Que voulons-nous ? L’effondrement du macronisme. Après on verra

Le 03/04/2023 par Harold Bernat

Que voulons-nous ? L’effondrement du macronisme. Après on verra

Pour arrêter le mouvement, Macron et le siens comptaient sur l’inflation, la lassitude, le fatalisme, le matraquage médiatique, la moraline, la peur de la matraque, le « ce qui se fait ailleurs ». Ils ont en face la solidarité, la détermination, le refus, le volontarisme, le collectif, la vraie morale, le courage face à la peur, le « ce que nous voulons ici ». Ne les lâchons pas, jusqu’au retrait. C’est l’édito de la semaine d’Harold Bernat

Dans toute guerre, il y a des tactiques, les moyens ; des stratégies, les fins intermédiaires ; une fin générale, la victoire. Reprenons les choses à l’envers : quelle forme pourrait prendre la fin générale dans notre situation, autrement dit la victoire dans cette guerre sociale et politique ? Et de quelle guerre parlons-nous ? Qui est en face ? Emmanuel Macron et son gouvernement font avancer au pas de charge cette contre-réforme sociale qui secoue aujourd’hui la France dans un cadre légal quitte à bafouer l’esprit des lois et brutaliser le peuple. Quand on voit un ministre de la justice mis en examen mais toujours en poste, nous sommes en France, adresser sans vergogne des bras d’honneur à l’Assemblée nationale ne plaçons pas non plus trop d’espoir dans l’esprit des lois ou trop d’attente dans la maîtrise de la brutalité. Recentrons-nous sur la loi, rien que la loi.

Légal, en effet, l’article 47.1, le 48 ou le 49.3 pour éviter le vote des élus de la République, pour accélérer les procédures, pour ne pas discuter ; légal le discours insupportable, rempli de morgue et de mépris, du chef de l’État à la télévision à l’heure du rôti et de la digestion des retraités ; légal la sottise crasse de la présidente de l’Assemblée nationale, une malfaisante basse du plafond qui coupe le micro de Charles de Courson pour quelques secondes de trop à un moment où les mots rassemblent enfin ; légal le délire verbal de la présidente du groupe La République sans tête qui fustige les « extrêmes » en vociférant au perchoir les âneries habituelles dans un français approximatif dont l’étude relève plus de la psychiatrie que des sciences politiques ; légal la BRAV-M à fond les boulons, les tirs de LBD40 dans le tas sur des quads embourbés et les grenades de désencerclement au-dessus de la mêlée et des gosses ; légal le matraquage sur la réforme juste, la réforme qu’il faut, la réforme qui plaît aux français, la réforme qu’elle est bonne et courage à la télé des milliardaires ; légal les sorties irréalistes de la déprimante première ministre à côté de laquelle un cacatoès passerait pour un cicéronien ; légal le léchage d’ogives médiatiques où l’on apprend tout de même que les Français jalousent Macron parce qu’il est trop beau et qu’il est riche aussi ; légal de prendre 93 % des travailleurs français pour des demeurés à qui il faut faire encore et plus de pédagogie explicative ; légal d’entendre des chroniqueurs neuneus payés six fois le salaire d’un professeur au travail vouloir la radiation d’un professeur gréviste. Bref, au pays de la légalité tout azimut, il est légal de mépriser le peuple, de penser comme des canards sans tête, de lui marcher dessus au sens propre, de lui faire la morale entre deux coups de matraque et de la pédagogie bonasse pour bien cirer le tout.

Une fois que l’on a fait le tour du sens de la légalité macroniste, il est légitime tout de même de s’interroger sur ses limites. La première d’entre-elles consiste à se demander, sans illusion, si la légalité nous préserve du pire. Un bref coup d’œil historique nous rappelle à quel point le légalisme peut justifier les pires exactions. Après tout, il était bien légal de dénoncer l’élève juif au rectorat de Bordeaux en 1942, légal et plutôt vivement recommandé. Allégeons en exemples pénibles ce qui demeure une évidence : la loi peut entériner le pire. Il suffit que celui qui l’édicte cache sa violence derrière elle et qu’il échappe au contrôle de celui qu’il écrase. La légalité, ils n’ont que ce mot à la bouche depuis des semaines. Le reste, tout le reste, sera reversé dans la méga bassine du populisme avec pour seul et unique point d’orgue la fameuse violence de la foule haineuse. Qu’ils sont beaux tous ces légalistes à cols blancs et cravates qu’il conviendrait plutôt de nommer normopathes, tant ils sont incapable d’interroger le sens de la « violence conservatrice du droit » pour reprendre l’excellente formule de Walter Benjamin dans son essai Pour une critique de la violence (1920). Benjamin ajoute : « Voilà pourquoi leur véritable domaine est la technique, au sens le plus large du terme. L’exemple le plus profond est peut-être le dialogue, considéré comme une technique d’accord civil. Non seulement il rend possible un accord non violent, mais le fait qu’il exclut par principe la violence est à porter expressément au compte d’une relation essentielle : l’impunité du mensonge ». En effet, il n’est pas illégal de mentir, de truquer, de violenter la vérité et de tordre le sens d’institutions qui ne donnent, hélas pour nous, pas assez de contrôle au peuple pour résister à une telle perversion d’État. Toute la technique repose sur les moyens mis en place pour faire accepter la profondeur de l’outrage. Soyez non violents, dans vos mots et vos actions, nous prêterons attention à vos cahiers de doléances avant de nous asseoir dessus en toute légalité, un petit sourire en prime. Macron l’arborait ce sourire, le plus à jouir du pervers de salon à celui de l’agriculture : « ça fait plaisir à personne de travailler plus longtemps ». Mais ça, cher citoyen, ce n’est pas violent. Qu’il est doux et réconfortant le sourire satisfait du pervers cynique au milieu des vaches en cage à la porte de Versailles entouré de molosses à oreillettes toujours prêts à tabasser un français un peu trop mécontent. Tout cela reste dans le cadre de la bonne démocratie et de la juste mesure. Il faut vraiment s’en convaincre.

L’impunité du mensonge, nous l’avons en face depuis des années. Les mensonges s’accumulent mais le sourire reste, la morgue et le mépris paraissent inoxydables. Mais tout cela travaille dans l’ombre. La légalité, semaine après semaine, ne tient plus le tableau, elle ne parvient plus à dompter de ses tautologies (la loi, c’est la loi, dura lex sed lex, en latin c’est toujours plus impressionnant) la légitimité de la révolte qui monte des six coins de la France. Alors on reformule la question, non plus du côté de la légalité mais du point de vue désormais obsédant de la légitimité. Qui est en face ? Un escroc, un menteur, un faux. De quelle guerre parlons-nous ? D’une guerre juste, une guerre pour le respect du travail et des travailleurs, une guerre pour avoir le droit de partir à la retraite après plus de quarante années de travail sans que des millionnaires improductifs et parasites de l’État viennent nous sermonner comme des gosses de dix ans. Quelle pourrait être la fin générale de cette guerre sociale et politique ? L’effondrement du capitalisme ? Soyons peut-être plus modestes. Le retrait de la réforme des retraites et pas son report ou un moratoire bidon reste un préalable. Mais ce que nous voulons, au fond, c’est l’effondrement de la macronie, du règne de la fausseté attaché au nom de ce président philosophe complètement bidon et gonflé à la mondanité satisfaite. Pas l’effondrement de l’État ou de la République, de la macronie qui en est une corruption profonde. Après on verra.

Pour arrêter le mouvement, Macron et son engeance comptaient sur l’inflation, la lassitude, l’acceptation, le fatalisme, l’individualisme, l’intersyndicale Casimir, le matraquage médiatique, la moraline, la peur de la matraque, le « ce qui se fait ailleurs », la lobotomie collective. Ils ont en face la solidarité, la détermination, le refus, le volontarisme, le collectif, l’inter-syndiqués anti-Casimir, la résistance critique, la vraie morale, le courage face à la peur, le « ce que nous voulons ici », l’éveil collectif. Ne les lâchons pas, serrons les mâchoires, plus fort encore, nous commençons à les tenir. N’ayons pas peur de ce chantage à la légalité en face d’individus qui sont en train de perdre ce sans quoi la légalité n’est qu’une coquille vide : la légitimité. Cela fait des années que cela dure, des années que nous endurons cette très dure carrière de mensonges et de malversations. Des années que nous souffrons ce monologue pathétique qui s’arroge le droit unilatéral de régenter des vies avec des passes et des coups de matraque. Nous ne verrons pas la fin de cette guerre car elle dépasse de très loin Macron le faux mais nous sommes engagés dans une lutte sérieuse et déterminée que l’on peut résumer sans trop de détours : nous ne voulons pas de ces gens-là au pouvoir en France. Faisons-les chuter lourdement. Que le bruit lourd de leur dégringolade s’entende jusqu’à Bruxelles, cela réchauffera sûrement le cœur du peuple grec qui a ouvert une voie inéluctable pour les peuples d’Europe.

Harold Bernat

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1 Commentaire(s)

  1. Du grand Harold ! du très grand Harold ! Y’a des tripes, y’a de la science, y’a d’la poésie, et y’a de la justice ! Ca s’appelle la beauté; pas la beauté de la bourgeoisie certes; pas la beauté légale; non, la beauté légitime.

    Par ailleurs, comme il y a une nuance sémantique entre légalité et légitimité, il y a une même différence -absolument légale, elle- entre la justice légale et la justice légitime ! La preuve ? la voici : la justice légale, dans certains de ses recoins, reconnait cette différence, et rend « légal » ce qui est « légitime » : ça s’appelle « la légitime défense » : se défendre contre une atteinte à « notre intégrité » est légitime ; se défendre par une atteinte proportionnelle « à l’intégrité de l’agresseur », est légal.
    Voler le voleur (de la plus value) est légitime ;
    Appauvrir l’appauvrisseur est légitime ;
    Et même, la loi reconnait, pour échapper à la mort, la légitimité de tuer le tueur ! Nous n’en sommes pas là !

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