« Annuler la dette: vrai débat ou piège politique ? »: débat entre les économistes David Cayla et Laurence Scialom

02/04/2021

Entre le discours mainstream culpabilisateur sur la dette supposée peser sur les générations futures, et celui selon lequel la dette des États pourrait s’accroître indéfiniment sans impacter l’économie réelle, les citoyens se sentent de plus en plus perdus. Le discours sur la dette est-il seulement un chantage des néolibéraux pour tailler dans les services publics, ou une réalité menaçante ? Faut-il tourner le dos à la question de la dette, ou se battre pour son annulation? Alors que les dettes publiques liées au Covid s’envolent, deux économistes confrontent pour QG leurs visions opposées sur ce sujet crucial

« Annuler la dette: vrai débat ou piège politique ? »: débat entre les économistes David Cayla et Laurence Scialom

L’annulation de la dette publique, enjeu central ou leurre politique ? Un débat très vif s’est développé depuis quelques semaines au sein des rangs des économistes hétérodoxes, alors même que le montant des dettes Covid ne cessent de s’envoler chez les pays membres de l’Union européenne. Pour QG, deux d’entre eux, Laurence Scialom et David Cayla, ont accepté un grand entretien croisé, exposant leurs avis opposés. Pour Laurence Scialom, auteur de « La fascination de l’ogre, ou comment desserrer l’étau de la finance », obtenir l’annulation de la dette publique détenue par la Banque centrale européenne serait même un moyen de pouvoir mieux financer la transition écologique. Pour David Cayla, membre des économistes atterrés, l’annulation de la dette publique n’est nullement un préalable aux investissements. Auteur de « Populisme et néolibéralisme: il est urgent de tout repenser », Cayla considère même qu’il s’agit d’un faux débat dangereux, qui profitera finalement aux néolibéraux. Jonathan Baudoin a recueilli leurs échanges souvent vifs et très éclairants.

David Cayla, membre des économistes atterrés, et Laurence Scialom, professeur d’économie à l’université de Paris-Nanterre

QG : Avec la crise sanitaire, On est passé d’un discours culpabilisateur où tous les services publics devaient être taillés pour rembourser la dette, à des discours, de plus en plus répandus chez certains politiques, et sur les réseaux sociaux, selon lesquels il serait possible d’effacer la dette détenue par la Banque centrale européenne par un simple jeu d’écriture comptable. Qu’en est-il et comment évaluez-vous ces deux visions ?

Laurence Scialom : Je fais partie de ceux qui préconisent une option d’annulation de la dette publique par la BCE en contrepartie d’investissements dans la transition écologique. Notre proposition ne consiste pas à annuler la dette pour réduire le ratio dette/PIB, mais à proposer un nouveau contrat social et écologique. Une espèce d’acte de refondation européen. Toutes les sommes annulées ne le seraient pas pour désendetter les États, mais pour investir dans la transition écologique et sociale.

Ce qui motive cette position, c’est tout d’abord le contexte macroéconomique et écologique, caractérisé par des pressions déflationnistes elles-mêmes attisées par un excès de dette privée. Or, on a besoin d’investissements massifs dans la transition écologique. Je rappelle que le budget carbone, c’est-à-dire le reste de CO2 qu’on peut émettre dans l’atmosphère si on veut rester sous le seuil d’augmentation de 1,5°C, sera épuisé d’ici 10 à 15 ans. Il y a une urgence absolue à investir dans la transition écologique. Ensuite, c’est le constat du contexte institutionnel européen, à savoir une interdiction de monétisation des déficits budgétaires, via les traités alors même que des règles budgétaires strictes contraignent la dépense publique et ne permettent pas des investissements massifs. Ces règles n’ont été levées que temporairement. Il existe donc un très gros risque de revenir très rapidement à la rigueur budgétaire. On entend bien la petite musique, notamment avec la commission sur l’avenir des finances publiques en France et avec le plan allemand de remboursement de la dette Covid en 20 ans. Dans les deux cas cela annonce un retour à la rigueur budgétaire.

Par ailleurs, il y a des éléments proprement politiques. Il est très important de repolitiser le débat sur la politique monétaire, sur le ciblage et la canalisation de celle-ci sur des usages à fortes externalités positives, notamment la transition écologique et sociale puisque les deux vont ensemble. Je pense que ce débat qu’on a lancé a mis le doigt sur un point important. Christine Lagarde nous a d’ailleurs répondu. C’est un débat très utile. Je rajouterais que nos propos rejoignent ceux de Stephanie Kelton dont l’ouvrage récent, « Le Mythe du déficit », fait beaucoup de bruit. Elle-même dit que dans le cadre européen, la monnaie n’est pas souveraine. La manière de pallier cela, c’est l’annulation de la dette par la BCE.

Livre "Le mythe du déficit"

Dans ce livre paru aux LLL, Stéphanie Kelton, conseillère de Bernie Sanders en 2016, déconstruit les présupposés concernant la dette et propose une autre manière de penser l’économie

David Cayla : Depuis la crise de la pandémie, on a fait deux choses : confiner les économies pour éviter l’explosion des malades Covid et mettre en place des mesures de soutien financier pour éviter l’effondrement économique. Ces mesures ont coûté énormément d’argent. Jamais les déficits n’ont été aussi importants. On est passé d’une dette publique de 100% du PIB à 120%, et cela va sans doute encore augmenter en 2021. C’est la preuve qu’on peut dépenser énormément d’argent sans aucune contrainte, puisque les taux d’intérêt sont restés très faibles. Ils sont négatifs à 10 ans depuis juillet 2019, et le sont restés pendant toute la crise sanitaire. Le coût financier de la dette est plus faible aujourd’hui qu’au milieu des années 1990, alors même que la dette a explosé.

Tout cela me fait dire que l’annulation de la dette ne peut pas être posée comme préalable aux investissements. L’Etat n’a aucun problème à trouver de l’argent à des taux très favorables. Les investisseurs privés, les banques, les marchés financiers, continuent de prêter aux États, même à taux négatif, car il s’agit pour eux de sécuriser leurs réserves en liquidité.

Je ne vois pas en quoi une annulation de la dette serait nécessaire pour financer la transition écologique. C’est, à mon avis, un faux débat. Si on le mène, on va se heurter à un autre problème institutionnel qui est l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE), garantie par les traités. En effet, pour annuler la dette qui pèse spécifiquement sur la BCE, il faudrait qu’elle fasse un abandon de créances. Or, l’abandon de créances n’est pas politiquement possible. Il nécessiterait que la Banque centrale obéisse aux gouvernements. Mme Lagarde a déjà expliqué très clairement qu’elle refusait d’envisageait une telle possibilité. De ce fait même si c’était légalement possible du point de vue des traités, le fait que la banque centrale refuse de le faire élimine en pratique cette possibilité.

Du fait de ce blocage, on en vient à croire qu’il ne serait pas possible de financer les investissements pour la transition alors qu’en fait tout le monde veut prêter aux États. C’est un simple problème de volonté politique! On ne souhaite pas prendre l’argent alors qu’il est déjà disponible. Ce n’est pas en annulant une partie de la dette publique qu’on va faire spontanément émerger cette volonté politique. Demander à la BCE : « S’il vous plait, annulez notre dette pour qu’on puisse investir massivement dans la transition écologique » me gêne énormément car c’est faire peser sur une institution technocratique qui n’a pas de légitimité démocratique un préalable pour avoir un investissement qui relève des gouvernements. C’est aux gouvernements et aux politiques qu’incombe la responsabilité d’orienter l’argent public.

Par ailleurs même si on annulait un quart de la dette détenue par la BCE, on serait encore au-dessus du seuil de 60% du PIB. Ça n’enlèverait aucune des pressions institutionnelles de l’UE qui pèsent sur les États pour diminuer leurs dépenses publiques !

Ce que je reproche aux partisans de l’annulation, c’est que le débat, bien qu’intéressant théoriquement, n’a aucune chance d’être gagné. La BCE refuse d’abandonner ses créances et on n’a aucun levier pour l’y obliger. Et si elle le faisait, cela ne changerait rien, du point de vue des partisans de l’austérité puisqu’on resterait aux niveaux d’endettement supérieurs à 60%, seuil fixé par les traités ! Et puis, comment garantit-on que ces sommes aillent vers la transition écologique et sociale, vu que les gouvernements sont souverains et décident de l’allocation des dépenses ?

L.S : Bien évidemment, cette annulation de créances ne serait pas une décision unilatérale de la Banque centrale. Ça ne peut se faire que par un accord politique au plus haut niveau. Exactement de la même manière que si l’on doit réformer fortement les règles budgétaires et d’endettement public. Ce que je souhaite !

Christine Lagarde faisant un discours

Christine Lagarde, présidente de la BCE, lors d’une conférence de presse, le 11 mars 2021. Crédit : Martin Lamberts/ECB

D.C : Pardon, mais en matière de déficit public, on est en-dehors des clous depuis des années et aucun pays n’a été sanctionné pour ça. L’indépendance de la Banque centrale européenne est très forte.

L.S : L’indépendance de la Banque centrale européenne est un mythe ! Je voudrais revenir sur plusieurs choses. La première, il ne suffit pas de dire qu’on est dans contexte de très faibles taux d’intérêt, qu’on peut s’endetter sans contrainte et qu’on peut investir. Les taux d’intérêt négatifs étaient là bien avant la pandémie. Pour autant, l’investissement public a reculé. Ce n’est pas du tout une condition pour qu’il y ait de l’investissement public dès lors que le dogme est de réduire l’endettement public. La question de l’indépendance de la Banque centrale est un mythe total depuis qu’elle pratique du QE [quantitative easing, assouplissement quantitatif en français, NDLR]. Elle ferme les spreads [écarts de taux d’intérêt entre dettes souveraines, NDLR] pour permettre aux États de s’endetter. Elle ne peut pas revenir en arrière. Le débat qu’on pose met en lumière de facto que la Banque centrale n’est plus indépendante car si elle cessait son QE, la zone euro éclaterait. La BCE est déjà complètement assujettie aux questions de financement des déficits budgétaires donc, de facto, elle n’est plus indépendante. Ce qui fait d’ailleurs dire à Stephanie Kelton qu’actuellement, tant qu’elle fait ça, la théorie monétaire moderne s’applique dans l’Union européenne. Le problème, c’est qu’il n’y a rien qui garantisse que les taux ne vont pas remonter. Donc, parier sur le fait que la situation macroéconomique de taux d’intérêts négatifs perdurera me semble être excessivement dangereux. Notre proposition ne nie pas la nécessité que les investissements dans la transition écologique soient démocratiquement décidés, la dépense publique relève des instances démocratiquement élues. Enfin, dire que l’indépendance de la Banque centrale est gravée dans le marbre est absurde. Quand on regarde l’histoire longue du Central banking, on se rend bien compte que les banques centrales sont capables, très rapidement, de changer leur rapport vis-à-vis des États. C’est ce qui s’est passé après la Seconde guerre mondiale, quand on a nationalisé les Banques centrales, quand on a fait des politiques d’orientation de la création monétaire et de la régulation financière pour financer la reconstruction. On est dans cette logique-là. L’idée, c’est un acte de refondation. Je pense que l’accord politique qu’on peut obtenir n’est pas plus difficile que celui pour faire sauter les règles budgétaires!

D.C : Mais les règles budgétaires ont déjà sauté, de fait! L’Allemagne a connu du déficit supérieur à 3%. La France aussi, au milieu des années 2000. En 2008, ça a aussi sauté. Maintenant, ça resaute. En revanche, l’indépendance de la BCE signifie qu’aucun gouvernement ou chef d’État ne peut lui donner un ordre. Le fait qu’elle rachète des obligations publiques est réalisé de manière souveraine. Ça ne remet pas en cause son indépendance. Aussi le problème reste entier : comment forcer la Banque centrale européenne à faire quelque chose qui est en dehors de son mandat ? Elle n’a pas à négocier avec les États des investissements dans l’écologie et la transition énergétique. Ce n’est pas son rôle. Savoir si le projet d’annulation de la dette est formellement interdit par les traités ou non n’est pas clair. Mais si Christine Lagarde pense que c’est illégal, elle ne va de toute façon pas le faire et il est illusoire de croire qu’on pourra l’y contraindre.

D’autre part la Banque centrale européenne ne peut intervenir que dans le cadre de son mandat. La BCE n’est pas une institution politique et ne peut donc élargir son champ d’action comme elle le souhaite. Le quantitative easing n’était pas en dehors de son mandat car c’était une manière de préserver le système bancaire. Si l’Italie avait fait défaut, le système bancaire européen se serait écroulé. À ce titre, il était légitime qu’elle évite que les taux d’intérêt longs explosent. Par contre, ça va être très compliqué d’expliquer que l’annulation de la dette publique qu’elle détient participe de son mandat. Par ailleurs cela poserait un vrai problème démocratique. On ne peut pas admettre qu’une autorité indépendante commence à faire tout et n’importe quoi, en fonction de ses préférences politiques!

L.S : Quand d’autres banques centrales ont commencé à faire du Quantitative Easing et qu’on en a commencé à en parler pour l’Europe, on nous a dit la même chose, à savoir que le QE serait une transgression de son mandat. Ce qu’on propose, c’est un cran au-delà. Actuellement, on a un cercle vicieux entre réallocation des flux financiers du « brun » vers le « vert » et risque financier climatique. Les risques financiers climatiques sont des risques systémiques. Le NGFS, le réseau des banques centrales et des régulateurs au niveau international le reconnaît parfaitement. Des risques financiers systémiques d’origine climatique nous menacent! Le risque de transition avant tout, et le risque physique. S’il n’y a pas une réallocation massive des flux financiers du brun au vert, ça aggrave les risques physiques et le risque de transition. Or, la Banque centrale, par sa politique, peut jouer un rôle majeur dans la réallocation des flux. Mais aussi par une annulation qui serait conditionnée à de l’investissement dans la transition écologique et sociale. Je souligne aussi que la BCE a un mandat secondaire qui est de soutenir les politiques de l’Union.

Photo de traders

Aujourd’hui encore, l’essentiel des flux financiers soutiennent des activités polluantes. Crédit : Justrader CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

D.C : D’accord. Mais de jure, elle fait ce qu’elle veut. Tant qu’on n’a pas réformé ça, on ne peut pas l’obliger. Ce qui m’embête, c’est que vous conditionniez les investissements écologiques à quelque chose qui n’arrivera jamais. La Banque centrale européenne n’abandonnera pas la dette publique qu’elle détient. Elle l’a dit formellement. Même si tous les gouvernements étaient coalisés, ce qui n’est pas le cas par ailleurs, puisqu’aucun gouvernement ne défend l’annulation, notamment l’Allemagne qui a une population créancière, il faudrait qu’ils arrivent à convaincre la BCE. Il faudrait ensuite qu’il n’y ait personne qui porte la chose en justice, comme ce fut le cas pour le QE. La Cour de justice a tranché, très bien. Mais vous voyez le nombre d’obstacles qui nous attendent ?

« L’EUROPE A TOUJOURS AVANCÉ AU BORD DU GOUFFRE » LAURENCE SCIALOM

L.S : Je pense que les deux combats : levée des règles budgétaires et annulation de dette publique par la BCE doivent être menés en parallèle. L’intérêt du débat sur l’annulation des dettes, est qu’en creux, il montre toute l’inefficacité d’une union monétaire sans union budgétaire. Par ailleurs, quand on regarde l’histoire européenne, l’Europe a toujours avancé au bord du gouffre. Par exemple, l’union bancaire en est une illustration. L’Allemagne a cédé au moment où elle a cru, effectivement, qu’il y avait un risque d’éclatement de la zone euro. L’Allemagne aurait énormément à y perdre. Toutes les choses que l’on fait, tous les engagements que l’on prend, nous rendent dépendants du chemin pris. Et à un moment, on ne peut plus reculer. Ce faisant, au bord du gouffre, le fait que ce débat sur l’annulation ait lieu, que tous les arguments aient été mis sur la table fait que ça devient une option.

D.C : Ce n’est pas une option envisagée sérieusement par les acteurs. Je pense qu’on y attache trop d’importance parce qu’on ne parle pas de ce qu’on peut faire maintenant. Je vais revenir sur deux choses importantes. D’abord, sur la question des taux d’intérêt, qui remontent ces derniers temps. Les taux d’intérêt publics déterminent les taux d’intérêt du reste de l’économie. Ils sont donc très importants.

Dans les manuels, on explique que les taux d’intérêt à court terme sont décidés par la Banque centrale. Ce sont les taux de refinancement bancaires, ou taux monétaires. On explique aussi que les taux à long terme sont décidés par les marchés financiers, par les achats et les ventes de titres obligataires sur les marchés financiers. Or, depuis le Quantitative easing, les taux d’intérêt à long terme sont manipulés par les Banques centrales. Elles ont été amenées à jouer ce rôle pour sauver l’euro, comme l’a justement dit Laurence Scialom tout à l’heure. Pour sauver l’économie aux États-Unis, au Royaume-Uni, et dans toutes les grandes économies, on a dû faire intervenir les banques centrales. Autrement dit les taux d’intérêt à long terme, aujourd’hui, sont en grande partie administrés et ne sont plus décidés par les spéculateurs. C’est un tournant majeur qu’il faut absolument prendre en considération.

En annulant les dettes publiques on dit à la Banque centrale : « Quand vous achetez des titres de dette publique, faites attention car ils peuvent être annulés immédiatement ». C’est un très mauvais signal à lui envoyer. Plus elle détient de la dette publique, plus elle a de capacité à agir sur les marchés obligataires, et donc sur les taux d’intérêt à long terme. La situation actuelle me convient tout à fait car la Banque centrale européenne est devenue, de fait, responsable des taux d’intérêt. L’argument sur la montée des taux n’est donc pas valable parce que, justement, la banque centrale a acquis la capacité de garantir la soutenabilité des dettes publiques par son action sur les taux.

« JE VAIS ÊTRE CLAIR: IL N’Y A PAS DE PROBLÈME DE DETTE PUBLIQUE » DAVID CAYLA

Mon deuxième argument est l’argument démocratique. J’entends bien l’idée d’une grande conférence européenne pour décider collectivement d’investir dans l’écologie. Ça me pose un problème car l’Union européenne n’est pas une institution démocratique. Si on fait un cadre dans lequel on contraint les États en matière budgétaire, même si c’est pour la bonne cause, c’est problématique. Aujourd’hui ce serait pour financer la transition énergétique. Demain, ce sera peut-être pour réformer la Sécurité sociale ou pour n’importe quoi d’autre. Les décisions démocratiques sont celles qui sont prises par des États, les gouvernements élus. Ce que décide la BCE, la Commission ou les grandes conférences européennes ne l’est pas. Je mets en garde ceux qui disent qu’il faut faire passer la politique budgétaire d’un État, à savoir d’un gouvernement élu, vers une entité administrative.

QG : En-dehors de cette solution d’annulation de la dette détenue par la BCE, n’y a-t-il pas d’autres pistes à explorer pour faire face à la dette publique, et dans ce cas, qui y gagne, qui y perd ?

D.C : Je vais être très court et clair. Il n’y a pas de problème de dette publique. Il n’y a donc pas de raison de trouver des solutions. La dette publique en France, est à 120% du PIB. Au Japon, elle se monte à plus de 250%. Le vrai problème, c’est l’investissement public, qui s’effondre. S’il n’y a pas d’investissement, ce n’est pas à cause de la dette mais à cause de l’absence de volonté politique. Ce qu’on devrait faire aujourd’hui, c’est demander au gouvernement d’investir. En ce moment il dépense énormément pour sauver l’économie, ce qui est une forme d’investissement. Mais il ne faut pas qu’il oublie les investissements productifs.

L.S : La dette publique n’est pas un problème au Japon, ni aux États-Unis, car ce sont des pays qui ont une monnaie souveraine. C’est-à-dire que ce sont des pays où, effectivement, le fait que vous ayez un budget fédéral ou un budget d’un État qui coïncide avec l’espace de circulation de la monnaie, fait que la dette n’est pas un problème dès lors que l’État s’endette dans sa propre monnaie. En Europe, c’est très différent. Vous avez 19 risques souverains qui coexistent, qui sont gérés par la BCE. Ça dépend uniquement de la bonne volonté de la BCE. Quand on regarde ce qu’on peut faire pour gérer une dette, il y a des solutions sur la table contre lesquelles je suis. Par exemple celle vers laquelle s’oriente le gouvernement français, c’est l’histoire du cantonnement ou de la caisse d’amortissement. Ce qui veut dire une promesse de rigueur budgétaire rapidement. Ils se calent sur ce que fait l’Allemagne depuis 2009. Dans l’histoire, vous avez la monétisation, qui est un moyen de gérer les dettes, ayant souvent eu lieu après des guerres pour gérer la dette de guerre, mais interdite par les traités. Et puis, vous avez l’inflation. L’inflation, c’est génial. Ça permet de dévaloriser en termes réels votre dette et c’est indolore tant qu’elle reste raisonnable. Le problème, c’est que justement, comme on est dans un contexte de stagnation séculaire, et de tensions déflationnistes importantes depuis plusieurs années, la BCE ne parvient pas du tout à atteindre sa cible d’inflation depuis 2013. La dette n’est pas un problème dès lors que nos politiques pensent que ce n’est pas un problème. Mais si les décideurs politiques pensent que c’en est un, ça le devient. Il ne suffit pas d’avoir une incantation du genre « il n’y a qu’à, faut qu’on dépense ». Si nos décideurs politiques pensent le contraire, ça devient un problème. De toutes manières, dans la construction européenne telle qu’elle est en l’absence d’union budgétaire, c’en est potentiellement un. Qu’on le veuille ou non. On l’a bien vu pour la Grèce! Il suffirait que la BCE laisse s’ouvrir les Spreads pour se rendre compte que c’en est un.

D.C : Oui mais justement, la BCE ne le fera pas. Elle ne fera pas quelque chose qui explosera la zone euro.

L.S : Donc, elle n’est plus indépendante.

D.C : Juridiquement, elle reste indépendante. Elle fait ce qu’elle veut.

L.S : Elle ne peut pas sortir du QE.

D.C : D’accord, pour le coup. La réalité, c’est qu’elle est indépendante, dans le sens où on ne peut pas l’obliger à annuler une dette, surtout si ça ne résout pas le problème parce qu’il n’y a pas de problème réel à ce sujet. Par contre, elle est censée, dans son mandat, sauver l’euro, qui est dysfonctionnel, et elle va tout faire pour le sauver.

Je voudrais revenir sur la question de l’inflation. Celle-ci est la meilleure manière de résoudre le problème d’endettement, je suis entièrement d’accord avec Laurence Scialom sur ce point. Le problème de l’inflation c’est que ça n’est pas une décision politique. Si on investissait davantage, on permettrait davantage de croissance économique ; cela augmenterait l’inflation et réduirait le coût financier de la dette. Le problème, et la banque centrale l’a toujours dit, est que l’investissement ne relève pas de la politique monétaire. C’est un choix qui relève de la politique budgétaire.

Si la question est de savoir comment convaincre les États d’investir davantage, je pense qu’on ne va pas les convaincre en les renforçant dans l’idée qu’il faudrait prioritairement résoudre le faux problème de l’endettement. Il y a une bataille politique à mener derrière tout ça. Il faut convaincre de la nécessité de l’investissement privé et public, sachant qu’il n’y a pas d’effet d’éviction. En effet les deux formes d’investissement évoluent en parallèle. Si on veut plus d’investissement privé, il faut donc plus d’investissement public. Cette orientation politique-là doit être menée de front. La politique monétaire étant ce qu’elle est, c’est-à-dire extrêmement accommodante, il faut que la politique budgétaire relevant des États soit mise en œuvre de manière efficace. C’est-à-dire en investissant et en organisant la croissance. Cela permettrait par ailleurs d’augmenter l’inflation. C’est ce débat qui devrait être prioritaire.

Alexis Tsipras faisant un discours à la commission européenne

Alexis Tsipras, premier ministre grec, à la tribune de la Commission Européenne. © European Union 2018 – European Parliament

QG : Dans nos colonnes, un haut fonctionnaire proposait récemment de sortir de l’emprise des marchés financiers et du piège de la dette par une « taxation massive de l’héritage » et « l’augmentation des salaires », cette dernière générant de l’inflation. Qu’est-ce que ça vous inspire comme réflexion ?

L.S : Je pense que la question que ça pose est, effectivement, que le système néolibéral, dans lequel on vit depuis plusieurs décennies, est générateur d’inégalités. C’est très lié à la financiarisation, aux bulles qui sont favorisées par le contexte de taux d’intérêt très bas, etc. Pour les catégories sociales les plus défavorisées se crée une trappe à pauvreté, à surendettement. Pour les plus riches, une opportunité de spéculation financière, des capacités d’enrichissement très fortes. La question de taxer davantage ceux qui ont profité de cette financiarisation extrême de l’économie me paraît être légitime comme débat. Ce n’est pas antagonique avec ce qu’on disait avant. On peut appuyer sur plusieurs leviers face à l’urgence de la situation dans laquelle on est.

D.C : Je vais élargir quelque peu la réponse, parce que la question des héritages est légitime, j’y suis favorable. Mais pour moi, ce n’est pas un problème lié à la dette, à la crise financière. Je ne crois pas qu’on arrivera à résoudre une crise financière en taxant les héritages. Par contre, je voudrais revenir sur ce qui s’est passé en 2008. Nous avons connu une crise financière extrêmement importante. Elle s’est résolue par le sauvetage des banques et de l’épargne des ménages par les États. Les États sont devenus les assureurs des risques financiers du secteur privé, ce qui est un peu problématique. Si on a une nouvelle crise financière, et je pense qu’elle est très probable, elle touchera non les dettes publiques mais les dettes privées.

L.S : C’est une crise qui frappera surtout l’économie réelle et qui se transformera peut-être en crise financière. Contrairement à 2008 ce ne sera pas une crise endogène à la finance.

« NOUS RISQUONS UNE CRISE BANCAIRE MAJEURE QUI VA MENACER L’ÉPARGNE DE TOUT LE MONDE » DAVID CAYLA

D.C : Exactement. On risque d’avoir des faillites en chaîne dans le secteur privé, dans les PME, dans les grosses entreprises, qui vont être supportées par le secteur bancaire, lequel ne pourra pas faire face parce qu’il a un taux de fonds propres extrêmement faible par rapport aux risques qu’il prend. On risque donc d’être confronté à une crise bancaire majeure qui va menacer à nouveau l’épargne de tout le monde. Comment va-t-on la résoudre ? Peut-être que certains diront : « faisons comme en 2008-2009. L’État va garantir les pertes privées. » Ce qui est déjà dans la logique actuelle, en finançant le chômage partiel, en finançant les entreprises qui ne peuvent plus fonctionner.

Mais je pense que les besoins de financement risquent d’être tellement importants que ce sera sans doute impossible. Dans ce cas, la solution qui pourrait être mise en œuvre serait d’organiser les pertes financières en évitant qu’elles ne pèsent sur l’économie réelle comme en 2008-2009, ce qui a entraîné une nouvelle récession en Europe. Il faudrait que les pertes restent dans la sphère financière, ce qui passera sans doute par une taxation de l’épargne en répartissant les pertes sur les épargnants plutôt qu’en augmentant les taxes aux héritages. Ça revient d’ailleurs un peu au même vu qu’on taxe des stocks dans les deux cas. Le problème sera de la mettre en œuvre politiquement, de la faire accepter auprès de la population.

Je ne souhaite pas cela, mais je m’interroge sur les capacités qu’on a à gérer une crise financière privée, vu qu’on a un taux d’endettement des entreprises qui est extrêmement élevé en France, en constante augmentation depuis des années, accéléré par la crise du Coronavirus. On a aussi une épargne extrêmement abondante. Si on veut faire baisser la dette privée, il faudra faire baisser les créances privées et donc l’épargne. C’est une question de comptabilité nationale.

QG : Le taux d’épargne des ménages a grimpé en flèche en France sur l’année 2020, passant de 14,8% à 18,8% du revenu disponible selon la Banque de France. Une accumulation d’épargne réalisée par les revenus les plus riches, essentiellement. Est-ce qu’une fiscalisation exceptionnelle de la sur-épargne des plus riches pourrait-être utilisée pour être réinjectée dans l’économie réelle, selon vous ?

L.S : Ça me semble évident. C’est une épargne forcée, liée aux non-dépenses du fait de la mise sous cloche de l’économie. Si l’idée, derrière, est d’utiliser cela pour financer l’économie, ce n’est pas du tout à la hauteur. Mais, évidemment, pour des raisons de justice sociale et fiscale, ça me semble être important. C’est un peu dans la même ligne que la taxation de l’héritage. Il s’agit de promouvoir une approche redistributive entre les gagnants et les perdants de la pandémie bien sûr, mais plus généralement, les gagnants et les perdants de la financiarisation de l’économie. Pour autant, ce type de proposition ne dégage pas les sommes requises pour le financement de la transition écologique et sociale. En France, l’investissement additionnel qui serait nécessaire est estimé à environ 100 milliards d’euros de plus par an. Rapportez cela à la part qui va à la transition écologique dans le plan de relance européen et vous voyez l’énorme écart qu’il y a.

D.C : Je pense qu’il y a beaucoup d’argent en épargne et qu’une taxation sur l’épargne est quelque chose qui rapporterait beaucoup d’argent. Le problème, c’est que c’est du one-shot. C’est ponctuel, par définition.

L.S : C’est sur les patrimoines financiers.

D.C : Oui. Mais sur l’épargne en banque également. Il y a, quand même de l’épargne qui a augmenté. On arrive à des centaines de milliards d’euros. Le problème est surtout politique. Pour beaucoup de gens, ce serait une spoliation.

L.S : Oui. Sauf si on dit que c’est sur les patrimoines financiers, qui se sont constitués au cours des dernières années.

Patrick Drahi, PDG d'Altice, discutant avec des Polytechniciens

De grandes fortunes du CAC 40 comme celle de Patrick Drahi, PDG d’Altice, dépendent fortement des faibles taux d’intérêts consentis depuis des années par le système bancaire. Crédit : École polytechnique J.Barande

D.C : Le problème, c’est que l’épargne financière n’est pas monétisable. Si vous avez des actions d’une entreprise qui a vu son cours de marché doubler ou tripler ces 10 dernières années, vous ne pouvez pas taxer ces actions, à moins que l’État prélève directement les actions. Ce qui serait possible par ailleurs.

L.S : Si l’État devient actionnaire.

D.C : Mais ça ne génère pas directement de cash. Or, c’est bien cela qu’il faut. Sans trop rentrer dans les détails, mon sentiment est qu’une taxation de l’épargne ne pourra se faire qu’en temps de crise énorme.

L.S : C’est un peu compliqué. Vous ajoutez de la perte de confiance à la perte de confiance au moment de la crise ?

D.C : Si le choix est entre perdre toute son épargne ou n’en perdre qu’une partie de manière politiquement organisée en tenant compte des situations des ménages, la seconde option apparaîtra sans doute préférable.

L.S : Je ne comprends pas. Vous n’arrêtez pas de dire que la dette n’est pas un problème!

D.C : Je dis que la dette publique n’est pas un problème…

L.S : Le système bancaire ne peut pas s’effondrer puisque l’État a toujours les moyens de le soutenir si la dette n’est pas un problème. Je ne comprends pas il y a une incohérence…

D.C : C’est ce qu’il a fait en 2008-2009. Le problème, c’est que quand il y a des pertes très importantes du secteur privé, l’État n’a pas à sauver tous les agents privés.

« LAISSER S’EFFONDRER UNE BANQUE SYSTÉMIQUE PROVOQUERAIT UN CATACLYSME ÉCONOMIQUE INCROYABLE » LAURENCE SCIALOM

L.S : C’est normatif ! Ce qu’il peut très bien faire, et ce serait la meilleure solution, c’est de renflouer les banques parce que sinon, ce serait un cataclysme qu’on n’imagine pas. Laisser s’effondrer une banque systémique provoquerait un cataclysme économique absolument incroyable. Les États peuvent renflouer les banques, mais cette fois-ci avec une conditionnalité qui serait une régulation financière extrêmement stricte. Ce que l’on n’a pas fait après la crise de 2008.

D.C : Je pense qu’on sera contraint de faire contribuer les épargnants parce qu’ils sont les créanciers en dernier recours.

L.S : Ils ne sont pas fautifs dans le fait que les banques soient insuffisamment capitalisées, prennent trop de risques, fassent trop d’activités de trading, etc. Les épargnants ne sont pas ceux qui surveillent les banques. Autant je comprendrais qu’on dise : « je soutiens les banques et en contrepartie, je suis drastique sur la régulation bancaire et financière, pour sortir justement de cette économie financiarisée, hyper court-termiste ».

D.C : Les épargnants ne sont pas fautifs à l’échelle individuelle. On est d’accord. Le problème est que quand on veut définanciariser l’économie, il faut réduire le volume de la finance. Or, la seule manière de le faire est l’annulation de la dette d’un côté, mais aussi la réduction des créances, de l’épargne, de l’autre.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

Laurence Scialom est économiste à l’Université Paris 10 Nanterre, membre de l’Institut Veblen. Elle est l’auteure des livres La fascination de l’ogre ou comment desserrer l’étau de la finance (éditions Fayard) et Économie bancaire (éditions La Découverte).

David Cayla est économiste à l’Université d’Angers, membre du collectif Les Économistes Atterrés. Il est l’auteur de Populisme et néolibéralisme et de L’économie du réel, tous deux parus aux éditions De Boeck Supérieur.

Crédit de la photo de couverture : Robin Prime/Christian Aid

À lire aussi

3 Commentaire(s)

  1. Je retiens spécialement ce propos de LS :
    « … le système néolibéral, dans lequel on vit depuis plusieurs décennies, est générateur d’inégalités … liées à la financiarisation, aux bulles qui sont favorisées par le contexte de taux d’intérêt très bas, …. Pour les catégories sociales les plus défavorisées se crée une trappe à pauvreté, à surendettement. Pour les plus riches, une opportunité de spéculation financière, des capacités d’enrichissement très fortes. »

    Avec la course aux investissements due à la concurrence, et la baisse des taux d’intérêts, la spéculation boursière intéresse plus que le rendement en dividendes : par exemple, Uber, déficitaire mais faisant une entrée en bourse fracassante.
    https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/lyft-uber-pourquoi-ces-entreprises-en-deficit-ninquietent-pas-wall-street-1004256

    Et, ci-dessous un exemple de baratin de conseillers financiers grand public (ici Olivier Cnchn), qui racolent au hasard par mel : j’ai reçu ça (ci-dessous) après avoir cliqué je ne sais où, dans l’espoir poétique de gagner la lune qu’on faisait miroiter à mon balcon ! Comme ça parle de la Dette et d’Europe, de FMI et de BCE je vous laisse comparer avec la présente tribune de QG. Olivier Cnchn conseille très fortement le placement boursier dans certaines startups (sans doute celles où il a déjà tout son pognon, afin de faire monter la cote).
    Voici son baratin sur la dette :

    Peut-on créer de la dette à l’infini ?
    Par Olivier Cnchn
    Cher lecteur, chère lectrice,
    La dette publique est un concept dont on ne voit pas le bout.
    Certains essaient de nous rassurer en disant qu’un Etat comme la France ne ferait jamais faillite.
    Pourtant, de très beaux États développés ont été en défaut au 20e et au 21e siècle… et ils n’avaient pas la lourdeur de l’Etat français.
    Alors on peut légitimement se demander jusqu’où tout cela nous emmène, et à quel moment nous serons concernés, nous citoyens :
    Scénario n°1 : La dette devient de plus en plus cher.
    D’abord, si la France se retrouve dans un engrenage de création de dette à l’infini, avec des intérêts qui courent en permanence, elle risque de se voir infliger une prime de risque sur ses taux d’intérêts.
    Face à l’augmentation de la dette, ses prêteurs se mettront forcément à craindre de ne pas être remboursés.
    Ils demanderont alors des taux d’intérêts toujours plus élevés.
    La note de la France sera dégradée chez les agences de notation internationales.
    Et si les taux d’intérêt bondissent, ou que ses prêteurs ne veulent plus prendre de risque et ne prêtent plus d’argent, c’est la catastrophe : LE DÉFAUT DE PAIEMENT !
    C’est ce qu’a vécu récemment la Grèce en 2015. Faire défaut pour un État, cela veut dire ne plus pouvoir honorer ses dépenses courantes.
    Comme une entreprise en défaut qui ne peut plus payer ses salariés et prestataires, l’Etat en défaut arrête de payer les prestations sociales, les salaires des fonctionnaires, etc.
    La seule solution est alors de taxer significativement les citoyens pour ramener en urgence de l’argent dans les caisses de l’Etat.
    Dans un scénario potentiel de défaut de paiement, la France devrait alors faire appel à des institutions internationales comme le FMI, qui jouent le rôle de prêteur de dernier ressort et renflouent les caisses de manière provisoire.
    Mais leur aide n’est pas sans conditions : le pays doit mener des politiques d’ajustement très strictes pour réduire les dépenses d’un coup, permettant de rééquilibrer ses comptes publics.
    C’est ce qu’a subi l’Argentine depuis l’an 2000, et cela dure toujours avec des plans à répétition.
    Cela permet au moins d’éviter la banqueroute.
    Mais ces politiques imposées sont des politiques d’austérité.
    Elles sont logiques pour des Etats qui ont dépensé bien plus qu’ils ne le devaient pendant des années, mais sont très douloureuses pour la population.
    Elles mettent à mal la souveraineté de l’État, qui n’est plus maître chez lui. Que diront les citoyens français, quand le président devra couper du jour au lendemain une partie des retraites, des remboursements de santé et des aides publiques ? Ou renvoyer des tas de fonctionnaires ?
    Scenario n°2 : La BCE s’en mêle et assume seule la dette.
    On pourrait aussi se dire que la Banque Centrale Européenne qui détient déjà 20% de la dette française pourrait annuler et “oublier” sa part de dette, de façon à la rendre gratuite pour la France.
    Elle pourrait aussi racheter les 80% de dette détenus par des agents privés, pour assurer un financement perpétuel et illimité en toute autonomie.
    Mais on prend alors le risque d’une hyperinflation comme au Zimbabwe, avec des taux d’inflation à 10 chiffres. Cela veut dire des liasses de billets pour aller acheter du pain !
    En effet, tous ces rachats de dette passent par de la création de monnaie sans contrepartie.
    Avec de tels volumes (des milliers de milliards d’euros), cela ferait perdre plus ou moins rapidement toute valeur à l’euro.
    Vu d’aujourd’hui, il semble difficile de croire que la BCE prenne ce risque de tuer l’euro qui concernerait tous les pays européens, simplement à cause de la France…
    D’autant plus que cela affecterait ses fonds propres, donc sa crédibilité vis-à-vis de l’extérieur – et la confiance est le principal enjeu d’une banque centrale.
    Mais l’Histoire a ses propres vérités !
    En attendant de voir quel scénario l’emporte (ou les deux à la fois), nos politiques s’emploient déjà à faire passer la pilule.
    « La dette est l’arme politique la plus efficace pour culpabiliser les citoyens »
    Je dois cette formule à l’analyste économique Anice Lajnef, qui réagissait à une élocution d’Eric Woerth sur la chaîne Public Sénat il y a quelques jours :
    “La résorption de la dette passe par le travail” dit Eric Woerth
    Tous les hommes et femmes politiques, de droite comme de gauche, semblent s’être mis d’accord pour stresser régulièrement les citoyens français.
    Car cela sert leurs intérêts : dépenser toujours plus sur le dos des citoyens.
    Et c’est si facile, plutôt que d’expliquer pourquoi ils dépensent tant !
    Le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a soufflé la même idée depuis longtemps.
    Les dirigeants politiques essayent de vous marteler que la population est fautive, et que ce sera donc à elle de régler les problèmes que nos dirigeants ont eux-mêmes créés.
    Ils se lavent les mains !
    Et c’est même pire que cela. Leur manipulation de la réalité conduit à un scénario bien précis : faire toujours plus de sacrifices sociaux (retraites, services publics notamment) pour payer les créanciers de la France.
    Et rejeter l’idée, “scandaleuse” pour nos politiciens, d’annuler la dette publique qui est leur gagne-pain depuis 50 ans.
    Voici à combien s’élève désormais la facture : 40 000 euros à payer, par personne.
    40 000 euros à payer pour vous, et pour chaque membre de votre famille.
    Alors faire culpabiliser les Français ne suffit plus, ils nous préparent aussi à passer à la caisse.
    Comme je vous le disais dans une lettre récente, l’idée continue de faire son chemin :
    Ce particulier choisit de donner sa “dette” de 40 000 euros à l’Etat
    On l’a appris au Journal Officiel de la République Française !
    Stressé de voir cette dette énorme grossir à son insu, un particulier a fait donation d’un chèque de 40 000 euros pour apporter sa contribution à l’effort de dette publique.
    L’histoire est pleine d’humour.
    A chacun de juger si ce citoyen épouse les choix de l’Etat sur la dette, ou voulait au contraire faire preuve d’une sévère ironie.
    En tout cas, il a bien compris le problème : ce sont 40 000 euros qui pèsent aujourd’hui sur les épaules de chaque personne en France.
    Pour autant, attention : ces 40 000 euros sont juste une moyenne mathématique.
    Et quand il faudra passer à la caisse, rien ne dit que ce prélèvement des richesses se fera sur le calcul d’une simple moyenne…
    Ni même que payer 40 000 euros “suffira à vous libérer” du problème de la dette…
    Lorsque ce type de mesure arrivera, ce sera alors 100% politique, selon l’avis des dirigeants en place.
    Dans un pays d’histoire socialiste, on peut s’attendre que les riches et les propriétaires seront prélevés les premiers, pour bien davantage que 40 000 euros par personne.
    Et d’un point de vue pratique, les premiers touchés seront aussi ceux qui ont tout leur patrimoine en “libre accès” pour l’Etat : c’est à dire avec leur argent qui dort à la banque, ou investi en immobilier prêt à être taxé par l’Etat.
    Alors libre à vous d’envoyer aussi, comme ce particulier, une généreuse contribution à l’Etat pour lui permettre de continuer ses excès de dépenses somptuaires…
    … Ou alors de vous préparer et protéger l’argent de votre famille avant qu’il ne soit trop tard !
    À très vite,

  2. Annuler la dette pour favoriser les investissements dans la transition énergétique et limiter le dérèglement climatique est une proposition qui ne répond à aucune logique économique. Quel que soit le système économique, un investissement industriel est toujours fait dans l’optique de rendement générant des recettes largement supérieures aux dépenses d’investissements. On peut investir de 2 manières : soit par l’autofinancement soit par l’emprunt or l’annulation d’une dette est toujours postérieure à l’emprunt, une dette ne peut pas financer un emprunt.

Laisser un commentaire