A quel moment surviennent les effets secondaires liés à la vaccination anti-Covid ?

Le 23/12/2022 par Laurent Mucchielli

A quel moment surviennent les effets secondaires liés à la vaccination anti-Covid ?

Les vaccins à ARN messager ont été utilisés comme principale mesure pharmacologique contre la pandémie de Covid-19. Présentée d’emblée comme « sûre et efficace », cette nouvelle génération de vaccins est radicalement différente de celles développées traditionnellement et pour lesquelles les effets indésirables (EI) potentiellement associés ne sont pris en compte au Québec que durant une période standard de 6 semaines. Ce délai correspond-t-il à la réalité? Dans cette étude rétrospective et observationnelle, nous avons cherché à évaluer la chronologie des affections nouvelles ou aggravées survenant après l’administration de vaccins anti-Covid en nous basant sur les modifications des dossiers pharmacologiques de patients adultes vaccinés au Québec et ayant connu des événements liés à la santé entre le 30 septembre 2021 et le 15 juillet 2022. 112 patients adultes ont signalé des modifications de leur dossier pharmacologique survenues en moyenne près de 12 semaines après leur deuxième ou troisième injection. Les affections les plus fréquentes étaient les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires et le zona. Enfin, 19 patients sont décédés en moyenne 17 semaines après leur dernière injection. Il conviendrait donc d’étendre la période de prise en considération des effets secondaires post-vaccination

Hélène BANOUN (pharmacienne biologiste, ancienne chercheure INSERM, France) et Patrick PROVOST (Centre de recherche CHU de Québec-Université Laval et Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Canada).

Cet article est actuellement en pré-print (voir ici).

Conflit d’intérêts : cette recherche n’a pas été financée et les auteurs déclarent qu’elle a été menée en l’absence de toute relation commerciale ou financière qui pourrait être interprétée comme un conflit d’intérêts potentiel.

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Introduction

Les vaccins à base d’ARN messager (ARNm) et les vaccins adénoviraux exprimant la protéine Spike du SRAS-CoV-2 ont été promus par les entreprises pharmaceutiques, les organismes gouvernementaux, les associations médicales et les médias du monde entier comme la principale mesure sanitaire destinée à lutter contre la pandémie de COVID-19 (Kis et al., 2021). Les campagnes publicitaires ont rapidement présenté cette nouvelle génération de vaccins, autorisée pour une utilisation d’urgence, comme étant « sûre et efficace ». Actuellement toujours en phase 3 des essais cliniques, consultables par le public sur le site des Clinical trials (voir aussi le protocole Pfizer/BioNTech), la sécurité et l’efficacité de ces injections restent à confirmer, leurs effets bénéfiques et indésirables à court, moyen et long terme restant à documenter de manière approfondie et leur lien avec les injections à établir et à étudier de manière indépendante (Fraiman et al., 2022).

Plusieurs obstacles subsistent pour décrire la nature précise et la véritable incidence des effets indésirables (EI) associés à cette vaccination, notamment les directives des ordres professionnels, la sensibilisation de la communauté médicale, la surveillance passive des EI et leur déclaration (Lazarus et al., 2010), ce qui pourrait constituer l’angle mort de la crise sanitaire (Provost, manuscrit soumis). Selon Tom Shimabukuro du CDC d’Atlanta et ses coauteurs, le taux de déclaration de ces EI peut être inférieur à 1% selon le type d’EI et le type de vaccin (Shimabukuro et al., 2015).

La durée de suivi recommandée pour les effets indésirables des vaccins en général, et des vaccins anti-Covid en particulier, est très mal définie et souvent contradictoire selon les références. La Brighton Collaboration, qui est chargée de surveiller les profils de sécurité et les rapports bénéfice/risque des vaccins, a publié un guide pour la surveillance de certains effets indésirables des vaccins en général. La plupart des documents font références aux vaccins antérieurs à ceux contre la Covid et principalement aux vaccins pédiatriques. Les durées de suivi sont parfois spécifiées (28 jours pour les Guillain-Barré, 10 jours pour les vasculites, 28 jours après un vaccin anti-pneumocoque, 42 jours pour les Kawasaki, 28 jours pour les pertes d’audition) et parfois non spécifiées (paralysie de Bell, thrombose et thromboembolie). Dans les documents actualisés récemment, pour les vaccine-associated enhanced disease (VAED) et vaccine-associated enhanced respiratory disease (VAERD), qui sont des phénomènes d’aggravation de l’infection par le vaccin, le suivi peut aller jusqu’à 2 ans ; pour les myocardites, le suivi peut aller jusqu’à plus de 42 jours. Pourtant, les études publiées ne prennent en compte qu’une durée de suivi de 28 jours après la vaccination Covid-19 en ce qui concerne les myo/péricardites. Les documents de la province de l’Ontario (mai 2022) recommandent pour les vaccins une durée de suivi de 2 à 42 jours pour les EI en général et de 42 jours pour les Guillain-Barré; il est signalé un guide supplémentaire pour les vaccins Covid-19, mais le lien internet n’est pas fourni et il nous a été impossible de le retrouver. Enfin, selon une étude de pharmacovigilance des vaccins Covid-19 de la FDA (Wong et al., 2022) publiée en décembre 2022, les personnes vaccinées sont suivies pendant une durée maximum de 42 jours (pendant seulement 28 jours pour les événements indésirables suivants : infarctus aigu du myocarde, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, coagulation intravasculaire disséminée et accident vasculaire cérébral, et pendant 42 jours pour la thrombocytopénie immunitaire, la myo/péricardite, le syndrome de Guillain-Barré, la paralysie de Bell, l’encéphalomyélite, la myélite transverse, la narcolepsie et l’appendicite). Il est précisé dans cette étude que les références concernant la durée de ces fenêtres n’ont pas pu être trouvées dans la littérature et qu’elles sont plutôt basées sur les commentaires des cliniciens.

Cependant, les vaccins à ARNm et à vecteur adénoviral ont un contenu et des mécanismes d’action (c.-à-d., pharmacodynamiques) très différents de ceux des vaccins traditionnels, et il n’existe aucun précédent d’une période minimale optimale de surveillance post-vaccination nécessaire pour saisir les EI liés à ces nouvelles technologies. La seule nouveauté de ces approches, désormais appliquées à la population à l’échelle mondiale, devrait suffire à remettre en question cette période de 6 semaines après la vaccination pour considérer l’apparition d’une nouvelle affection ou son aggravation comme un EI potentiel méritant d’être étudié. La prise en compte d’une période relativement courte de 6 semaines exclut la possibilité de détecter des problèmes de santé à développement lent ou plus insidieux qui prennent davantage de temps pour devenir symptomatiques et pourraient affecter les patients à long terme. Si les nouvelles affections ou les aggravations qui surviennent plus de 6 semaines après la vaccination sont systématiquement écartées par les organismes de santé, elles risquent de passer inaperçues et de laisser les scientifiques dans l’incapacité de réaliser une analyse observationnelle et descriptive et, si nécessaire, d’alerter les autorités.

Par conséquent, nous avons exploré une source alternative de données de santé, enregistrée par les pharmaciens suite à la réception de nouvelles prescriptions ou de modifications de prescriptions antérieures liées à la survenue d’une nouvelle pathologie ou à l’aggravation d’une pathologie existante. La raison pour laquelle nous considérons cette source de données est la suivante : les personnes qui s’inquiètent de leur santé et/ou qui connaissent des changements significatifs de leur état de santé consultent généralement leur médecin ou se rendent dans un établissement de soins ou un hôpital. Les patients font alors l’objet d’un diagnostic et, selon que l’affection existante et/ou nouvelle peut être traitée pharmacologiquement ou non, une nouvelle ordonnance de médicament ou la modification d’une ordonnance existante (par exemple, la modification de la dose d’un médicament) est alors transmise à leur pharmacie locale. Par conséquent, cette composante périphérique du système de santé québécois représente une source précieuse d’information sur la santé, fournie indirectement par les médecins praticiens et utilisée par les pharmaciens, qui peut apporter une perspective unique dans l’analyse descriptive des EI post-vaccinaux.

Méthode

Nous avons utilisé un échantillon de patients d’une pharmacie communautaire située dans la région du Bas-St-Laurent-Gaspésie de la province de Québec, qui ont eu de nouvelles prescriptions ou des modifications de prescriptions existantes en raison du diagnostic d’une nouvelle maladie ou de l’aggravation d’une maladie existante, ainsi que des patients dont le dossier a été clos suite à un décès. La période d’étude considérée était comprise entre le 30 septembre 2021 et le 15 juillet 2022. Un consentement éclairé écrit a été obtenu de tous les patients ou de leurs représentants légaux.

Nous avons considéré les variables suivantes : l’âge, le sexe, le type de vaccin reçu, le nombre de doses reçues, le nombre et le type d’affection nouvelle/aggravée (selon la nouvelle/modification de la prescription de médicaments), le temps écoulé entre la date de la dernière vaccination et la date de début de l’affection nouvelle/aggravée, le nombre de comorbidités, les résultats des tests PCR ou antigéniques COVID-19, le diagnostic (c’est-à-dire le type de maladie) d’une affection nouvelle/aggravée et la cause du décès.

Toutes les variables ont été recueillies à partir des dossiers pharmaceutiques, du système de santé du Québec pour enregistrer les numéros de lot du vaccin COVID-19, des informations figurant sur les certificats de décès, et auprès des patients eux-mêmes ou de leur plus proche parent ou représentant légal.

Résultats

Cent douze (112) patients adultes ayant signalé des troubles nouveaux ou aggravés après la vaccination contre le COVID-19 ont été inclus dans cette étude, soit 63 hommes (56,25 %) et 49 femmes (43,75 %) (tableau supplémentaire S1). L’âge moyen de la population était de 67,5 ans et il n’y avait pas de différence significative entre celui des hommes et celui des femmes.

Tous les patients ont reçu au moins une dose de vaccin anti-Covid, mais tous n’ont pas reçu la série complète de deux doses ou n’ont pas continué à recevoir une troisième ou une quatrième dose. (Remarque : nous avons utilisé tout au long de ce manuscrit la troisième et la quatrième dose au lieu de la première et de la deuxième dose de rappel, afin de mieux représenter la chronologie des administrations). À la fin de la période d’observation, seuls 2 patients n’avaient reçu qu’une seule dose, alors que tous les autres reçu au moins deux doses (35 patients ont reçu deux doses, 62 patients ont reçu trois doses et 13 patients ont reçu quatre doses. Les patients ont reçu au moins l’un des vaccins suivants : Pfizer/BioNTech (76 patients), Moderna (55 patients) ou AstraZeneca (7 patients)/CoviShield (2 patients). Les patients ont reçu une (2 patients), deux (35 patients), trois (62 patients) ou quatre (13 patients) doses du même vaccin (88 patients), et deux (22 patients) ou trois (2 patients) doses de vaccins différents.

Quarante-neuf (49) lots de vaccins différents ont été administrés à ces patients, les représentants les plus fréquents étant Pfizer/BioNTech #EW3344 (N = 20), Moderna #3001658 (N = 14) et Moderna #043D21A (N = 14), AstraZeneca #MT0056 (N = 5) et CoviShield #4120Z003 (N = 2) (Tableau supplémentaire S2).

Apparition ou aggravation d’affections après la vaccination

Les affections les plus fréquentes qui sont apparues ou se sont aggravées chez les patients vaccinés étaient les maladies cardiovasculaires (n=61), le cancer (n= 31, dont deux en attente de confirmation par biopsie), les maladies respiratoires (n=22) et le zona (n= 10, dont deux cas bilatéraux). Les autres symptômes (n=10) comprennent une fatigue intense, une infection, une inflammation des ganglions lymphatiques et une hémorragie.

La plupart des patients ont connu une seule affection nouvelle ou aggravée (n=100) et 10 patients ont connu deux affections nouvelles ou aggravées, 1 patient en a connu trois, et 1 patient en a connu quatre. Il n’y avait pas de différence significative entre hommes et les femmes (Fig. 1). Le temps médian écoulé entre la dernière dose administrée et l’apparition de la première affection nouvelle ou aggravée était de 11,57 semaines. La majorité des patients (76%) ont connu l’apparition de l’affection nouvelle/aggravée plus de 6 semaines post-vaccination, et seulement 26 (24%) avant 6 semaines. Dans le groupe de patients ayant présenté une affection nouvelle ou aggravée 6 semaines après la vaccination, le temps médian écoulé était de 15 semaines, et dans le groupe ayant présenté une affection nouvelle ou aggravée avant 6 semaines après la vaccination, le temps médian écoulé était de 4,3 semaines.

Figure 1

Il n’y avait pas de différence d’âge significative entre les patients dont la première affection nouvelle ou aggravée est apparue avant les 6 semaines suivant la vaccination et ceux dont la première affection nouvelle ou aggravée est apparue après les 6 semaines suivant la vaccination. Il n’y avait pas de différence significative dans la proportion d’hommes et de femmes présentant une première affection nouvelle/aggravée avant ou après 6 semaines post-vaccination (Fig. 2).

Figure 2

Le temps médian écoulé entre la dernière dose administrée et l’apparition de la deuxième affection nouvelle/aggravée était de 18,2 semaines, toutes survenant plus de 6 semaines post-vaccination. L’âge moyen de ces patients était de 68,8 ans, 75 % étaient des hommes et 25 % des femmes. Un homme de 61 ans a présenté une troisième nouvelle affection, survenue 30 semaines après la dernière dose administrée, et un homme de 82 ans a présenté une quatrième nouvelle affection 21,4 semaines après.

Le nombre de doses administrées avant l’apparition d’une première affection nouvelle/aggravée était de une dose pour 14 patients, deux doses pour 64 patients, trois doses pour 24 patients et quatre doses pour 7 patients (Fig. 3). En outre, 6 patients ont présenté une deuxième affection nouvelle/aggravée après avoir reçu deux doses, et 5 patients après avoir reçu trois doses. Le patient qui a présenté une troisième affection nouvelle ou aggravée a reçu trois doses, et le patient qui a présenté une quatrième affection nouvelle ou aggravée a reçu 4 doses. Le nombre d’affections nouvelles/aggravés survenues avant 6 semaines était significativement plus élevé chez les patients ayant reçu quatre doses, alors que la plupart des affections nouvelles/aggravées chez les personnes ayant reçu deux et trois doses sont survenues après 6 semaines (Fig. 4). En ce qui concerne le nombre d’affections nouvelles/aggravées survenues chez les patients recevant 1, 2, 3 ou 4 doses, nous n’avons pas trouvé de différences significatives entre les groupes.

Figure 3
Figure 4

Lors de l’évaluation du nombre d’affections nouvelles/aggravées par type de vaccin, nous n’avons pas constaté de différence significative. De même, le nombre de semaines avant l’apparition d’une première ou d’une deuxième affection nouvelle/aggravée n’était pas significativement différent selon le type de vaccin.

Enfin, nous avons évalué le nombre de comorbidités (par exemple, hypertension, diabète, hypercholestérolémie, etc.) et avons trouvé un nombre médian de comorbidités de 4, avec un nombre de comorbidités significativement plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Le nombre de comorbidités était également significativement plus élevé chez les participants développant une première affection nouvelle ou aggravée avant les 6 semaines suivant la vaccination qu’après les 6 semaines suivant la vaccination. Nous avons également constaté une corrélation négative faible mais significative entre le nombre de comorbidités et le nombre d’affections nouvelles/aggravées des participants, qui a été confirmée en utilisant un modèle linéaire généralisé, en corrigeant pour le sexe, l’âge et le type de vaccin.

Résultats du test Covid-19

Parmi les 112 patients inclus dans l’étude, 33 ont été testés positifs à un test PCR ou antigénique Covid-19 pendant la période d’étude, 48 étaient négatifs et 31 n’ont pas fourni l’information.

Sur les 38 événements liés à la santé survenus chez les 33 patients dont le test était positif, 26 sont survenus après la vaccination mais avant l’infection, tandis que 12 sont survenus après la vaccination et l’infection.

Patients décédés

19 patients (10 hommes, 9 femmes) d’un âge moyen de 78,2 ans sont décédés en moyenne 17,1 semaines après leur dernière injection. Les causes connues du décès étaient le cancer (n=9) ou les maladies cardiovasculaires (n=8). Un patient est décédé à la suite d’une fracture de la hanche, et la cause probable du décès d’un autre patient n’est pas disponible. Seuls deux des 19 patients décédés ont été testés positifs à la Covid-19 dans le mois précédant leur décès.

Discussion

Les autorités sanitaires supposent que les EI associés à la vaccination Covid-19 se produiraient aussi rapidement qu’avec les vaccins traditionnels. Nos résultats suggèrent que, si certains EI surviennent dans les 6 semaines, ce n’est pas le cas de la plupart des EI, ce qui prouve que cette hypothèse est erronée et qu’il faut la revoir. L’utilisation actuelle de la fenêtre temporelle étroite de 6 semaines, qui a été mise en place pour les vaccins traditionnels, laisse les trois quarts (76,1 %) d’EI potentiels hors de portée de toute investigation, ce qui justifie la nécessité d’étendre cette fenêtre temporelle, de sorte que (i) elle englobe la plupart, sinon la totalité, des événements liés à la santé pouvant être liés à la vaccination, (ii) elle soit spécialement conçue pour cette nouvelle génération de vaccins, et (iii) elle permette une investigation approfondie de la relation entre les événements liés à la santé et la vaccination.

Période d’observation

Nos données ont montré que le délai médian d’apparition des premiers troubles nouveaux/aggravés était de 11,57 semaines après la dernière injection de vaccin anti-Covid. Ce délai est deux fois plus long que le délai de 6 semaines actuellement utilisé par l’Agence de santé publique du Québec qui ne prend pas en compte ni n’enquête sur les EI signalés au-delà de cette période. Notamment, moins d’un quart (23,9 %) des affections nouvelles ou aggravées que nous avons documentées sont survenues dans les 6 semaines et pourraient être utilisées pour établir une relation possible, le cas échéant, avec les vaccins. Avec la période de déclaration actuelle de 6 semaines, les EI post-vaccinaux pourraient être sous-estimés au moins d’un facteur 4, à condition qu’ils soient systématiquement déclarés aux autorités et fassent l’objet d’une enquête, ce qui est très peu probable pour plusieurs raisons discutées ailleurs (Provost, manuscrit soumis). La sous-déclaration globale des EI peut être beaucoup plus importante, car une évaluation de la base de données VAERS a précédemment montré que moins de 1% des EI des vaccins sont déclarés à la Food and Drug Administration (FDA) (Lazarus et al., 2010).

Dans notre étude, le temps médian écoulé jusqu’à l’apparition d’une première affection nouvelle/aggravée survenant après 6 semaines post-vaccination était de 15 semaines, avec une fourchette comprise entre 6 et 47 semaines. De même, le temps écoulé avant l’apparition d’une deuxième affection nouvelle ou aggravée était de 18 semaines, avec une fourchette comprise entre 8 et 60 semaines. Ces délais justifieraient donc l’extension de la fenêtre de déclaration pour enregistrer les affections nouvelles/aggravantes en tant qu’EI potentiels à au moins 15 à 18 semaines, jusqu’à un maximum de 60 semaines, afin de fournir une image plus proche de la réalité des vaccins anti-Covid.

Notre étude a également évalué les différences potentielles entre les participants développant une affection nouvelle ou aggravée avant et après 6 semaines post-vaccination, puisque cette information pourrait influencer la fenêtre temporelle pendant laquelle les personnes présentant certaines caractéristiques sont suivies pour enregistrer les EI potentiels. Nous n’avons pas constaté de différence dans l’âge et le sexe des participants qui ont développé de nouvelles affections ou qui ont vu leur état s’aggraver avant ou après 6 semaines après la vaccination. Cependant, nous avons constaté un nombre significativement plus élevé d’affections nouvelles/aggravées survenant avant 6 semaines, chez les participants recevant leur 4ème dose, et chez les participants présentant un nombre plus élevé de comorbidités. Si cette observation est reproduite dans des cohortes plus importantes de participants vaccinés, elle pourrait être utilisée pour optimiser la période de suivi des personnes présentant moins de comorbidités.

La plupart des participants, hommes ou femmes, ayant reçu un nombre quelconque de doses de n’importe quel type de vaccin, n’ont présenté qu’une seule affection nouvelle ou aggravée. Il est intéressant de noter qu’il existe une corrélation faible, mais significative, entre le nombre d’affections nouvelles/aggravées et le nombre de comorbidités. Cela suggère que les patients présentant un nombre accru de comorbidités, qui sont considérés comme présentant un risque plus élevé de complications liées au Covid-19, sont également plus susceptibles de présenter des EI post-vaccinaux.

Relation de cause à effet des EI post-vaccinaux

L’évaluation de la relation causale (ou de l’absence de relation) entre les vaccins anti-Covid et l’apparition d’affections nouvelles ou aggravées nécessite des enquêtes approfondies, dont le succès dépend directement de la quantité et de la qualité des données. C’est pourquoi il faut collecter le plus grand nombre d’informations possible pendant la plus longue période possible, les communiquer aux autorités, les traiter, les classer, les trier et les analyser de manière approfondie jusqu’à ce que le profil de sécurité de cette nouvelle génération de vaccins soit déterminé. Ceci est particulièrement important pour les médicaments, y compris les vaccins, qui modulent les systèmes immunitaires adaptatifs. En effet, contrairement à de nombreux médicaments présentant une relation dose/exposition/toxicité classique, les médicaments qui modulent le système immunitaire peuvent déclencher des processus pathologiques qui évoluent indépendamment de l’exposition et peuvent être révélés ultérieurement, par exemple à la suite d’un « second hit » (rencontre d’un antigène similaire) (Kostoff et al., 2020). S’il s’avère qu’ils sont similaires aux vaccins traditionnels, la période d’observation sera jugée appropriée. Si ce n’est pas le cas, il faudra alors considérer que le ou les mécanismes sous-jacents en jeu peuvent être différents de ceux des vaccins traditionnels et que la période d’observation doit être ajustée/étendue en conséquence. Il s’agit là d’un élément essentiel, car l’apparition, la nature, la gravité et la persistance des symptômes influencent directement l’évaluation du rapport risque-bénéfice des injections, sans parler des effets secondaires à long terme, l’inconnue de cette équation, qui devront être surveillés et pris en compte. Cette influence peut être telle que, pour une population dans laquelle la vaccination n’a que des avantages limités (par exemple, les enfants en bonne santé) (Banoun, 2022), les risques reconnus peuvent faire pencher la balance en défaveur de la vaccination, ce qui peut également être dû à des raisons éthiques (Kraaijeveld et al., 2022). Si les risques sont tels que le rapport risque/bénéfice devient défavorable à la vaccination des individus jeunes ou en bonne santé, alors des campagnes de vaccination ciblées seraient plus indiquées. Si les risques s’avèrent peser encore plus lourd, alors l’application de la technologie ARNm comme plateforme vaccinale devrait être reconsidérée.

Variations d’un lot à l’autre de vaccins

Nous n’avons pas tenté d’analyser l’association entre des lots de vaccins spécifiques et le nombre et/ou le type d’affections nouvelles/aggravées en raison du faible nombre de patients par lot de vaccins dans notre échantillon, ce qui empêche une analyse statistique valide.

Néanmoins, des variations d’un lot à l’autre du vaccin anti-Covid ont été rapportées précédemment, ce qui suggère que certains lots peuvent être plus problématiques que d’autres. Certains lots sont associés à plusieurs événements liés à la santé, alors que d’autres ne le sont pas. Certaines des divergences entre les lots de vaccins peuvent être dues à leur production accélérée par différents fournisseurs ainsi qu’à leur durée et à leurs conditions de stockage, ce qui entraîne des problèmes de qualité et de contrôle variables.

Une partie des problèmes peut résider dans les variations de l’intégrité de l’ARNm d’un lot à l’autre (Gutschi, 2022). Les organismes de réglementation (FDA, Santé Canada et EMA) se sont fortement inquiétés des quantités étonnamment faibles d’ARNm intactes dans les lots du vaccin mis au point pour la production commerciale, mais aucun seuil – en termes de pourcentage d’intégrité de l’ARNm qu’ils considèrent comme acceptable pour les vaccins contre le COVID-19 – n’a été spécifié par Pfizer, Moderna et CureVac, ainsi que par plusieurs organismes de réglementation (Tinari, 2021). De toute évidence, la molécule d’ARNm complète et intacte est essentielle à son efficacité en tant que vaccin, car même une dégradation mineure, n’importe où sur le brin d’ARNm, peut gravement ralentir ou arrêter la traduction correcte de ce brin et ainsi entraîner l’expression incomplète de l’antigène codé (Crommelin et al., 2021). On peut donc supposer que l’absence d’efficacité ou l’augmentation des effets indésirables associés à certains lots de vaccins peuvent être liés, respectivement, à la dégradation de l’ARNm ou à la présence de fragments d’ARNm, dont certains peuvent coder pour des formes tronquées de l’antigène ayant une bioactivité et des propriétés différentes. À cet égard, la détection de peptides Spike S1 mutants chez des patients qui présentent des symptômes semblables à ceux du Covid long plus de 4 semaines après la vaccination (Patterson et al., 2022) soulève également des préoccupations concernant l’authenticité de la séquence de l’ARNm du vaccin et la fidélité de sa traduction en protéines Spike.

Effets indésirables post-vaccination

Au Canada, en date du 28 octobre 2022 (avec les données jusqu’au 14 octobre 2022 inclusivement), il y a eu un total de 51 714 déclarations d’EI (soit 57 déclarations pour 100 000 doses administrées), dont 10 501 (20,3 %) ont été considérées comme graves (soit 11,6 déclarations pour 100 000 doses administrées). Au total, 382 cas de décès ont été signalés après la vaccination. La prévalence des EI après la vaccination chez les femmes était de 77,1 rapports pour 100 000 doses administrées, contre 31,1 pour 100 000 doses administrées chez les hommes. Le taux combiné d’EI a atteint 108,2 rapports pour 100 000 doses administrées, soit 1 rapport pour 1 000 doses et 1 rapport grave pour 5 000 doses, ce qui est considérable. Ce taux d’EI post-vaccinaux peut être largement sous-estimé car – comme le suggèrent les résultats de la présente étude – la plupart des EI peuvent survenir au-delà de la fenêtre temporelle limitée de 6 semaines pendant laquelle l’apparition d’une affection nouvelle/aggravée est actuellement examinée par les autorités. Au facteur temps, nous pouvons également ajouter le manque de sensibilisation des patients, la possibilité d’automédication pour les maladies nouvelles/aggravées et le manque de déclaration par les médecins, comme discuté ailleurs (Provost, manuscrit soumis). Le taux authentique d’EI, qu’ils soient graves ou non, peut donc atteindre un niveau qui ne peut être ignoré, d’autant plus que les EI à long terme restent inconnus.

Les maladies cardiovasculaires constituent l’affection médicale la plus fréquente qui est apparue ou s’est aggravée chez les participants à notre étude. Au Canada, les complications cardiaques, comme la myocardite/péricardite, représentent 1,53 déclaration d’EI d’intérêt particulier (EIP) pour 100 000 injections, et les complications de l’appareil circulatoire totalisent 1,65 pour 100 000 injections. Ensemble, les complications cardiaques/circulatoires (cardiovasculaires) représentent la moitié des 6,26 rapports pour 100 000 injections pour toutes les catégories d’EI d’intérêt spécial. Cette proportion est très similaire à celle observée dans notre étude, malgré le nombre relativement faible de patients. La similitude entre ces deux proportions est en faveur de l’attribution de la causalité des EI observés au vaccin, indépendamment du temps écoulé depuis la vaccination. Cette proportion relativement élevée de complications cardiovasculaires pourrait être liée au drainage des composants du vaccin du site d’injection dans la circulation sanguine et à leur contact avec le système vasculaire. D’autres investigations, telles que des analyses sanguines (par exemple, taux de troponine), des analyses histologiques et immunohistochimiques de biopsies tissulaires et des autopsies, devraient être menées pour confirmer ou infirmer tout lien de causalité avec la vaccination anti-Covid (Maiese et al., 2022). Une analyse du US Vaccine Adverse Events Reporting System (VAERS) et de la European Database of Suspected Adverse Drug Reaction (EudraVigilance) a révélé, pour un nombre équivalent de personnes vaccinées, un risque d’EI cardiovasculaires supérieur de 154 fois pour les vaccins COVID-19 par rapport aux vaccins antigrippaux (Montano, 2022).

En France en 2021, la différence de taux de myocardite avec 2019 et 2020 coïncide avec la campagne de vaccination chez les jeunes individus (Boudemaghe et al., 2022). Dans une étude rétrospective israélienne basée sur une cohorte de 196 992 adultes, aucune augmentation de l’incidence de péricardite ou de myocardite n’a été observée après une infection par COVID-19 (Tuvali et al., 2022).  Dans une cohorte de 23 millions de personnes, chez les hommes de plus de 12 ans, l’incidence de la myocardite/péricardite chez les non-vaccinés était de 0,261/100 000 personnes et variait en fonction du calendrier de vaccination : entre 0,322/100 000 personnes (1 dose de Moderna) et 2,402/100 000 personnes (1 dose de Pfizer suivie d’une dose de Moderna) (Karlstad et al., 2022). Une prévalence similaire ou supérieure de myocardite/péricardite post-vaccinale a été rapportée ailleurs : en 2021, les CDC ont rapporté un taux de 3,23/100 000 injections pour les 18-39 ans dans le Vaccine Safe Datalink (Klein, 2021) et une étude israélienne a rapporté un taux de 3,83/100 000 hommes de tous âges après leur 2ème dose (Mevorach et al, 2021), tandis que des données récentes de santé publique de l’Ontario, au Canada, ont fait état d’un taux de 13 pour 100 000 injections, tous âges confondus (Buchan et al., 2022). L’incidence réelle des lésions myocardiques post-vaccinales pourrait cependant atteindre 2,8% (estimée par l’augmentation du taux de troponine), soit 800 fois plus que les myocardites rapportées dans des études rétrospectives.

Fenêtre de protection vaccinale

Nous avons remarqué qu’un patient a été testé positif à la Covid-19 et hospitalisé dix jours après sa quatrième dose de vaccin Pfizer-BioNTech. Ce cas est compatible avec l’hypothèse d’une protection réduite contre la maladie dans les 14 premiers jours suivant l’injection et souligne la nécessité de constituer un groupe distinct de patients (0 à 14 jours post-vaccination) pour l’utiliser dans des analyses comparatives avec d’autres groupes de patients non vaccinés et vaccinés. La facilitation dépendante des anticorps (ADE) peut être impliquée dans la facilitation ou l’aggravation d’une infection à la Covid-19 survenant dans les jours suivant la vaccination (Shimizu et al., 2022 ; Sridhar et al., 2022).

Limites

Le délai deux fois plus long avant l’apparition des EI (11,57 semaines au lieu de 6) rend plus difficile l’établissement d’un lien de causalité avec les injections anti Covid-19. Ce problème peut être contourné en augmentant le nombre de patients vaccinés et en incluant un groupe témoin de patients non vaccinés dans une étude rétrospective de plus grande envergure qui couvrirait également une période similaire avant Covid-19 et/ou avant la vaccination afin de corriger les changements qui ont pu se produire en l’absence de vaccination.

Seuls les patients présentant des EI symptomatiques ou des événements majeurs liés à la santé ayant entraîné des changements dans leurs prescriptions ont été inclus dans notre étude. D’autres patients ayant connu des changements mineurs, qu’ils ont traité par eux-mêmes ou qui ne nécessitaient pas de modifications de leurs médicaments ou de leur dossier pharmaceutique, n’ont pas pu être identifiés et n’ont pas été inclus dans cette étude, contribuant ainsi à la sous-déclaration des EI.

Au cours du printemps 2022, le test PCR est devenu réservé aux travailleurs de la santé et les patients devaient être inscrits à la Régie de l’assurance-maladie du Québec pour obtenir un kit de détection du Covid-19 antigénique. Par conséquent, nous ne pouvons pas exclure la possibilité que certains de nos patients aient pu avoir la Covid-19 sans avoir été testés positifs ou sans le savoir (asymptomatiques).

Conclusion

La principale conclusion de notre étude est que la plupart des événements liés à la santé, tels qu’enregistrés comme des changements dans les dossiers pharmaceutiques des patients, se sont produits au-delà de la période d’observation de 6 semaines, qui est actuellement utilisée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), appelant ainsi à une extension de cette période et à une révision des directives établies pour la déclaration et les analyses des EI post-vaccination.

L’association entre la vaccination anti-Covid et l’apparition subséquente d’EI n’est pas nécessairement synonyme de causalité. Cependant, les affections nouvelles ou aggravées que nous avons observées chez les patients vaccinés d’une pharmacie québécoise, la période après laquelle elles sont survenues et leur apparition plus rapide en association avec le nombre de doses reçues et le nombre de comorbidités, soulèvent des questions de santé publique suffisamment sérieuses et importantes pour justifier des enquêtes collaboratives plus larges, plus étendues et plus approfondies par des groupes indépendants de pharmaciens et de chercheurs. Des opportunités de financement de recherches indépendantes devraient être lancées pour promouvoir des études rétrospectives bien contrôlées visant à caractériser la nature, l’occurrence et la gravité des effets indésirables associés à cette nouvelle génération de vaccins et, espérons-le, à déterminer tout lien de causalité possible, le cas échéant, avant que leur utilisation ne soit encore plus étendue pour lutter contre les variants du COVID-19 et d’autres maladies infectieuses.

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"J’ai soigné les malades du Covid": entretien avec le Dr Bernard Giral

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Le docteur Bernard Giral est médecin généraliste à Fontvieille et président de la CTPS (Communauté territoriale professionnelle de santé) du pays d’Arles (Bouches-du-Rhône). Lorsque l’épidémie de Covid est arrivée en France début 2020, il fait partie de la courageuse minorité de médecins qui ont refusé les consignes mortifères d’inaction des « autorités sanitaires » parisiennes (restez chez vous, prenez du Doliprane, appelez les services d’urgence en cas de détresse respiratoire). Il a au contraire soigné les gens, principalement avec le protocole de l’IHU de Marseille, et avec une totale réussite puisque aucun des quelques 1 500 malades soignés n’est décédé. Son action est très reconnue localement (voir par exemple ici la cérémonie de remise de la médaille de la ville il y a quelques mois), mais demeure inconnue ou impensée des autorités centrales. Elle confirme une fois de plus que la première cause de mortalité durant l’épidémie de Covid de 2020-2022 ne fut pas le virus en lui-même mais le refus de soigner les malades. Ce refus était de nature idéologique et il était éminemment contraire au fondement même de l’éthique médicale. L’action du Dr Giral démontre par ailleurs que les déserts médicaux ne sont pas une fatalité et qu’il existe des façons de s’organiser collectivement et de créer de véritables dynamiques locales lorsque l’initiative part d’en bas (des professionnels et des bénévoles de terrain) plutôt que de tomber d’en haut (des cabinets ministériels et de leurs consultants privés).