« J’ai soigné les malades du Covid »: entretien avec le Dr Bernard Giral

Le 05/11/2024 par Laurent Mucchielli

« J’ai soigné les malades du Covid »: entretien avec le Dr Bernard Giral

Le docteur Bernard Giral est médecin généraliste à Fontvieille et président de la CTPS (Communauté territoriale professionnelle de santé) du pays d’Arles (Bouches-du-Rhône). Lorsque l’épidémie de Covid est arrivée en France début 2020, il fait partie de la courageuse minorité de médecins qui ont refusé les consignes mortifères d’inaction des « autorités sanitaires » parisiennes (restez chez vous, prenez du Doliprane, appelez les services d’urgence en cas de détresse respiratoire). Il a au contraire soigné les gens, principalement avec le protocole de l’IHU de Marseille, et avec une totale réussite puisque aucun des quelques 1 500 malades soignés n’est décédé. Son action est très reconnue localement (voir par exemple ici la cérémonie de remise de la médaille de la ville il y a quelques mois), mais demeure inconnue ou impensée des autorités centrales. Elle confirme une fois de plus que la première cause de mortalité durant l’épidémie de Covid de 2020-2022 ne fut pas le virus en lui-même mais le refus de soigner les malades. Ce refus était de nature idéologique et il était éminemment contraire au fondement même de l’éthique médicale. L’action du Dr Giral démontre par ailleurs que les déserts médicaux ne sont pas une fatalité et qu’il existe des façons de s’organiser collectivement et de créer de véritables dynamiques locales lorsque l’initiative part d’en bas (des professionnels et des bénévoles de terrain) plutôt que de tomber d’en haut (des cabinets ministériels et de leurs consultants privés).

Bernard Giral, médecin généraliste à Fontvieille ©La Provence

1) Bonjour Bernard Giral. Qui êtes-vous ? Quels ont été votre parcours et votre activité sur le pays d’Arles où vous exercez depuis très longtemps ?

J’ai 78 ans et je suis toujours actif ! Je suis de formation scientifique au départ. J’ai fait une maitrise en physiologie puis le cursus de la faculté de médecine, le tout à Montpellier. Une fois mon diplôme en poche, je me suis installé comme médecin généraliste à Fontvieille (dans le nord des Bouches-du-Rhône) en 1974 et j’y exerce donc depuis 50 ans.

Outre mon cabinet de généraliste, je me suis investi rapidement dans des coordinations de défense de la médecine, puis dans le syndicalisme. Enfin, j’ai été élu aux URPS pour la région Paca (les Unions Régionales des Professionnels de Santé représentent les professionnels de santé libéraux). Je suis également très engagé sur le plan local. J’ai organisé la Formation Médicale Continue associative locale, monté une fédération d’associations de Formation Médicale Continue sur notre territoire et organisé une dizaine de congrès dans la région, et pas uniquement sur des questions médicales. En mars 2000, par exemple, j’ai organisé un congrès au Palais des Papes en Avignon pour célébrer l’échéance calendaire mythique. Le principe était de faire témoigner de manière documentée des acteurs de l’aventure ayant côtoyé l’extrême dans les différents axes dans l’espace et dans le temps (Jean-Louis Étienne, Patrick Baudry, Jeannot Lamberton, Michel Siffre, Jean-Pierre Beltoise, Michel Fournier, Didier Raoult pour l’aventure des antibiotiques et d’autres encore).

Enfin, j’ai collectivisé mon cabinet en rassemblant des professionnels du territoire. Ceci nous a permis de lancer en 2016 la première Maison de Santé pluriprofessionnelle (MSP) du territoire, labellisée par l’Agence Régionale de Santé (ARS), puis la première Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) de la région PACA et la troisième de France. Le bassin de population de notre CPTS regroupe 28 communes et compte 170 000 habitants. J’en suis toujours le président. J’ai également favorisé la coopération entre les soignants et entre les établissements dans le secteur gériatrique. Bref, je suis « un combattant de la médecine de ville » comme le rapportait récemment le journal local La Provence. J’essaye notamment d’empêcher que ces territoires se transforment en déserts médicaux comme on le voit dans de plus en plus de régions françaises.

2) Nous remontons un petit peu le temps. Nous sommes en février-mars 2020, bientôt confinés, l’épidémie de Covid est censée déferler sur la France. Que constatez-vous ? Que dit l’Agence Régionale de Santé (ARS) aux soignants de terrain ? Comment vous organisez-vous dans votre réseau ?

A l’arrivée de l’épidémie de Covid, avec mes associés professionnels de santé, nous ouvrons un centre de consultation externalisé et sécurisé pour y diriger les patients suspects d’être infectés et permettre ainsi à tous les autres de continuer à être suivis et soignés en toute sécurité dans les cabinets médicaux. Ce centre de consultation externe d’urgence est le premier de France. Nous l’installons dans la salle des fêtes de Fontvieille (le lecteur peut regarder ici une petite vidéo réalisée dans ce centre).

Je dois dire que j’ai eu évidemment à l’époque une longue discussion avec l’ARS qui n’a pas validé notre démarche. Elle recommandait de s’en tenir au strict confinement, conformément aux directives nationales du « Restez chez vous, prenez du Doliprane en cas de fièvre et appelez le 15 en cas d’aggravation ». Ces directives, dont j’ai été stupéfait de voir qu’elles étaient validées par la Haute Autorité de Santé (HAS), étaient contraires à notre devoir de médecins qui, conformément au Serment d’Hippocrate, est de soigner les gens et de sauver des vies en toutes circonstances, et non de rester les bras croisés sans rien faire, en attendant que les plus fragiles se dégradent et partent en urgence à l’hôpital où leurs chances de survie étaient d’emblée sérieusement hypothéquées. Le président Macron avait déclaré « l’état de guerre », et ceci me confortait dans ma position de médecin-soldat du front, engagé « à corps perdu », en utilisant tous les moyens et toutes les armes à ma disposition, afin de sauver le maximum de vies. J’avais d’ailleurs écrit au président pour sécuriser notre démarche et tenter de la faire valider en haut lieu.

Bref, je suis donc passé outre l’aval de l’ARS et m’en suis toujours félicité. Par la suite, nous avons du reste créé quatre autres centres à Tarascon, Arles, Saint-Rémy de Provence et Châteaurenard, tous sécurisés selon le même protocole et répartis sur tout le territoire de notre CPTS. Vingt jours après l’ouverture du premier centre, l’ARS me demandait simplement de m’engager sur l’honneur pour certifier la sécurisation de tous ces centres qui devaient ensuite devenir des centres de dépistage, puis des centres de vaccinations (ces derniers étaient ensuite gérés par les communes concernées). 

Ce dispositif nous a permis de supporter le choc des confinements en 2020. Cette mesure radicale (le confinement) était en effet inutile voire contre-productive. Les contaminations ont explosé dans les espaces clos. Il a fallu parfois prendre en charge des familles entières. J’ai dû également prendre en charge des centaines de travailleurs agricoles confinés du jour au lendemain dans des gourbis, en lieu et place du travail au grand air.

3) Concrètement comment avez-vous soigné les malades sur le pays d’Arles ?

Je connaissais les travaux d’infectiologie des équipes du professeur Raoult depuis très longtemps, et j’avais suivi la création de l’IHU de Marseille en 2016. Donc, lorsqu’il a déclaré qu’il ne fallait pas paniquer, que l’on pouvait dépister et surtout que l’on pouvait traiter les gens de manière efficace en intervenant de façon précoce, dès les premiers symptômes, cela m’a paru être du bon sens médical et c’est ce que je m’apprêtais à faire de toutes façons. J’ai donc appliqué le protocole de l’IHU : hydroxychloroquine et azithromycine aux doses indiquées, avec du zinc et de la vitamine D en appoint.

A cet égard, je dois dire que je n’ai jamais compris la polémique qui s’est développée sur la prétendue toxicité cardiaque de l’hydroxychloroquine. Cela ressemblait à un montage politique et médiatique totalement déconnecté de la réalité du terrain. J’ai prescrit de l’hydroxychloroquine pendant plusieurs décennies, par exemple pour des malades atteints d’un lupus. Cette molécule ne devient toxique qu’à partir d’une certaine dose, dont nous étions très loin dans ce protocole. L’efficacité et la toxicité d’un médicament dépendent de son dosage. Et c’est vrai d’ailleurs de la plupart des médicaments (à commencer par le Doliprane, qui peut rapidement devenir toxique). Tout médecin est censé le savoir. Ce montage politique et médiatique était donc un scandale, et je l’ai fait savoir dans la presse dès le mois de mars 2020, puis dans une lettre ouverte au ministre de la Santé Olivier Véran début avril. Je relayais la colère des soignants et des patients devant cette volonté d’empêcher la prescription précoce de l’hydroxychloroquine en médecine de ville et de réserver son usage pour les patients hospitalisés, c’est-à-dire à une phase de la maladie où le dernier des imbéciles a bien compris son inefficacité, l’orage inflammatoire ayant succédé à la phase virale.

Alors bien sûr, devant les mises en garde voire les critiques répétées à l’égard du risque cardiaque de l’hydroxychloroquine, nous avons équipé nos centres d’électrocardiographie pour pouvoir faire un ECG aux patients une première fois avant prescription et une seconde de contrôle quelques heures après la première prise. Rien d’extraordinaire, mais cela sécurisait le soin et rassurait tout le monde.

Enfin, pour protéger l’hôpital (dont tout le monde redoutait l’engorgement), nous avons créé une ligne téléphonique dédiée aux professionnels de terrain : infirmières et médecins. Il y avait là une pneumologue et un réanimateur qui conseillaient sur les conduites à tenir en termes de médications, niveaux d’oxygénation à domicile, etc., afin de faciliter le maintien des malades à domicile sous notre surveillance, en lien avec les confrères hospitaliers. D’ailleurs, la plupart de ces derniers ont bien compris l’intérêt de notre action. Nous (médecine de ville) étions la première ligne de défense, qui a absorbé une grande partie du choc, ce qui a permis à la deuxième ligne (hospitalière) de tenir sans grandes difficultés.

Par la suite, nous avons eu évidemment des difficultés d’approvisionnement et de délivrance en pharmacie pour l’hydroxychloroquine. Lorsque nous n’en avions plus, nous avons continué avec l’azithromycine, le zinc et la vitamine D. Compte tenu des évolutions en réanimation, nous avons également introduit par la suite la corticothérapie et des anticoagulants ainsi que de l’oxygénation à haut débit. Et je dois dire que, là encore, nous l’avons fait dans l’inobservance totale des recommandations nationales mais, par contre, dans l’intérêt premier et supérieur de nos patients.

4) Au final, quels sont vos résultats ? Avez-vous pu les chiffrer ?

Je n’ai pu le faire que pour ma propre patientèle. Au final et en ce qui me concerne donc, j’ai pris en charge environ 1 500 personnes malades de la Covid. Deux d’entre elles (qui avaient des comorbidités importantes) ont fait un passage aux urgences pendant 2 à 4 jours pour oxygénothérapie à très haut débit, puis sont ressorties en étant tirées d’affaire. Au final, je n’ai donc aucun mort du Covid à déplorer. Ceci équivaut à 100% de succès avec un traitement inoffensif et peu couteux.

Je veux en revanche témoigner du fait que, dans ma patientèle habituelle (les personnes qui me déclarent comme étant leur médecin traitant), 4 personnes qui avaient attrapé le Covid, qui ne m’ont pas consulté et qui s’en sont tenues au Doliprane, sont décédées.

Enfin, je veux également signaler que ce protocole m’a permis de soigner avec succès de graves malades poly-pathologiques contrairement à toute attente. Par exemple, l’une d’elle, pesant 103 kilos, diabétique insulinée, insuffisante respiratoire et insuffisante cardiaque, a été sauvée en 12 jours à domicile.

5) Quel regard portez-vous sur la politique de vaccination obligatoire et totale (y compris enfants et femmes enceintes) de manière générale ? Avez-vous constaté une efficacité et avez-vous observé des effets secondaires graves ?

Le 1er janvier 2021, j’ai été interviewé sur les vaccins qui allaient bientôt sortir. J’ai répondu que ces vaccins me paraissaient apparentés aux techniques de thérapies géniques qui se développent ces dernières années mais sont encore au stade expérimental en ce qui concerne les virus et les humains. Dans ces conditions, j’ai rappelé en fin de compte l’importance du principe de précaution. J’en ai conclu que si ces nouvelles thérapies pouvaient sans réserve être administrées à des patients en danger de mort, leur application à des sujets en parfaite santé posait question et méritait davantage de données. Il faut en réalité des années pour mettre au point un bon médicament. Cet empressement m’inquiétait. J’ai également pointé du doigt l’incohérence totale entre le fait d’un côté d’interdire l’usage d’un médicament largement utilisé depuis 50 ans sans problème, et d’un autre côté de se précipiter pour administrer sous contrainte un « vaccin » mis au point et fabriqué à la hâte pour répondre à une urgence (ou profiter d’une aubaine ?). Cette contradiction dépasse mes capacités de compréhension.

Quant à l’efficacité et aux possibles effets indésirables graves de la vaccination, je n’ai pas de chiffres précis à vous donner. Je peux seulement témoigner de ma pratique de terrain quotidienne. Sur cette base, je peux vous dire deux choses qui sont des constats cliniques. La première est que la majorité des récidives de Covid que j’ai eu à soigner par la suite concernaient des personnes vaccinées, ce qui relativise l’efficacité. La seconde est que j’ai noté une augmentation des cas de cancers dans ma patientèle, en particulier des cancers du Pancréas, ainsi que d’autres pathologies, apparues dans les semaines ou les mois suivant la vaccination anti-covid. Face à ce constat, et pour évoquer l’imputabilité à une thérapie vaccinale, il conviendrait de cumuler les témoignages de médecins libéraux et hospitaliers (comme celui que vous avez traduit récemment du Dr Ute Krüger en Suède) et croiser tout ça avec des études épidémiologiques bien évidemment.

6) Les médecins qui ont dit publiquement qu’ils ne suivraient pas les consignes du gouvernement (ou bien qui ont même été parfois dénoncés par des « confrères » voire par des patients) ont généralement été poursuivis par le Conseil de l’ordre des médecins. Avez-vous connu pareille mésaventure (ou d’autres médecins dans votre réseau arlésien) ?

Non. Nous n’avons pas été concernés par les poursuites de l’Ordre des médecins. A vrai dire, c’aurait été un comble et cela aurait été un peu gros ! En ce qui me concerne, comme je vous l’ai dit, je n’ai eu aucun mort du Covid sur quelques 1 500 malades soignés pour une maladie qu’on présentait au départ comme la nouvelle peste ou la nouvelle grippe espagnole, et que l’on mettait en scène tous les soirs à la télévision en égrenant le nombre d’hospitalisés et de morts. Et si personne n’est mort parmi nos patients, c’est bien parce que nous avons soigné les gens en conformité avec notre serment d’Hippocrate. Nous n’avons donc rien à nous reprocher, bien au contraire. Ce qui n’est pas le cas de tous.

7) Quelles leçons tirez-vous de cette période exceptionnelle ? Quel message auriez-vous envie de faire passer aux jeunes pour l’avenir ? 

Je crois que cette crise a montré le pire et le meilleur. Je ne vais pas revenir sur le pire, votre propre travail l’a hélas amplement documenté. Mais cette crise du Covid a aussi montré que l’on pouvait réagir de façon très rapide, cohérente et même innovante pour organiser efficacement la santé publique dans un moment de crise épidémique, pour peu que l’on reste fidèle à son expérience accumulée sur le terrain et à ses valeurs. Le drame du Covid a montré l’aveuglement ou la soumission de beaucoup de médecins du fait de la pression extrêmement forte venue d’en haut et de consignes sanitaires face auxquelles je vous ai dit mon incompréhension et ma colère. J’espère que les futurs médecins resteront fidèles à leur éthique professionnelle. Ils doivent être avant tout au service de leurs patients et non du pouvoir politique du moment dont le spectacle évolutif est déconcertant et peu rassurant.  

Propos recueillis par Laurent Mucchielli

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