« On Remplit Le Frigo »: ensemble contre la précarité étudiante par Jeanne Metzinger

27/06/2022

La précarité étudiante est un problème croissant qui a été rendu visible avec la crise du Covid-19 en 2020, puis très vite oublié par la classe politique. Alors que l’inflation monte en flèche en France, le journaliste Babacar Sall, président de l’association « On Remplit Le Frigo », se confie sur les enjeux pour éradiquer ce fléau

Suite au reportage viral réalisé par Rémy Buisine le 29 janvier 2021, qui montrait une file impressionnante de jeunes gens attendant des distributions de nourriture, Babacar Sall fonde avec Brunella Emmanuelli et Philousports, deux autres camarades, l’association « On Remplit Le Frigo », qui compte désormais 15 membres actifs et plus de 80 bénévoles. Basée à Massy dans l’Essonne, l’association vient en aide aux étudiants en situation de précarité en leur offrant des colis alimentaires et des produits d’hygiène totalement gratuits. Cette dernière s’est initialement lancée grâce à des dons de particuliers récoltés via une cagnotte Leetchi. Fondée le 29 janvier 2021, l’association récolte 65.000 euros en 2 mois. D’abord composé de 6 membres, « On Remplit Le Frigo » commence à venir en aide aux étudiants en mai 2021: « Nous avons fait 21 distributions et 3 sessions de livraisons en Ile-de-France ».  

« Je pense que les mesures ne sont pas assez importantes sinon nous n’aurions pas besoin d’exister. »

C’est au cours de la première distribution que Babacar, journaliste de métier, ainsi que son équipe, se rendent compte du problème majeur de la précarité étudiante.  Avec une foule de plus de 500 jeunes présents au rendez-vous, l’association a dû rapidement limiter les évènements à 150 ou 200 personnes pour éviter le gaspillage mais également pour des questions de logistiques.  « On aimerait aider plus mais vu le nombre que nous sommes, on fait au maximum pour aider le maximum d’étudiants ». Le but pour l’association est bien sûr de se dissoudre quand chaque étudiant pourra manger à sa faim.

La crise du Covid-19 a beaucoup impacté la santé mentale des jeunes, en raison de l’isolement social, notamment due à la fermeture des facultés. Cette fragilisation psychologique s’est aussi accompagnée d’une détresse financière, notamment pour ceux qui ont perdu leur emploi à mi-temps, et ont subi la baisse ou la suppression des APL (Aides Personnalisées au Logement) décidée au début du quinquennat Macron. Il est d’ailleurs question aujourd’hui de revaloriser ces dernières à hauteur de 3,5% soit 168 millions d’euros, sans que cela compense les pertes subies par les bénéficiaires. « Nous ne faisons pas de politique mais je pense que les mesures ne sont pas assez importantes sinon nous n’aurions pas besoin d’intervenir. » Même si Babacar salue les aides mises en place pendant le Covid-19 avec le repas à 1 euro dans les CROUS, ou encore l’aide psychologique, il espère que « le gouvernement prendra plus d’initiatives pour les étudiants qui ont été assez oubliés ces dernières années ».

Préparation d’une distribution alimentaire par l’équipe d’« On Remplit Le Frigo »

« C’est plus un bon moment à passer qu’une corvée. »

L’autre problème de la précarité des jeunes, c’est celui du tabou qu’elle représente. Comme le relève Babacar Sall, « quand on est dans une situation difficile, on préfère se refermer plutôt que demander de l’aide ». Beaucoup de jeunes que l’on peut rencontrer lors des distributions évoquent en effet ce sentiment de honte: « mes proches ne savent pas que je suis dans une situation compliquée» , « ma famille ne peut pas subvenir à mes besoins parce qu’ils m’ont déjà aidé à monter sur Paris », « je n’ose pas demander à mes amis ». Face à cela, le discours d’« On Remplit Le Frigo » est simple: « Ici, personne ne vous jugera ». L’association s’efforce pour ce faire d’accueillir les étudiants de façon festive: « Dans notre distribution tu ne prends pas juste un sac, et tu pars. Il y a toujours quelqu’un à qui parler et de la musique. C’est plus un bon moment à passer qu’une corvée ».

Concernant le futur de l’association, Babacar Sall souhaite la faire grandir en trouvant de nouveaux moyens financiers et humains. Même si celle-ci a déjà de nombreux partenaires comme Paris Basketball, Feed, Nivea en produits d’hygiène, Pa et Pille ou encore mais aussi des dons financiers de la Fondation Carrefour, de Buzzman, de CNP et de Bao Jobs par exemple, l’équipe souhaite en faire plus et s’étendre en province. Il ne s’agit pas de la seule association à s’attaquer aux problèmes de la précarité alimentaire. Nous pouvons en retrouver d’autres comme « L’Equipage Solidaire », « Cop’1 » ou encore « Linkee » par exemple. « Il est très important de dire que je ne suis pas tout seul à avoir créé l’association on est une équipe. Ici le collectif prime par rapport à l’individualité ».

« On a tous été étudiant, on connaît la difficulté de certains »

Malgré ce fort engouement associatif, la détresse étudiante n’est souvent pas entendue par la classe politique et n’est toujours pas considérée comme une priorité. Pour le président de l’association « On Remplit Le Frigo », la situation ne risque pas de s’arranger « aux vues de vu la conjoncture économique actuelle ». En effet, l’augmentation du prix des denrées alimentaires risque de faire augmenter sévèrement le nombre d’étudiants en précarité alimentaire. « Nous sommes dans une période où, après le Covid-19 et avec la crise en Ukraine, la situation est très compliquée, surtout que les salaires n’augmentent pas ». Il reste néanmoins rassurant, affirmant « que nous serons toujours là pour aider. On a tous été étudiant, on connaît la difficulté de certains ».

Jeanne Metzinger

Site de l’association « On Remplit Le Frigo » : https://www.onremplitlefrigo.fr/

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