« Treize thèses et quelques commentaires sur la politique aujourd’hui » par Alain Badiou

02/09/2022

Jamais le monde n’a été si proche de basculer dans une guerre incontrôlable entre puissances nucléaires, sans que les révoltes politiques observées depuis dix ans, de la place Tahrir en passant par la Grèce, Nuit Debout ou les Gilets jaunes, aient débouchées sur une mise en échec quelconque du capitalisme et une amélioration du sort populaire. Une situation qui a inspiré à Alain Badiou, philosophe français vivant le plus lu dans le monde, ce texte que QG diffuse en cette fin d’été. « Ou bien la révolution empêchera la guerre, ou bien la guerre provoquera la révolution » disait Lénine. À nouveau le monde en est là

Thèse 1. La conjoncture mondiale est celle de l’hégémonie territoriale et idéologique du capitalisme libéral.

Commentaire. L’évidence, la banalité de cette thèse me dispensent de tout commentaire.

Thèse 2. Cette hégémonie n’est nullement en crise, encore moins en coma dépassé, mais dans une séquence particulièrement intense et novatrice de son déploiement.

Commentaire. Il y a, relativement à la mondialisation capitaliste, totalement hégémonique aujourd’hui, deux thèses aussi opposées que fausses. La première est la thèse conservatrice : le capitalisme, surtout combiné à la « démocratie » parlementaire, est la forme définitive de l’organisation économique et sociale de l’humanité. C’est en vérité la fin de l’Histoire, comme l’essayiste Fukuyama en a naguère popularisé le motif. La seconde est la thèse gauchiste, selon laquelle le capitalisme est entré dans sa crise finale, voire même selon laquelle il est déjà mort.

La première thèse n’est que la répétition du processus idéologique engagé dès la fin des années soixante-dix par les intellectuels renégats des « années rouges » (1965-1975), et qui a consisté à éliminer purement et simplement l’hypothèse communiste du champ des possibles. Elle a permis de simplifier la propagande dominante : il n’est plus besoin de vanter les mérites (douteux…) du capitalisme, mais seulement de soutenir que les faits (l’URSS, Lénine, Staline, Mao, la Chine, les Khmers rouges, les partis communistes occidentaux…) ont montré que rien d’autre n’était possible, sinon un « totalitarisme » criminel.

Face à ce verdict d’impossibilité, la seule réponse est de rétablir, en bilan et au-delà des expérimentations fragmentaires du dernier siècle, l’hypothèse communiste, dans sa possibilité, sa force et sa capacité libératrice. C’est ce qui se passe et se passera inévitablement, et, dans ce texte même, je m’y emploie.

Les deux formes de la deuxième thèse — capitalisme exsangue ou capitalisme mort — prennent appui sur la crise financière de 2008, sur les désordres monétaires inflationnistes entraînés par la pandémie du Covid 19, et sur les innombrables épisodes de corruption, quotidiennement révélés. Elles en concluent, soit que le moment est révolutionnaire, qu’il suffit d’une forte poussée pour que le « système » s’effondre (gauchisme classique), soit même qu’il suffit d’un pas de côté, de se retirer, par exemple à la campagne, et d’y  mener une vie sobre et respectueuse de la nature, pour s’apercevoir qu’on peut alors organiser de toutes nouvelles « formes de vie », la destructrice machine capitaliste tournant à vide dans son néant définitif (bouddhisme écologique).

Tout cela n’a pas le moindre rapport avec le réel.        

Premièrement, la crise de 2008 est une crise classique de surproduction (on a construit aux USA trop de maisons, vendues à crédit à des gens insolvables), dont la propagation autorise, en y mettant le temps qu’il faut, un nouvel élan du capitalisme, mis en ordre et boosté par une forte séquence de concentration du capital, les faibles étant lessivés, les forts augmentés, et au passage, gain très important, les « lois sociales » issues de la fin de la guerre mondiale largement liquidées. Une fois cette douloureuse mise en ordre réalisée la « reprise » est aujourd’hui en vue. Deuxièmement, l’extension de l’emprise capitaliste à de vastes territoires, la diversification intensive et extensive du marché mondial, est loin d’être achevée.  Presque toute l’Afrique, une bonne partie de l’Amérique latine, l’Europe de l’Est, l’Inde : autant de lieux « en transition », soit zones de pillages, soit pays « en décollage », où l’implantation à grande échelle du marché peut et doit suivre l’exemple du Japon ou de la Chine.

En vérité, c’est dans son essence que le capitalisme est corruption. Comment une logique collective dont les seules normes sont « le profit avant tout » et la concurrence universelle de tous contre tous pourrait-elle éviter une corruption généralisée ? Les « cas » reconnus de corruption ne sont que des opérations latérales, soit de purge locale propagandiste, soit issues d’un règlement de compte entre cliques rivales.

Le capitalisme moderne, celui du marché mondial, qui avec ses quelques siècles d’existence est historiquement une formation sociale récente, ne fait que commencer la conquête de la planète, après une séquence coloniale (du XVIe au XXe siècle) où les territoires conquis étaient asservis au marché limité et protectionniste d’un unique pays. Aujourd’hui, le pillage est mondialisé, comme l’est aussi le prolétariat, désormais en provenance de tous les pays du monde.

Alain Badiou est le philosophe français le plus lu et traduit dans le monde. Il est notamment l’auteur de « L’Être et l’événement », « De quoi Sarkozy est-il le nom? » ou encore « d’Eloge de la politique »

Thèse 3. Trois contradictions actives travaillent cependant cette hégémonie.

         I/ La dimension oligarchique extrêmement développée de la possession du Capital laisse de moins en moins de jeu à l’intégration à cette oligarchie de nouveaux propriétaires. D’où une possibilité de sclérose autoritaire.

         II/ A l’intégration des circuits financiers et commerciaux à un unique marché mondial s’oppose le maintien, au niveau de la police des masses, de figures nationales qui entrent inévitablement en rivalité. D’où une possibilité de guerre planétaire pour que surgisse un Etat clairement hégémonique, y compris sur le marché mondial.         

          III/ Il y a doute aujourd’hui que le Capital, dans sa ligne de développement actuel, puisse valoriser la force de travail de la totalité de la population mondiale. D’où le risque que se constitue à échelle globale une masse de gens totalement démunis et par là-même politiquement dangereux.

Commentaire.

I/ Nous en sommes — et la concentration se poursuit — à ce que 264 personnes possèdent l’équivalent de ce que possèdent trois milliards d’autres. Ici même, en France, 10% de la population possède nettement plus de 50% du patrimoine total. Ce sont là des concentrations de la propriété qui sont, à échelle mondiale, sans précédent stable. Et elles ne sont pas achevées, loin de là. Elles ont un côté monstrueux, qui ne leur garantit évidemment pas une durée éternelle, mais qui est inhérent au déploiement capitaliste, et en est même le principal moteur.

II/ L’hégémonie des Etats-Unis est de plus en plus battue en brèche. La Chine et l’Inde possèdent à elles seules 40% de la masse ouvrière mondiale. Ce qui indique une désindustrialisation ravageuse à l’Ouest. De fait, les ouvriers américains ne représentent plus que 7% de la masse ouvrière totale, et l’Europe moins encore. Il résulte de ces contrastes que l’ordre mondial, encore dominé pour des raisons militaires et financières par les USA, voit apparaître des rivaux qui veulent leur part dans la souveraineté sur le marché mondial. Les affrontements ont déjà commencé, au Moyen Orient, en Afrique et dans la mer de Chine. Ils continueront. La guerre est l’horizon de cette situation, comme l’a démontré le dernier siècle, avec deux guerres mondiales et d’incessantes tueries coloniales, et comme le confirme aujourd’hui même la guerre en Ukraine.

III/ Aujourd’hui déjà il existe probablement entre deux et trois milliards de gens qui ne sont ni propriétaires, ni paysans sans terre, ni salariés appartenant à une petite bourgeoisie, ni ouvriers. Ils errent dans le monde à la recherche d’un endroit où vivre, et ils constituent un prolétariat nomade qui, politisé, deviendrait une très considérable menace pour l’ordre établi.

Dancing girl, tag place Tahrir, le Caire, 2011

Thèse 4. Dans les dix dernières années, les mouvements de révolte contre tel ou tel aspect de l’hégémonie du capitalisme libéral ont été nombreux, et parfois vigoureux. Mais ils ont aussi été résorbés sans poser de problème majeur à au capitalisme dominant.

Commentaire. Ces mouvements ont été de quatre sortes.

1. Emeutes brèves et localisées. Il y a eu de fortes émeutes sauvages dans les banlieues des grandes villes, par exemple à Londres, ou à Paris, généralement suite à des meurtres de jeunes par la police. Ces émeutes, ou bien n’ont bénéficié d’aucun soutien large dans une opinion apeurée et ont été réprimées sans merci, ou bien ont été suivies de vastes mobilisations « humanitaires », concentrées sur la violence de la police, largement dépolitisées au sens où nulle mention n’est faite de la nature exacte de ces exactions et du profit qu’en tire finalement la domination bourgeoise.

2. Soulèvements durables, mais sans création organisationnelle.  D’autres mouvements, notamment dans le monde arabe, ont été socialement bien plus larges et ont duré de longues semaines. Ils ont pris la forme canonique d’occupations de places. Ils ont en général été réduits par la tentation électorale. Le cas le plus typique est celui de l’Egypte : mouvement de très grande ampleur, succès apparent du mot d’ordre unificateur négatif « Moubarak dégage » — Moubarak quitte le pouvoir, il est même arrêté –, longue impossibilité de la police de reprendre la place, unité explicite des chrétiens coptes et des musulmans, neutralité apparente de l’armée… Mais bien entendu, aux élections, c’est le parti présent dans les masses populaires – et peu présent dans le mouvement – qui l’emporte, à savoir les frères musulmans. La partie la plus active du mouvement s’oppose à ce nouveau gouvernement, ouvrant ainsi la voie à une intervention de l’armée, qui remet au pouvoir un général, Al Sissi. Lequel réprime sans merci toutes les oppositions, les frères musulmans d’abord, les jeunes révolutionnaires ensuite, et rétablit en fait l’ancien régime, plutôt sous une forme pire qu’avant. Le caractère circulaire de cet épisode est particulièrement frappant.

3. Mouvements donnant lieu à la création d’une force politique neuve. Dans certains cas, le mouvement a pu créer les conditions de l’apparition d’une force politique neuve, différente des habitués du parlementarisme. C’est le cas en Grèce, où les émeutes avaient été particulièrement nombreuses et rudes, avec Syriza, et en Espagne avec Podemos. Ces forces se sont elles-mêmes dissoutes dans le consensus parlementaire. En Grèce, le nouveau pouvoir, avec Tsipras, a cédé sans résistance notable aux injonctions de la Commission européenne et relance le pays dans la voie des austérités sans fin. En Espagne, Podemos s’est également enlisé dans le jeu des combinaisons, qu’elles soient majoritaires ou oppositionnelles. Aucune trace de politique vraie n’a pu émerger de ces créations organisationnelles.

4. Mouvements d’assez longue durée, mais sans effets positifs notables. Dans certains cas, hormis quelques épisodes tactiques classiques (comme le « dépassement » des manifestations classiques par des groupes équipés pour affronter la police pendant quelques minutes), l’absence d’innovation politique a entraîné qu’à échelle globale, c’est la figure de la réaction conservatrice qui a été rénovée. C’est le cas par exemple aux USA, où le contre-effet dominant de « Occupy Wall Street » est la venue au pouvoir de Trump, ou même de la France, où le solde de «Nuit debout » est Macron. Le susdit Macron a été par ailleurs, un peu plus tard, l’unique cible du mouvement, typiquement petit bourgeois, des Gilets Jaunes. Comme tous les mouvements de ce genre, dont les dirigeants sont tous franchement hostiles à la mise à mort de la propriété bourgeoise, et souhaitent en réalité un soutien renforcé de l’Etat à cette propriété, le résultat n’a concerné que le formalisme étatique, et son unique cible a été le président Macron. Le magnifique résultat, bien digne des  farces et attrapes que le système parlementaire réserve à ses clients, a finalement été… la réélection de ce Macron !

Nuit Debout, place de la République, Paris 2016

Thèse 5. La cause de cette impuissance est, dans ces mouvements de la dernière décennie, l’absence de politique, voire l’hostilité à la politique, sous diverses formes, et reconnaissable à nombre de symptômes. En dessous de ces affects négatifs, on trouve en fait une constante soumission, sous le nom fallacieux de « démocratie », au rituel électoral.

Commentaire. Relevons en particulier, comme signes d’une subjectivité politique extrêmement faible :

1. Des mots d’ordre unificateurs exclusivement négatifs : « contre » ceci ou cela, « Moubarak dégage », « à bas l’oligarchie des 1% », « refusons la loi travail », « personne n’aime la police » etc.

2. L’absence de temporalité ample : aussi bien en ce qui concerne la connaissance du passé, pratiquement absente des mouvements, hormis quelques caricatures, et dont aucun bilan inventif n’est proposé, sinon la projection vers l’avenir, limitée à des considérations abstraites sur la  libération ou l’émancipation.

3. Un lexique fortement emprunté à l’adversaire. C’est principalement le cas d’une catégorie particulièrement équivoque, comme « démocratie », ou encore le recours à la catégorie de « vie », « nos vies », qui n’est qu’un inefficace investissement dans l’action collective de catégories existentielles.  

4. Un culte aveugle de la « nouveauté » et un mépris des vérités établies. Ce point est issu en droite ligne du culte marchand de la « nouveauté » des produits, et d’une constante conviction qu’on « commence » quelque chose, qui, dans le réel, a déjà eu lieu maintes fois. Il empêche simultanément de tirer les leçons du passé, de comprendre le mécanisme des répétitions structurales, et conduit à tomber dans le panneau des « modernités » factices.

5. Une échelle temporelle absurde.  Cette échelle, calquée sur le circuit marxiste « argent, marchandise, monnaie », suppose qu’on va traiter, voir résoudre, en quelques semaines de « mouvement », des problèmes, comme celui de la propriété privée, ou de la concentration pathologique des richesses, qui sont en suspens depuis des millénaires. Le refus de considérer qu’une bonne partie de la modernité capitaliste n’est tissé que d’une version moderne du triplet « Famille, Propriété privée, Etat », mis en place il y a quelques milliers d’années, dès la « révolution » néolithique. Et que donc la logique communiste, quant aux problèmes centraux qui la constituent, se situe à l’échelle des siècles.

6. Un rapport faible à l’Etat. Ce qui est ici en cause est une constante sous-estimation des ressources de l’Etat, comparées à celles dont dispose tel ou tel « mouvement », tant en force armée qu’en capacité de corruption. On sous-estime en particulier l’efficacité de la corruption « démocratique », dont le symbole est le parlementarisme électoral, ainsi que l’étendue de la domination idéologique de cette corruption en direction de l’écrasante majorité de la population.

7. Une combinaison de moyens disparates sans aucun bilan de leur passé lointain ou proche. Il n’est tiré aucune conclusion qui puisse être largement popularisée des méthodes mises en œuvre depuis, en tout cas,  au moins les « années rouges » (1965-1975), voire depuis deux siècles, comme  les occupations d’usines, les grèves syndicales, les manifestations légales, la constitution de groupes dont le but est de rendre possible l’affrontement local avec la police, la prise d’assaut de bâtiments, la séquestration de patrons dans les usines… Ni de leurs symétriques statiques : par exemple, sur des places envahies par des foules, longues et répétitives assemblées hyper-démocratiques, où chacun est sommé, quelles que soient ses idées et ses ressources langagières, de parler trois minutes, et dont l’enjeu n’est finalement que de prévoir la répétition de cet exercice.

Thèse 6 : Il faut se souvenir des expériences les plus importantes du passé proche, et méditer leurs échecs.

Commentaire. Des années rouges à aujourd’hui.

Le commentaire de la thèse 5 semble sans doute bien polémique, voire pessimiste et déprimant, surtout pour les jeunes que peuvent légitimement enthousiasmer, pendant un temps, toutes les formes d’action, dont je demande le réexamen critique. On comprendra ces critiques si on se souvient que, personnellement, en Mai 68 et ses suites, j’ai connu et participé avec enthousiasme à des choses tout à fait du même ordre, et que j’ai pu les suivre suffisamment longtemps pour en mesurer les faiblesses. J’ai alors le sentiment que les mouvements récents s’épuisent à répéter, sous le sceau du nouveau, des épisodes bien connus de ce qu’on peut appeler la « droite » du mouvement de Mai 68, que cette droite soit issue de la gauche classique ou de cette ultragauche anarchiste qui, à sa manière, parlait déjà de « formes de vie », et dont nous appelions les militants des « anarcho-désirants ».

Manifestation dans une rue de Toulouse pendant les événements de Mai 68

Il y a eu en fait quatre mouvements distincts en 68.

1. Une révolte de la jeunesse étudiante.

2. Une révolte de jeunes ouvriers des grandes usines.

3. Une grève générale syndicale tentant de contrôler les deux révoltes précédentes.

4. L’apparition, souvent sous le nom de « maoïsme » — avec de nombreuses organisations rivales — d’une tentative de politique nouvelle, dont le principe était de tirer une diagonale unificatrice entre les deux premières révoltes en les dotant d’une force idéologique et combattive qui semblait pouvoir leur garantir un réel avenir politique. De fait, cela a duré une dizaine d’années au moins. Le fait que cela ne se soit pas stabilisé à échelle historique (ce que je reconnais volontiers) ne doit pas avoir pour conséquence qu’on répète ce qui a eu lieu là, sans même savoir qu’on le répète.

Rappelons tout simplement qu’aux élections de Juin 1968, s’est mise en place une majorité si réactionnaire qu’on a pu dire qu’on retrouvait la majorité « bleu horizon » de la fin de la guerre de 14-18. Le résultat final des élections de mai/ juin 2017, avec son écrasante victoire de Macron, un serviteur repéré de grand capital mondialisé, doit nous faire réfléchir à ce qu’il y a dans tout cela de répétitif. Et d’autant plus que l’identique Macron a été réélu en 2022…

Thèse 7. Une politique interne à un mouvement doit y disposer cinq caractéristiques, portant sur les mots d’ordre, la stratégie, le vocabulaire, l’existence d’un principe, et une vision tactique clarifiée.

Commentaire.

1. Les mots d’ordre principaux doivent être affirmatifs, proposer une détermination positive, et non rester dans la plainte et la dénonciation. Cela, même au prix d’une division interne dès qu’on dépasse l’unité négative.

2. Les mots d’ordre doivent être justifiés stratégiquement. Ce qui veut dire : nourris d’une connaissance des étapes antérieures du problème mis à l’ordre du jour par le mouvement.

3. Le lexique utilisé doit être contrôlé et cohérent. Par exemple : « communisme » est aujourd’hui incompatible avec « démocratie » ; « égalité » est incompatible avec « liberté » ; tout usage positif d’un vocable d’ordre identitaire, comme « français », ou « communauté internationale », ou « islamiste » ou « Europe », doit être proscrit, ainsi que les vocables de caractère psychologique, comme « désir », « vie », « personne », ainsi que tout vocable lié aux dispositions étatiques établies, comme « citoyen », « électeur », et ainsi de suite.

4. Un principe, ce que j’appelle une « Idée », doit être constamment confronté à la situation, en tant qu’il porte localement une possibilité systémique non capitaliste.

Il faut ici citer Marx, définissant le militant singulier dans son mode de présence dans les mouvements : « Les communistes appuient en tout pays tout mouvement révolutionnaire contre l’ordre social et politique existant. Dans tous ces mouvements, ils mettent en avant la question de la propriété, à quelque degré d’évolution qu’elle ait pu arriver, comme la question fondamentale du mouvement. »

5. Tactiquement, il faut toujours rapprocher autant que faire se peut le mouvement d’un corps capable de se réunir pour discuter effectivement de sa propre perspective et de ce à partir de quoi il éclaire et juge la situation.

Le militant politique, comme dit Marx, fait partie du mouvement général, il ne s’en sépare pas. Mais, il se distingue, uniquement, par sa capacité à inscrire le mouvement dans un point de vue d’ensemble, à prévoir à partir de là ce que doit être l’étape suivante, à ne pas faire de concession sur ces deux points, et sous couvert d’unité, aux conceptions conservatrices qui peuvent parfaitement dominer, subjectivement, même un mouvement important. L’expérience des révolutions montre que les moments politiques cruciaux sont dans la forme la plus proche de la réunion, à savoir celle du meeting, où la décision à prendre est éclairée par des orateurs, qui peuvent aussi s’affronter.

Thèse 8. La politique est chargée d’une durée propre de l’esprit des mouvements, qui soit à la hauteur de la temporalité des Etats, et non pas un simple épisode négatif de leur domination. Sa définition générale est qu’elle organise dans les différentes composantes du peuple, et à l’échelle la plus grande possible, une discussion autour des mots d’ordre qui doivent être aussi bien ceux de la propagande permanente que ceux des mouvements à venir. La politique porte le cadre général de ces discussions : il s’agit de l’affirmation selon laquelle il existe aujourd’hui deux voies pour l’organisation générale de l’humanité, la voie capitaliste et la voie communiste. La première n’est que la forme contemporaine de ce qui existe depuis la révolution néolithique, il y a quelques milliers d’années. La seconde propose une deuxième révolution globale, systémique, dans le devenir de l’humanité. Elle propose de sortir de l’âge néolithique.

Commentaire. En ce sens, la politique consiste à situer localement, par de vastes discussions, le mot d’ordre qui cristallise dans la situation l’existence de ces deux voies. Ce mot d’ordre ne peut, en tant que local, provenir que de l’expérience des masses concernées. C’est là que la politique apprend ce qui peut faire exister localement la lutte effective pour la voie communiste, quels qu’en soient les moyen,. De ce point de vue, le ressort de la politique n’est pas immédiatement l’affrontement antagonique, mais l’enquête continue, en situation, sur les idées, mots d’ordre et initiatives aptes à faire vivre localement l’existence de deux voies, dont l’une est la conservation de ce qu’il y a, l’autre sa transformation complète selon des principes égalitaires que le nouveau mot d’ordre va cristalliser. Le nom de cette activité est : « travail de masse ». L’essence de la politique, hors mouvement, c’est le travail de masse.

Thèse 9. La politique se fait avec des gens de partout. Elle ne peut accepter de se plier aux diverses formes de ségrégation sociale organisées par le capitalisme.

Commentaire. Cela signifie, notamment pour la jeunesse intellectuelle, qui a toujours joué un rôle crucial dans la naissance des nouvelles politiques, la nécessité d’un trajet continu en direction des autres couches sociales, singulièrement les plus démunies, là où l’impact du capitalisme est le plus dévastateur.  Dans les conditions du présent, la priorité doit être accordée, dans nos pays comme à échelle du monde, au vaste prolétariat nomade, qui comme autrefois les paysans auvergnats ou bretons, arrive par vagues entières, au prix des pires risques, pour tenter de survivre comme ouvriers ici, puisqu’il ne peut plus le faire comme paysans sans terre là-bas. La méthode, dans ce cas comme dans tous les autres, est la patiente enquête sur place : marchés, cités, foyers, usine, l’organisation de réunions, même très restreintes au début, la fixation des mots d’ordre, leur diffusion, l’élargissement de la base du travail, l’affrontement avec les diverses forces conservatrices locales, etc. C’est un travail passionnant, dès qu’on sait que l’obstination active en est la clef. Une étape importante est d’organiser des écoles pour diffuser la connaissance de l’histoire mondiale de la lutte entre les deux voies, de ses succès et de ses impasses actuelles.

Ce qui a été fait par les organisations surgies dans ce but après Mai 68 peut et doit être refait. Nous devons reconstituer la diagonale politique dont j’ai parlé, qui demeure aujourd’hui une diagonale entre le mouvement de la jeunesse, quelques intellectuels, et le prolétariat nomade. Déjà on s’y emploie, ici ou là. C’est l’unique tâche proprement politique de l’heure.

Ce qui a changé, en France, est la désindustrialisation des banlieues des grandes villes. Là est du reste la ressource ouvrière de l’extrême droite. Il faut la combattre sur place, en expliquant pourquoi et comment on a sacrifié deux générations ouvrières en quelques années, et en enquêtant simultanément, autant que faire se peut, sur le processus contraire, à savoir l’industrialisation d’une violence extrême en Asie. Le travail auprès des ouvriers d’autrefois et d’aujourd’hui est immédiatement international, même ici. Il serait à cet égard extrêmement intéressant de réaliser et diffuser un journal des ouvriers du monde.

Ouvriers du bâtiment, secteur où les tâches les plus rudes sont notoirement réservées à un « prolétariat nomade » souvent sans-papiers

Thèse 10. Il n’existe plus aujourd’hui de véritable organisation politique. La tâche est donc de veiller aux moyens de la reconstituer.

Commentaire. Une organisation est chargée de monter les enquêtes, de synthétiser le travail de masse et les mots d’ordre locaux qui en sont issus, de façon à les inscrire dans un point de vue d’ensemble, d’enrichir les mouvements et de veiller à une tenue à longue portée de leurs conséquences. Une organisation se juge non sur sa forme et ses procédures, comme on juge un Etat, mais sur sa capacité contrôlable à faire ce dont elle est chargée. On peut reprendre ici une formule de Mao: une organisation, c’est ce dont on peut dire qu’elle « redonne aux masses sous une forme précise, ce qu’elle a reçu d’elles sous une forme encore confuse ».

Thèse 11. La forme Parti classique est aujourd’hui condamnée parce qu’elle s’est définie elle-même, non pas par sa capacité à faire ce que dit la thèse 9, à savoir le travail de masse, mais par sa prétention à « représenter » la classe ouvrière, ou le prolétariat.

Commentaire. Il faut rompre avec la logique de la représentation sous toutes ses formes. L’organisation politique doit avoir une définition instrumentale, et non pas représentative. Du reste, qui dit « représentation » dit « identité de ce qui est représenté ». Or il faut exclure les identités du champ politique.

 Thèse 12. Le rapport à l’Etat n’est pas, on vient de le voir, ce qui définit la politique. En ce sens, la politique a lieu « à distance » de l’Etat. Cependant, stratégiquement, il faut briser l’Etat, parce qu’il est le gardien universel de la voie capitaliste, notamment parce qu’il est la police du droit à la propriété privée des moyens de production et d’échange. Comme disaient les révolutionnaires chinois pendant la Révolution culturelle, il faut « rompre avec le droit bourgeois ». Par conséquent, l’action politique au regard de l’Etat est un mixte de distance et de négativité. Le but est en réalité que l’Etat soit progressivement encerclé par une opinion hostile et des lieux politiques qui lui sont devenus étrangers.

Commentaire. Le bilan historique de cette affaire est très complexe. Par exemple, la Révolution russe de 1917 a certainement combiné plusieurs choses, une large hostilité au régime tsariste, y compris dans les campagnes à cause de la guerre, une préparation idéologique intense et ancienne, notamment dans les couches intellectuelles, des révoltes ouvrières aboutissant à de véritables organisations de masse, nommées soviets, des soulèvements de soldats, avec l’existence, grâce aux bolcheviks, d’une organisation solide, diversifiée, capable de tenir des meetings avec des orateurs de premier plan par leur conviction et leur talent didactique. Tout cela s’est noué dans des insurrections victorieuses et dans une terrible guerre civile remportée finalement par le camp révolutionnaire, en dépit d’une massive intervention étrangère. La révolution chinoise a suivi un cours tout à fait différent : une longue marche dans les campagnes, la formation d’assemblées populaires, une véritable armée rouge, l’occupation durable d’une zone éloignée dans le nord du pays, où ont pu s’expérimenter la réforme agraire et productive, en même temps que se consolidait l’armée, tout ce processus durant une trentaine d’années. En outre, à la place de la Terreur stalinienne des années trente, il s’est produit en Chine une levée en masse, étudiante et ouvrière, contre l’aristocratie du Parti communiste. Ce mouvement sans précédent, appelé la Révolution Culturelle Prolétarienne, est pour nous le dernier exemple d’une politique d’affrontement direct avec les figures du pouvoir d’Etat. Rien de tout cela ne peut être transposé dans notre situation. Mais une leçon traverse toute cette aventure : l’Etat, quelle que soit sa forme, ne peut en aucun cas représenter ou définir la politique d’émancipation. 

La dialectique complète de toute politique vraie comporte quatre termes :

1. L’Idée stratégique de la lutte entre les deux voies, la communiste et la capitaliste. C’est ce que Mao appelait la « préparation idéologique de l’opinion », sans laquelle, disait-il, la politique révolutionnaire est impossible.

2. L’investissement local de cette idée ou principe par l’organisation, sous la forme du travail de masse. La circulation décentralisée de tout ce qui ressort de ce travail en termes de mots d’ordre et d’expériences pratiques victorieuses.

3. Les mouvements populaires, sous la forme d’événements historiques, à l’intérieur desquels l’organisation politique travaille aussi bien pour leur unité négative que pour l’affinement de leur détermination affirmative.

4. L’Etat, dont le pouvoir doit être brisé, par affrontement ou encerclement, s’il est celui des fondés de pouvoir du capitalisme. Et s’il est issu de la voie communiste il doit dépérir, s’il le faut par les moyens révolutionnaires qu’a esquissés, dans un désordre fatal, la Révolution Culturelle chinoise.

Inventer en situation la disposition contemporaine de ces quatre termes est le problème, simultanément pratique et théorique, de notre conjoncture.

Thèse 13. La situation du capitalisme contemporain comporte une sorte de décrochage entre la mondialisation du marché et le caractère encore largement national du contrôle policier et militaire des populations. Autrement dit : il y a une faille entre la disposition économique des choses, qui est mondiale, et sa nécessaire protection étatique, qui reste nationale. Le deuxième aspect ressuscite sous d’autres formes les rivalités impérialistes,. En dépit de ce changement de forme, le risque de guerre s’accroît. Déjà, du reste, la guerre est présente dans de larges parties du monde. La politique à venir aura aussi pour tâche, si elle le peut, d’interdire que soit déclenchée une guerre totale, qui pourrait cette fois mettre en jeu l’existence de l’humanité. On peut dire aussi que le choix historique est : ou bien l’humanité rompt avec le néolithique contemporain qu’est le capitalisme et ouvre à échelle globale sa phase communiste ; ou bien elle reste dans sa phase néolithique, et elle sera très fortement exposée à périr dans une guerre atomique.

Sépulture d’un jeune homme datant du néolithique (environ 4500 avant JC), découverte dans l’Aisne, Musée Saint-Remi à Reims

Commentaire. Aujourd’hui, les grandes puissances, d’un côté, cherchent à collaborer à la stabilité des affaires au niveau mondial, notamment en luttant contre le protectionnisme, mais d’autre part elles luttent sourdement pour leur hégémonie. Il en résulte la fin des pratiques directement coloniales, comme celles de la France ou de l’Angleterre au XIXe siècle, soit l’occupation militaire et administrative de pays entiers. La nouvelle pratique, je propose de la nommer le zonage : dans des zones entières (Irak, Syrie, Libye, Afghanistan, Nigeria, Mali, Centre-Afrique, Congo…) les Etats sont mis à mal, anéantis, et la zone devient une zone de pillage, ouverte à des bandes armées comme à tous les prédateurs capitalistes de la planète. Ou alors, l’Etat est composé d’affairistes liés par mille liens aux grandes compagnies du marché mondial. Les rivalités s’entremêlent dans de vastes territoires, avec des rapports de force constamment mouvants. Il suffirait dans ces conditions d’un incident militaire incontrôlé pour qu’on soit subitement au bord de la guerre. Les blocs sont déjà dessinés : les Etats-Unis et leur clique « occidentalo-japonaise » d’un côté, la Chine et la Russie de l’autre, des armes nucléaires partout. Nous ne pouvons alors que rappeler la sentence de Lénine : « Ou bien la révolution empêchera la guerre, ou bien la guerre provoquera la révolution. »

On pourrait ainsi définir l’ambition maximale du travail politique à venir : que pour la première fois dans l’Histoire, ce soit la première hypothèse – la révolution empêchera la guerre – qui se réalise, et non la seconde – la guerre provoquera la révolution. C’est en effet cette seconde hypothèse qui a été matérialisée en Russie dans le contexte de la Première Guerre mondiale, et en Chine dans le contexte de la Seconde. Mais à quel prix ! Et avec quelles conséquences au long cours !

Espérons, agissons. N’importe qui, n’importe où, peut commencer à faire de la politique vraie, au sens que lui donne le présent texte. Et parler, à son tour, autour de lui, de ce qu’il a fait. C’est ainsi que tout commence.

Alain Badiou

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23 Commentaire(s)

  1. Après avoir soufflé sur la braise toute la nuit avec les articles de Luc Auffret et Thibault Biscahie sur la flambées de prix et la situation en Angleterre, j’ai porté mes moignons de pensée à incandescence en jetant sur mes braises, le feu porté par Alain Badiou, penseur du Multiple pur.

    Son « immanence radicale » ainsi que je l’ai lu dans l’encyclopédie Universalis, semble bien éloignée de ma pensée de l’Unité accessible par voie de transcendance, telle que je l’ai développée dans mes précédents commentaires, quoique en fine AL… . Le vertige que peut provoquer une plongée en pensée dans la danse de ces concepts purs peut effrayer et faire craindre que nous ne faisons que planer à 10.000 pieds, mais j’ai bien saisi je crois, le pont à emprunter pour rejoindre le terrain des réalités sociales et ce qui dans les profondeurs de la pensée d’Alain Badiou, nourrit l’espérance d’un retour inattendu de l’hypothèse communiste sous une forme encore impossible à imaginer. Un inadvenu en quelque sorte, qui surgirait dans le monde face au capitalisme triomphant qui menace d’uniformisation la vie de la planète et d’atrophie la vie de chacun porté à croire qu’avec une connexion internet, il peut se suffire à lui même.

    L’attention toute particulière d’Alain Badiou porté aux moyens de production qui fait vivre la Maison commune, attention que je partage et nourrit de ses lignes, signe bien le fond de sa pensée du multiple, qui suppose que l’homme est un être social qui ne peut vivre et s’épanouir que dans la différence et le foisonnement en partage avec le multiple. Et son refrain sur les soins qu’il faudrait apporter à cette jeunesse pour la porter à marcher avec cet Idéal communiste à retrouver et faire revivre, montre bien son soucis et sa conscience du temps long dans lequel ce retour ne peut que s’inscrire.

    La peinture qu’il dresse des conditions qui ont conduit à la Révolution russe de 1917 sous-tend que la France n’est pas en mesure de prendre cette voie aujourd’hui, faute de groupements organisés capables d’autonomie d’action et d’une élite intellectuellement formée et armée. L’idée d’une marche à travers les campagnes entamée par Mao évoquée et soutenue en contrepoint, suggère bien l’idée de revenir en terre première, en terre populaire, et de tisser sur la lenteur un maillage porteur capable de produire et porter l’événement qui fera basculer l’ensemble à terme.

    Les GJ ont hué et rué dans les villes investissant rues, parvis et place. Belle démonstration de force. Et leurs vagues se sont brisés contre les murs de CRS et la glace des médias. Si je me remets à tournoyer autours de ce vide (ou est-ce un rien ?) astral innommable et insondable d’où sort toute énergie de vie, perçu en dansant autours de ce concept du multiple pur d’Alain, j’entrevois qu’une nouvelle forme de débordement pourrait surgir de ce peuple, avec le plus inattendu des caractères, pour changer la donne. Car on ne peut pas nier aux Gilets Jaune, qu’ils tiennent de l’étincelle pure et que leur feu à fait s’enflammer des cœurs jusqu’à la fièvre. Les braises tapies aujourd’hui peuvent paraître mornes mais leur charbon a encore de la matière.

    1. J’ai écrit que Alain Badiou inscrivait les changements à venir sur le temps long. Mais cela n’est pas incompatible avec le surgissement d’un événement soudain qui provoque la mise en route des changements. Alain Badiou précise une fois dressé l’enjeu des forces en présence sur la possibilité d’une « guerre [nucléaire] totale, qui pourrait cette fois mettre en jeu l’existence de l’humanité », que cette dernière pourrait être évitée par une Révolution.

      La possibilité de basculement du conflit ukrainien et les tensions grandissantes au sein de multiples pays, Grande-Bretagne en tête, laissent entrevoir une accélération de l’Histoire qui pourrait bien susciter ces événements plus tôt que l’on ne le pense.

      « L’Etat, dont le pouvoir doit être brisé, par affrontement ou encerclement, » est-il écrit dans cet article, n’est pas seulement présent dans les Hautes instances du Pouvoir sur lesquelles se concentrent les efforts de la majorité des révolutions. Il est aussi présent dans les édifices et services de la fonction publique et les installations collectives, dont les pans dédiés aux corps sociaux les plus défavorisés, sont de plus en plus délaissés ou condamnés à l’agonie.

      La figure du pouvoir lui-même devenu suspecte, ayant perdu toute dignité et toute crédibilité, que peut-il sortir d’une tentative de se saisir du sceptre d’une puissance désavouée dont l’imposture est déjà révélée de surcroît ? A ce titre, le monde politique et journalistique n’est pas le seul à subir de plein fouet le retour de bâton de défiance et de rejet des classes populaires. Nombreux sont les artistes mutiques, médecins aux ordres, experts en ignorance,…qui ont rejoint la cohorte des sans-honneurs et dont l’effigie a été jeté au panier.

      Partant de là, actant aussi  » ce décrochage entre la mondialisation du marché [Centre de décision et pilotage des États] et le caractère encore largement national du contrôle policier et militaire des populations. » que l’auteur de ces lignes présente comme « une faille » dans le système, je me demande si une révolution n’aurait pas plus de chances de réussir en investissant simultanément des services périphériques d’intérêt public délaissés par les pouvoirs, mais de première importance pour la population locale. L’intelligence, la détermination, l’ingéniosité, la solidarité qu’il faut déployer pour investir, défendre et faire vivre un lieu ou un service sur la durée dans un climat d’hostilité voire d’adversité, est sans comparaison aucune avec l’énergie de fougue et de bravade qu’il faut pour descendre dans la rue affronter la junte policière, car on est là, déjà dans une guerre. Si une révolution veut espérer empêcher une guerre, elle doit l’éviter elle même.

      1. Pardonnez cette invasion de commentaires de ma part sur cette page, mais l’occasion qui nous est offerte de dialoguer avec la pensée d’un philosophe vivant parmi les plus lus au monde, ne se présente pas tous les jours. Quand ce philosophe est de ceux qui aborde les plus insondables espaces de la Pensée et livre sa vision du monde sur un site où je peux réagir en « live » , je bois ses ors et bondis hors.

        J’ai parlé plus haut de vide (ou de rien) à propos de ce que Alain m’avait fait entrevoir en vertigeant autours de son Multiple pur. J’aurai du écrire « vide de toute représentation ou forme connue », ou « rien de ce qui peut se décrire ». Car nous pénétrons là un espace au delà du langage qui ne peut que se sentir.

        Comme le vent peut faire bruisser des feuilles ou abattre un arbre, sans qu’il nous soit possible de le saisir, nos jeux de représentation conceptuelle ne nous permette que d’approcher par tâtonnements le mystère de ce qui meut et multiplie la vie à l’infini, sans jamais pouvoir s’en saisir. Le paradoxe du langage est qu’il est ce qui nous permet d’y accéder en pensée, alors qu’il est lui même l’outil qui forge et arpente l’espace qu’il crée. La tentation pour soi de fermer cet espace, de le concevoir comme une totalité, un tout fermé sur lui même, une unité indivisible, totalisante pour ainsi dire, et par la même unique, est celle là même qui prédispose tout entité à vouloir s’imposer au dehors d’elle-même, incapable qu’elle est de concevoir que ce dehors lui est pour ainsi dire hors de conception et donc hors de domination in fine. Tentation qui si elle est poussée jusqu’au bout ne peut aboutir qu’à l’agonie de ce qui se pense comme un tout fini, voire à l’anéantissement si la folie totalisant persiste d’une part, et au surgissement d’une réalité autre, détotalisante pour ainsi dire, d’autre part, au sein de la Mer des multiples. Miracle de la vie dirions nous, dans lequel je vois à l’œuvre une dialectique entre immanence et transcendance qui ne peut déboucher que sur un univers toujours en devenir sans pouvoir présupposer ce qu’il va advenir.

        Bref, rapporté à l’Histoire, loin d’être achevée, je ne suis plus surpris de voir surgir en force l’impensé à chaque grande rupture et l’impensable survivre in fine. Et notre époque de basculement, propice au surgissement, montre maints signe d’un retournement inattendu qui pourrait changer la donne à l’échelle mondiale, sur la base d’une simple inflexion qui retournerait le maillage en mouvement.

        L’hyper concentration des pouvoirs et du capital à l’échelle mondiale, si elle n’est pas renversée, peut aboutir à l’extinction de l’humanité. Le retour des peuples en possession de leur héritage et souveraineté est un impensable pour ceux qui nous dirigent et nous gouvernent, comme l’est le rétablissement de la femme comme un égal pour l’homme mâle. Nul ne peut nier que l’enjeu principal des luttes se fait autours de la possession et que les luttes féminines sont parmi celles qui ont le plus bousculé les arcanes de notre société ces dernières décennies, en mettant à mal le mâle omnipotent que ce soit dans le couple, le travail, la religion, la pensée…

        La profonde remise en question des pouvoirs et de leur gouvernement, très perceptible chez les GJ bête noire du pouvoir actuel, trouve son écho et peut être même son origine dans la radicale remise en question par la femme de la domination masculine, subordination millénaire inscrite à quelques exceptions près, dans toutes les cultures du monde.

        Un tel renversement tient plus que d’un changement de régime, serait-il de passer d’un régime patriarcal à un régime matriarchal. Je doute que la femme, si elle en avait les moyens, reproduise de la même manière en inversé,, le même schéma de subordination que l’homme à produit par sa force bestiale. Il faut donc d’attendre puisque le vent souffle en ce sens, que modalités de gouvernance et de représentation collective, relations sociales et humaines,… soient profond ment transformés et infléchis non par un sens imposé (propre du directif masculin) mais une force d’étalement mu par une autre force.

        Derrida, hanté soit dit en passant par le spectre de Marx, parlait de féminisation de la pensée comme chemin de sortie de la philosophie en quoi il voyait l’expression d’un phallogocentrisme. Retour au langage et ses limites. Retour à l’écriture et à ses mythes. Le retour de la femme signerait-elle aussi le retour du muthos ?

        Faire danser les mots poetisés pour aborder la philosophie et ses questions sans réponse, voilà la réponse que je forme et formule ici et là à tout cela. Car en définitive j’ai compris qu’il était moins question de dire ce qui est, que de le faire vivre par les mots car l’Innomable ne pourrait être approché comme tel s’il n’était l’impuissance des mots pour le faire vivre et le révéler à chaque pouls comme à chaque son.

        Et pour clore ma participation à cette page en ce 11 septembre national, en mémoire du cortège W n agram à Paris qui finit nacé et gazé en 2021 sous les fenêtres du Conseil d’état, voici un brin de poetic press, reprise sur mon site :

        https://ericdesneux.fr/?p=7670

  2. ,me revoilà Ainuage sur le propos de votre petite provocation ,, ,
    je vous remercie de l,’avoir reçu avec intéret ,

    ,il n’est pas simple d’étre’ ,

    ETRE dans son soi ,,
    dans sa pensée profonde
    et livrer CELA avec un joyeux propos d’etre Juste au milieu des autres !!

    c’est aussi ce qui fait et ce qui se FERA

    UTOPIE ???????,
    c’est ce sera et cela a été ,,, seulement si les hommes s’en sentent désireux !!
    …………………
    au delà de ma personnelle réflexion dans laquelle ceci m’a entrainée ,j’entends ce que vous exprimez sur le ‘mode relationnel vécu au sein des entreprises …….
    un terroir que j’ai du arpenté ,à l’époque les pieds nus ,,

    j’ai donc entendu, vu et su tout cela ou bien sur ‘ETRE ensemble à hauteur d’un meme projet était le point commun.

    mais j’ai aussi bien entendu, vu et su que d’Etre reconnu dans un même vouloir de partage
    n’était pas nécessairement à l’ordre du jour ,,,,

    ………………. c’est généreux de réfléchir ensemble ici aprés le copieux et sérieux texte d’alain BADIOU

    j’apprécie QG qui nous en offrir la matiére , puisant à notre façon CE qui de son regard interpelle sa conscience ,,

    à chacun ,
    ,s’il le peut et si le souhaite d’en partager son ressenti ,,…….
    ……. écoutons nous,,

    les mots sont au galop,,,

    quelle vibration entendons LA ,,!!!
    cordialement ,dameB

    1. « les mots sont au galop » : c’est beau ça ! Et c’est juste aussi ; « juste » au sens de « justesse » (pour la « justice », n’en parlons pas, c’est un autre problème).
      Donc « les mots au galop » !
      Ca évoque évidemment un troupeau de chevaux qui galopent « ensemble ». Il y a forcément un courant dominant quelle que soit la volonté de chaque cheval. En société (c’est la marque de chaque société) il y aura toujours un sens, un courant préférentiel. Les chevaux réfractaires seront forcément à rude épreuve : s’ils persistent, s’ils insistent dans leur turbulence et leurs pas de côté, le risque de chute et de piétinement est grand ; leur stratégie sera donc de se mettre à la marge du courant, sur les bords, là où les degrés de liberté augmentent, et donc là où l’espoir de gagner la tête du troupeau et d’en infléchir le sens, est plus grand. Encore faut-il que les réfractaires soient nombreux et s’entendent !

  3. A ce qui me semble Alain Badiou dans ce texte nous dit que si il n’y a pas de structure organisée pour empêcher la guerre alors il y aura la guerre. Se plaçant au dessus des conflits inter-impérialistes il nous propose de construire un avenir émancipateur, égalitaire, communiste comme moyen et réponse à la menace.
    Plus concrètement en France aujourd’hui il est navrant de constater qu’il n’y a aucune mobilisation contre l’OTAN, cet OTAN principal fauteur de guerre et instigateur de déstabilisation en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud.
    QG pourrait-il être un quartier général de cette mobilisation?

  4. Ce cher Eric, toujours ennemi juré de l’organisation !
    Jésus et les Apôtres formaient une organisation. Judas en était le trésorier. Jésus était leur chef, chef qui leur avait prescrit (au nom du Père, entité plutôt évanescente) une mission d’évangélisation ; d’où les dizaines d’Eglises « apostoliques » créées en Orient et Occident. Eglises et Clergés qui forment bien une ou des organisations (héritières légitimes ou pas, c’est selon les opinions).

    Si certaines femmes n’aiment pas les Organisations, c’est parce qu’elles ne reconnaissent qu’un seul chef et un seul : leur époux, époux qu’elles manipulent à leur guise. En fait ce sont elles qui commandent à la maison !
    (blague ou pas ?).

    1. Eric D. ennemi juré de l’organisation ?

      Disons plutôt à l’instar d’Illitch Yvan,
      « Partisan de la convivialité bon enfant »
      Au sein des services et organisations
      Coulées dans le moule nos institutions

      Je ne vois pas d’autres solutions
      Que d’investir ainsi l’Administration
      Qui règne en Mère Providence
      Sur ses sujets-citoyens en France

      Quant à la femme que vous dépeignez là
      Soumise à son « chef-époux » sous le toit
      Mais commandeur au Foyer car c’est la Loi
      Est l’image d’Épinal de l’oie blanche en bois

      La femme n’est pas de cet acabit selon moi
      Elle a trop lutté et donné plus de que la voix
      Pour signer qu’elle a et pouvoir et vouloir
      De faire don de sa chair à l’amant de son choix

      Retour de bâton après des millénaires de domination
      La femme a pris le pli de se faire et matou et maton
      J’ai acté cette évolution jusque dans ma descendance
      J’ai pris la tangente et fusé vers la transcendance

      J’ai croisé Jésus qui m’a lâché « Transfiguration » dans une stance
      _Rien à voir avec l’Organisation Religion soit dit en passant_
      Je me suis arraché tout ce qui me rattachait à l’immonde
      Pour découvrir en fine AL que l’Immanence faisait Justice en ce monde

      Et que tout Retour se fait en Onde vers l’Enfance

      1. Bon, j’ai bien reçu la leçon (ou la correction). Merci.

        Pour ma défense néanmoins je rajoute que je n’ai pas du tout dit « soumise » et même plutôt le contraire : j’ai dit que le dominateur prétendu pouvait être dominé par le dominé prétendu. La lutte c’est ça. Le couple n’y échappe pas. C’est « position » par « position », « tranchée » par « tranchée » que se joue parfois la guerre (la contradiction), ou que se stabilise momentanément ou durablement le front (lieu de la contradiction). Stabilité dynamique de toute une vie parfois ! Et le bonheur est loin d’être absent (l’harmonie des contraires ça existe ; on matière « d’art » on dit contrastes). De même, bien sûr, que le malheur possiblement. Convergence ou concomitance ou alternance des contraires ???

        Le salarié supposé dominé au travail peut donner bien du fil à retordre à la direction dominatrice : l’un ne peut pas se passer de l’autre. Et il n’y a pas d’oie blanche là-dedans, croyez moi ! Et, non, désolé, je n’adhère aucunement aux théories du curé Yvan Illich. La convivialité c’est bien, mais ça ne se décrète pas. Seule la lutte existe, et elle est présente dans la paix tout autant que dans la guerre.

        L’important est que chacun puisse réussir quelque peu « là où ça lui importe » (Bourdieu définit ainsi le concept d’enjeu : « ce qui nous importe »). En n’oubliant pas que le couple n’est qu’un des multiples lieux de combat où se joue l’identité personnelle (intersectionnalité) : un couple « seulement » couple, ça n’existe pas. Et la respiration de chaque lieu de lutte se joue toujours -ou aussi- dans les autres lieux (au boulot, dans le métro, en voiture, dans la rue, dans l’immeuble, dans le lotissement, à l’école, en camping, à l’hôtel, dans la foule, au spectacle ……………………).

        Encore bravo pour votre poéticité philosophique.

        Dans mon post précédent, j’ai peut-être trop pris exemple sur mon cas personnel.

        (soumettre Lancelot, ça doit pas être facile !)

        1. « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Reprenons la lutte ». (Jésus). Le chantre de l’Amour lui-même donne à la lutte la préséance dans ses appels à changer le monde. Alors que vous dire sinon que je partage vos vues sur bien des points.

          L’amour lui-même, comme toute chose, se veut se cherche se pense (et se panse), se travaille, se construit, s’édifie, s’entretient… Bref se gagne au terme d’une lutte parfois âpre et longue. Et dans cet univers qui n’est que rapports de forces (Marx), je ne vois pas l’Amour autrement que comme l’assemblée harmonieuse de toutes les forces présentes dans l’Univers, y compris les forces contraires. Sans l’existence d’une telle force, quelque nom qu’on lui donne, il n’y aurait pas de cohérence possible dans la Création, qui maintient tous les contrastes dans un équilibre dynamique. La force d’Unité qui l’englobe et nous englobe, que l’on dit plongée dans l’Immobilité, est le contrepoids de ce mouvement permanent. Toujours le contraste. Quant à l’Unité elle-même…

          « Si tu veux voir se produire quelque chose, fais surgir le contraire » dit le Tao. Autrement dit, plante un dojo et mets deux combattants en vue. La Genèse (récit biblique de la Création) illustre bien cette réalité première. En faisant surgir la lumière au milieu des ténèbres, il engage toute la Création et la suite de transcendements qui vont l’engendrer, dans un ballet de forces contraires qui continuent de vivre et faire vivre l’Univers jusqu’à aujourd’hui. Et qu’est le couple, dont votre commentaire évoque longuement les difficultés, sinon l’image de ces contraires dans la Création appelés à se réunir et s’harmoniser, pour retrouver dans la matière chaotique d’origine investie, une forme d’unité première dont tout est issu ? Le couple n’est pas l’un de ces « multiples lieux » où la lutte s’engage. Cellule de base de la société, Il est Le Lieu où cette « lutte » a débouché sur la domination (de la femme par l’homme jusqu’à aujourd’hui), et il est le lieu où elle se résorbera, si jamais l’homme y parvient. Tout le reste en découlera. La femme avance sur ce terrain, « position par position, tranchée par tranchée » , comme vous dites, avec ce grand risque concomitant en ligne de mire : la destruction du couple lui-même, mis à mal par ailleurs, par les avancées totalitaires du capitalisme qui veut nous réduire à des corps pantelants, seuls derrière nos écrans. Quant au transhumanisme… Je suis étonné qu’un grand penseur comme Alain Badiou n’ait pas évoqué ces aspects de la vie dans ce long texte très fourni sur l’idéal communiste à relancer. Car la mise en commun de moyens commence par là non ?

          Ps. Lancelot ne se soumet pas. Revoyez Excalibur de John Boorman, un chef d’œuvre selon moi. Il offre son épée au seul qui l’a vaincu en combat singulier, le Roi Arthur, quand bien même l’issue du combat ne devait à Arthur que d’avoir brandi Excalibur, épée de l’Unité qui lui fut confié.

          1. Je réagis sur un point.
            Non, le couple moderne (et même le couple tout court) n’est pas éternel du tout, et on peut tout à fait s’en passer : il n’est pas inscrit dans le marbre. Les sociétés primitives partageaient (entre autre sexuellement) groupe d’hommes et groupe de femmes. Ce qui n’empêchait pas que le mâle humain (acteur=groupe) dominât vraisemblablement la femelle humaine de part sa force physique (la paix n’était pas de ce monde, et dans les guerres entre tribus, les mâles possédaient une force beaucoup plus massacrante que celle des femmes, qui pourtant étaient -déjà- tout aussi belliqueuses, agressives et vindicatives que les hommes). Mais la force reproductive des femmes étaient la condition de la production de mâles, et ce n’est pas rien !

            Je pense que l’utérus artificiel que l’on va bientôt connaitre (la majorité des femmes ne voudront plus assumer la grossesse) va changer encore les relations hommes-femmes. J’ai déjà dit -chez QG- que ce sont les progrès technologiques/organisationnels (immanence donc) qui changent la conscience sociale des individus à partir des marges de manoeuvre nouvelles et concrètes (pouvoir d’agir) que donne cette « technologie/organisation » aux individus/acteurs dans les rapports qu’ils établissent entre eux. L’utérus artificiel sera vraisemblablement un facteur supplémentaire de libération de la femme. Mais peut-être aussi de l’homme : car il faut bien distinguer entre « les objectifs cad les résultats supposés » et les « impacts cad les résultats observés » d’une transformation technologique (cad transformation des forces productives) : les objectifs c’est avant (c’est ce qu’on imagine), les impacts c’est après (c’est ce qui advient réellement et que l’on n’avait parfois pas du tout prévu).

          2. Je relis notre échange très intéressant et je propose un complément sur Yvan Illich : avec le concept de convivialité, Yvan Illich ne traite pas, selon moi, la question des rapport sociaux, mais uniquement la question des relations humaines cad ce qu’on met en oeuvre « en présentiel » pour facilité des moments de vie en commun, cad lorsque les rapports sociaux se présentent dans une configuration où il y a possibilité ou nécessité de cette proximité relationnelle entre des personnes en… rapport social.

            Le prolo de chez Peugeot, par exemple, est en rapport social (rapport de dépendance) avec les dirigeants (dont le PDG) de Peugeot, mais n’a aucune proximité de vie, aucun « relationnel » avec lui ; la question de la convivialité ne se pose alors pas entre eux.

            Mais quand elle se pose (rarement), les patrons souhaitent ardemment que ça s’organise dans de bonnes « relations humaines », en particulier avec les syndicats (on obéit alors à des « codes relationnels », certes bidon mais … utiles : le respect mutuel, la politesse, le bannissement de l’ironie trop appuyée etc etc). Cependant, parfois, lorsque la relation devient plus individuelle (hors instances syndicales donc), les 2 gardes du corps du PDG virent manu-militari le prolo, innocent mais têtu, qui prétend par inadvertance prendre le même ascenseur que le PDG (sécurité oblige) !!!!!!

  5. « Espérons, agissons. N’importe qui, n’importe où, peut commencer à faire de la politique vraie (…) Et parler, à son tour, autour de lui, de ce qu’il a fait. C’est ainsi que tout commence » dit Alain Badiou.

    J’entends Jésus clamer à la face de ses apôtres, « Allez par les rues, les places, les parvis, les villages enseigner les nations ». Nulle ironie ni admonestation de ma part, car c’est bien de là, la rue, et par là, par la parole, que tout mouvement débute, que les idées passent, que l’individu et le monde évoluent.

    Une question thèse en guise de commentaire
    Pour retourner violence en Révolution
    La joie peut-elle faire arme de guerre ?

    « Pas de chef, pas de parti. Pas de politique, pas de religion »
    Huaient femmes GJ dans les cortèges bon enfant
    Cela annonce bien des retournements de situation

    Non ?

    1. Ce cher Eric, toujours ennemi juré de l’organisation !
      Jésus et les Apôtres formaient une organisation. Judas en était le trésorier. Jésus était leur chef, chef qui leur avait prescrit (au nom du Père, entité plutôt évanescente) une mission d’évangélisation ; d’où les dizaines d’Eglises « apostoliques » créées en Orient et Occident. Eglises et Clergés qui forment bien une ou des organisations (héritières légitimes ou pas, c’est selon les opinions).

      Si certaines femmes n’aiment pas les Organisations, c’est parce qu’elles ne reconnaissent qu’un seul chef et un seul : leur époux, époux qu’elles manipulent à leur guise. En fait ce sont elles qui commandent à la maison !
      (blague ou pas ?).

        1. J’apprécie votre perplexité ! Qui n’est donc pas un rejet total de ma petite provocation.

          Non, nous n’en sommes pas QU’à ce niveau, bien sûr. Mais j’affirme que nous y sommes quelque peu. Un couple, c’est de multiples rapports sociaux donc de multiples luttes (=multiples enjeux) : la femme financièrement indépendante n’est certainement pas dans la même situation que la femme au foyer, dans les autres luttes internes au foyer. Tout comme le salarié qui possède une compétence sensible et rare n’est pas, vis-à-vis de son patron dans la même situation que le salarié qui possède une compétence répandue et peu sensible. On aura beau raconter démagogiquement que tout le monde est « utile », que tout le monde « compte » dans l’entreprise, ça ne veut certainement pas dire que tout le monde est à égalité dans ses rapports à l’employeur. D’ailleurs, à la fin du mois, le compte n’est pas le même pour tout le monde. Et ce compte, contrairement à ce qui se raconte, n’est que le reflet matériel du rapport d’importance (rapport des pouvoirs d’agir ou rapport concurrentiel des utilités réciproques entre employeur et salarié).

          1. … n’est que le reflet matériel du rapport d’importance (et rapport des pouvoirs d’agir concurrentiels) des utilités réciproques entre employeur et salarié.

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