La reconnaissance par la Russie de l’indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk, situées dans l’Est de l’Ukraine, près de la frontière russe, ce lundi 21 février, suscite la réprobation générale en Occident. Notamment du côté de l’Union européenne, qui a annoncé des sanctions économiques à l’égard de la Russie au lendemain de cette décision prise par Vladimir Poutine. Pour QG, Pascal Boniface, directeur de L’IRIS, souligne combien cet épisode de tensions à l’Est trouve sa source dans la dissolution précipitée de l’Union soviétique, fin 1991. Il souligne néanmoins que la Russie n’a nullement intérêt à un conflit armé, qui fragiliserait Poutine en interne. Interview par Jonathan Baudoin
QG: Quel regard portez-vous sur la décision de Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des régions séparatistes pro-russes de l’Est de l’Ukraine, ce 21 février ?
Pascal Boniface: C’est une décision lourde de sens, dans la mesure où il met fin à la période de négociations qui était ouverte avec les pays occidentaux et qui pouvait encore durer. Il vient d’enterrer définitivement les accords de Minsk, même si ceux-ci n’étaient pas vraiment mis en œuvre car les Ukrainiens n’appliquaient pas la partie qui les concernait.
QG: Plusieurs observateurs affirment que le discours du président russe était d’une gravité rarement observée chez lui, voire qu’il était même « délirant », hors du réel, selon certains d’entre eux. Partagez-vous ce point de vue ou êtes-vous plus nuancé ?
« Délirant », le mot est excessif. Mais il est clair qu’il a nié l’existence d’une nation ukrainienne ou du moins qu’il l’a énormément relativisée, l’attribuant à la révolution bolchévique ou aux erreurs de Gorbatchev ; alors qu’on sait que la nation ukrainienne existe, que le nationalisme ukrainien a été combattu du temps de l’URSS. Il y a une nation ukrainienne qui existe, qui est très proche de la nation russe mais qui ne se confond pas complètement avec elle. Je dirais que plutôt que d’accuser, comme il l’a fait à la fin de son intervention, Gorbatchev de responsabilité sur les problèmes non résolus entre l’Ukraine et la Russie, il aurait mieux fait de viser Boris Eltsine, dont la précipitation lors de la dissolution de l’URSS pour devenir le président de la Russie, reconnu internationalement, a été pour beaucoup dans les problèmes non résolus. Le président ukrainien de l’époque, Leonid Kravtchouk, avait attiré l’attention d’Eltsine sur les conflits potentiels qui existaient entre l’Ukraine et la Russie, notamment sur la Crimée. Et Boris Eltsine, pressé d’être le président, non plus d’une nation fédérée, mais d’un État réel, reconnu internationalement, avait mis ceci de côté.
QG : Cette déclaration présidentielle russe ne marque-t-elle pas d’ailleurs l’aveu d’un échec de la politique menée par Emmanuel Macron, visant à une négociation sur la situation dans l’Est de l’Ukraine ?
La voie de la négociation n’a pas fonctionné. Mais ceux qui lui reprochent d’avoir voulu négocier avec la Russie sont plutôt des néoconservateurs qui ne veulent, en aucun cas, discuter avec la Russie. On peut dire que Poutine s’est joué de Macron. Mais quelle était l’autre voie ? Refuser de négocier, c’était une voie qui était beaucoup plus contestable que de vouloir, quand même, continuer d’avoir une relation de négociation avec le Russie.
QG : Peut-on dire, objectivement, que ce discours du Kremlin offre un casus belli pour les pays occidentaux ?
Disons que la Russie défie les pays occidentaux. Elle claque la porte des négociations. Mais rien ne peut dire que ce soit un casus belli. C’est juste une fin de non-recevoir. C’est une accentuation des tensions. Un accroissement des pressions. Mais ce n’est en rien le prétexte à un conflit armé.
QG : Que pensez-vous de la réaction de l’Allemagne qui suspend l’autorisation du gazoduc Nord Stream 2 qui la relie à la Russie, ce mardi 22 février ?
Il était difficile de faire autrement pour l’Allemagne. Cette suspension ne veut pas dire qu’on clôt définitivement ce gazoduc. Mais il était difficile, par rapport aux reproches que l’on fait généralement à l’Allemagne d’être trop dépendante du gaz russe, de ne rien faire symboliquement, le lendemain de cette décision. Si la voie de la négociation entre la Russie et les Européens reprend, il sera toujours possible de reprendre les travaux. De toute façon, l’Allemagne a besoin du gaz russe et la Russie a besoin de l’argent allemand.
QG : Quelles décisions seraient à prendre pour éviter un conflit entre la Russie et ses alliés et les membres de l’OTAN ?
Je pense que, de toute façon, la Russie n’a pas intérêt à un conflit, parce qu’elle aurait un coût humain extrêmement fort et que, quel que soit le caractère autoritaire du régime russe, il ne contrôle pas tout. Les protestations de la population russe par rapport à un nombre élevé de morts parmi la jeunesse russe en cas de conflit, seraient de nature à mettre en danger politiquement Poutine. La Russie n’a pas intérêt à ce conflit, non pas par respect du droit international ou de la souveraineté ukrainienne, mais par rapport à de fortes protestations internes possibles.
Ensuite, la politique américaine a beaucoup fait pour antagoniser Poutine et lui donner le sentiment que la Russie avait été humiliée après la fin de la Guerre froide. Mais cela n’excuse pas Poutine d’avoir fermé la porte des négociations et d’avoir pris une telle décision. Peut-être que la raison va l’emporter par la suite. Mais pour le moment, nous sommes dans une impasse parce que personne ne semble accepter les intérêts de sécurité de l’autre. On sait très bien que les négociations aboutissent à partir du moment où il y a un accord sur les désaccords, que la sécurité de l’un doit être prise en compte par l’autre. Ce qui n’est, pour le moment, nullement le cas. Ni d’un côté ni de l’autre.
Propos recueillis par Jonathan Baudoin
Pascal Boniface est géopolitologue, Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l’Institut Écoles européennes de l’Université Paris 8. Il est notamment l’auteur de Comprendre le monde : Les relations internationales expliquées à tous (éditions Armand Colin), de 50 idées reçues sur l’état du monde (éditions Armand Colin) et de L’art de la guerre, de Sun Tzu à Xi Jinping (éditions Dunod). Il a également un blog d’analyses (http://www.pascalboniface.com/) et une chaîne Youtube (Comprendre le monde)
Dernier commentaire du site Gilets Jaunes du Coin suite à l’agression d’Adrien
Retour sur notre manif de hier, 5 mars 2022.
Dès le départ, la tension chez les FDO était visible : ils sont de plus en plus nombreux à nous encadrer, mais hier, la recherche de la provocation était constante. Nous n’avons pas eu d’autre solution qu’arrêter le cortège quand la police collait ses boucliers contre nous. Si bien que nous n’avons pas eu la possibilité d’aller jusqu’à Nation, mais de nous disperser Place du Colonel Fabien à mi-parcours. Nos manifs ne sont plus tolérées.
Comme vous le savez, nous avons eu 6 bléssés, on parle de 7 : nous avons filmé dans les Gilets Jaunes du Coin l’évacuation d’urgence d’une dame blessée que des gendarmes sont venus dégager. Un autre matraqué à la tête perdant abondamment du sang, et bandé par les streets médics. Et un journaliste de QG, Adrien AdcaZz, qui a dû être hospitalisé.
Dans notre cortège ne flottaient nuls drapeaux ukrainiens ou russes. Palestiniens, canadien, breton, un drapeau rouge, un de la république espagnole, notre drapeau blanc flanqué de la colombe, et bien sûr, les drapeaux français joints à nos drapeaux jaunes, voilà à peu près ce que j’ai pu recenser. Une pancarte rappelait l’interdiction de RT par la commission européenne, la France n’ayant plus son mot à dire.
Le cortège est passé devant une pompe à essence affichant le diesel pas loin de 2 euros, et le super à 2,10 euros.
Pour ma part, depuis la guerre du Vietnam où le drapeau d’Ho Chi min était brandi contre l’impérialisme US, je n’ai jamais vu de manifestations pour la paix, que ce soit contre la guerre en Irak, ou celle dans l’ex Yougoslavie, qui arboraient les oriflammes d’un des belligérants, l’un des deux étant pourtant, à chaque fois, l’objet d’une agression jugée contraire au droit international.
Aujourd’hui, c’est le cas. Nous sommes conviés en réalité à choisir notre camp ! Et ce ne sera pas celui de la paix, indépendamment de la bonne volonté, ou pas, des manifestants !
Visiblement, les Gilets Jaunes ont depuis longtemps choisi le leur dans la guerre que nous mène Macron : celui du petit peuple.
Celui à qui Macron préserve encore plus de sacrifices, au nom des oligarques de l’armement, des financiers et de la politique.
Non cette guerre n’est pas la notre !