traumatisa enfant: cochon pendu. Que loin devant Paul Ricoeur, le véritable précepteur du jeune Emmanuel à travers les âges c’est Fénelon qui déclare: « La patrie d’un cochon se trouve partout où il y a du gland [6] ». Qu’enfin et surtout, bien plus que Jupiter, Macron c’est le Napoléon de la ferme d’Orwell [7].

Ce qui débuta comme la plus incongrue des affabulations se révèle comme une évidence, un truisme.

On peut mettre du rouge à lèvre à un cochon [8], ça reste un cochon. Le jour où Emmanuel Macron éprouvera de l’empathie pour le peuple, c’est quand les cochons voleront [9]. Puisse la perspective de son second mandat se terminer au plus vite en eau de boudin.

Rodolphe Bocquet

Diplômé d’HEC et de New York University, Rodolphe Bocquet, a été trader à la Société Générale. Il conduit ensuite jusqu’en 2012 des politiques publiques de développement durable. En 2014, il crée Beyond Ratings, première agence de notation financière intégrant les facteurs de durabilité de long terme dans la notation de solvabilité des Etats. Il en part début 2020. Aujourd’hui, il se définit comme artisan humaniste, et collabore régulièrement à QG

[1] Littéralement « Toi mon trésor, tu as eu du cochon » (i.e. beaucoup de chance), « Oui je suis heureux comme une truie » (i.e. incroyablement heureux).

[2] Le service de covoiturage sans tréma Uber, abréviation « d’ÜberMensch » Surhomme, fait directement allusion aux fantasmes de domination mondiale de la Silicon Valley. https://www.newyorker.com/magazine/2019/10/14/nietzsches-eternal-return

[3] Comédie satirique décrivant sans ménagement les travers de l’écosystème des start-ups et fonds d’investissements.

[4] https://www.les-crises.fr/comment-macron-ma-seduit-puis-trahi-par-adrien-de-tricornot/

[5] Proverbe québécois

[6] Dialogue des morts

[7] George Orwell, La ferme des animaux

[8] To put lipstick on a pig, expression anglaise indiquant le vain effort de masquer superficiellement les défauts d’un produit. Expression employée par Obama lors d’un meeting pendant la campagne contre John McCain

[9] When pigs will fly, équivalent anglophone de « quand les poules auront des dents »

À lire aussi

3 Commentaire(s)

  1. Voilà un billet d’humour noir qui m’a fait rire jaune et m’a laissé quelque peu dubitatif, parce que comme le dit l’adage :《Dans le cochon, tout est bon》. Or dans Macron…

    Trêve de plaisanterie. Que retenir de cet article, sinon que ce président aura probablement été la figure politique la plus vilipendée par les Français, à juste titre d’ailleurs, tant son mépris, son arrogance, sa violence et sa vulgarité de propos à l’égard du petit peuple de France, auront dépassé tout ce qui s’est vu jusqu’alors, au point de se vautrer dans la fange scatologique. De ce point de vue, Macron tient plus du fion que du cochon.

    Les Français ont une longue tradition de mise en boite de leurs dirigeants, alors même que ce peuple nourrit dans ses tréfonds, une aspiration à l’homme providentiel. Une manière comme une autre de tenir à distance et désacraliser les figures du pouvoir qui se présentent le plus souvent comme une incarnation totalisante. De Louis XIV (« L’État c’est moi ») à Mitterrand en passant par De Gaulle, les postulants à ce rôle n’ont pas manqué au cours de notre histoire.

    La différence fondamentale de Macron avec ses prédécesseurs cependant, est que ces derniers avaient en ligne de mire la « grandeur » de ce pays, alors que notre roitelet a montré à bien des égards qu’il n’en avait cure. Pire encore, en faisant de l’État et de ses moyens et ressources, le valet de puissances financières et industrielles hors-sol, il apparait aujourd’hui plus que jamais comme traître à son pays et son peuple aux yeux de nombreux français, dont je suis. Macron roi félon, voilà qui donne le ton.

    Conclusion ? Comparer avec humour Macron à un « cochon » peut donner l’impression de le traiter publiquement comme il se doit au regard de nos traditions populaires bien ancrées, tant cet animal, en dépit de ses qualités une fois saigné et dépecé, est associé dans l’inconscient collectif au plus vil, voire au démoniaque. Mais en rire, avec toute la charge salvatrice que recèle cet exutoire, n’est-ce pas encore lui faire trop d’honneur ? Rit-on de Pétain sous Vichy ? Sauf exception, la tendance serait plutôt à l’indignation. Alors comment traiter le traître Macron ?

    Je vous laisse sur cette interrogation et pour clore ce commentaire, je vous livre un poème écrit en 1990, qui résonne curieusement à mes oreilles avec le temps présent :

    《Éclipse pour un monarque

    Quand bien l’espoir naît de ce pas
    marine la flamme vêtue de noir

    Rose gris de vert enchante le fer
    Rouge noir de jaune enfante le glaive

    Chasseurs d’y voir sans but, sans quoi
    n’auriez vous pas un brin de croix,
    n’auriez vous pas un roi de choix ? 》

      1. Bonjour Ainuage,
        Merci pour ce mot sensé. Je vous retourne la mention « lu et approuvé ».
        Je ne pleure pas sur Macron. Je pleure sur le petit peuple de France qui vit sous son talon, et ne souhaite rien moins tant que de le voir foulé au pied.
        « Dureté » ? Celle du fer alors, fer qui combat. Fer de la voix me concernant.
        Abstentioniste déclaré, j’envisage un retour vers les urnes en avril prochain pour le contrer. Dure décision à prendre et non moins dure position à tenir au vue de mes convictions anarchisantes. Mais 《quand faut y aller, faut y aller !》, reminiscence d’une jeunesse turbulente et agitée…

Laisser un commentaire