« L’obscurantisme au pouvoir: imposture zététique, corruption de la science et soumission du journalisme »

Le 19/09/2024 par Laurent Mucchielli

« L’obscurantisme au pouvoir: imposture zététique, corruption de la science et soumission du journalisme »

Dans le précédent livre de Brice Perrier, paru en 2021, le journaliste indépendant avait déjà eu le courage d’interroger les manipulations génétiques aux origines du Sars-Cov-2 ainsi que la piste de la fuite de laboratoire aux origines de l’épidémie, la façon dont ces réalités ont été cachées par l’OMS et par les gouvernements impliqués, le tout avec la complicité de nombreux journalistes. Son nouveau livre, L’obscurantisme au pouvoir. Quand la pensée dominante entrave la connaissance (Max Milo) traite de l’état de la science en ce début de 21ème siècle, état caractérisé par l’impossibilité d’avoir des débats et des controverses ordinaires sur les questions de santé comme sur d’autres, du fait du lobbying agressif déployé par des sortes de nouveaux ayatollahs d’une rationalité scientifique dévoyée. Ce travail a le mérite de soulever plusieurs problèmes majeurs qui contribuent directement à la misère du débat intellectuel français

Brice Perrier est un journaliste indépendant (QG média l’avait reçu le 4 octobre 2021), qui a notamment collaboré avec Marianne et Blast ces dernières années, et réalisé de nombreuses piges dans d’autres journaux ou sur des médias en ligne. Il est de surcroît l’auteur d’un précédent livre, paru en mai 2021, dans lequel il a eu le courage d’interroger les manipulations génétiques (les fameux « gains de fonction ») aux origines du Sars-Cov-2 ainsi que la piste de la fuite de laboratoire (et non une zoonose) aux origines de l’épidémie, et la façon dont ces réalités ont été cachées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et par les gouvernements impliqués (les USA et la Chine bien sûr, mais aussi la France qui a contribué à la création du laboratoire virologique de haute sécurité de Wuhan inauguré en 2017 en présence de Bernard Cazeneuve alors Premier ministre). Et ce tandis que la quasi-totalité de ses confrères et consœurs se sont tus, quand ils ne se sont pas acharnés à estimer que de telles investigations relèveraient du « complotisme », le mot préféré des ignorants, des paresseux et des hypocrites. Son nouveau livre, L’obscurantisme au pouvoir. Quand la pensée dominante entrave la connaissance, vient de paraître. Et il est encore plus courageux. Le sujet central est l’état de la science en ce début de 21ème siècle, état caractérisé par l’impossibilité d’avoir des débats et des controverses ordinaires sur les questions de santé comme sur d’autres en réalité, du fait du lobbying agressif déployé par des sortes de nouveaux ayatollahs d’une rationalité scientifique dévoyée. La question est vaste. Bien que traitant certains sujets de façon trop rapide, ce travail a le grand mérite de soulever au moins trois problèmes majeurs qui contribuent directement à la misère du débat intellectuel français.

Brice Perrier est journaliste indépendant. Il publie chez Max Milo: « L’Obscurantisme au pouvoir »

1. La zététique, refuge des scientifiques ratés en mal de reconnaissance

Le chapitre 4 du livre s’intitule « Illusions zététiques ». L’auteur y met le doigt sur un élément important de l’obscurantisme contemporain, cette façon dont certaines personnes se croient autorisées à accuser, insulter, diffamer et tenter par tous les moyens de mettre en difficulté les savants dont ils ne partagent pas les opinions ou que les recherches dérangent pour une raison ou une autre. Son premier exemple est un dénommé Alexander Samuel, qui bénéficie hélas d’une certaine notoriété auprès des utilisateurs du réseau X (ex-Twitter), et dont le passe-temps du matin au soir depuis 2020 consiste à poursuivre de sa vindicte bavarde et prétentieuse toutes celles et tous ceux qui ne partagent pas les justifications officielles de la politique sanitaire du gouvernement (la doxa du Covid), pour encenser en retour les « experts » favoris du gouvernement (comme Dominique Costagliola et Karine Lacombe). Il est même intervenu au Sénat à l’invitation de Bernard Jommier (Parti socialiste). Entre autres (nombreux) exemples, M. Samuel s’est permis de traiter de « charlatan » le biologiste Jean-Marc Sabatier, directeur de recherche au CNRS (Institut de NeuroPhysioPathologie, Aix-Marseille Université). Ce dernier est l’auteur de plusieurs publications précoces montrant l’effet thérapeutique très important de la vitamine D contre le Covid (Giacomoni, Sabatier, 2020 ; Cao, Wu, Faucon, Sabatier, 2020). En outre, comme le rappelle Brice Perrier, Sabatier est un chercheur qui a peut-être fait une découverte majeure, à savoir le lien entre le Covid et le système rénine angiotensine (SRA) par la fixation du coronavirus via sa protéine de pointe (la spike) sur le récepteur cellulaire ACE2 (Perrier, 2024, 81sqq). Sabatier a montré que quasiment tous les symptômes du Covid pouvaient se comprendre par ce dérèglement du SRA, de même que les covids longs et que les effets indésirables de vaccins ARNm (Sabatier, Fougères, 2024). M. Samuel n’y connait rien, mais il se répand pourtant en attaques virulentes. B. Perrier en a lui-même fait les frais à l’occasion de son précédent livre sur les origines du Sars-Cov-2. M. Samuel n’y connaît rien non plus et ne s’est pas montré capable de contredire scientifiquement l’enquête de M. Perrier. Alors il a cherché sur Internet s’il trouvait de quoi tenter de discréditer l’auteur. La méthode est un classique des polémistes intéressés (également appelés « influenceurs ») qui sont aujourd’hui légion sur Internet. A défaut de compétence, on procède par anathème et attaques ad personam. Ainsi M. Samuel crut-il trouver dans une ancienne enquête de M. Perrier portant sur le mouvement indépendantiste savoyard (diffusée il y a quelques années sur France 3) un lien avec un personnalité locale d’extrême droite. A défaut de science, voilà l’argument majeur, il est politique et il est de surcroît erroné. M. Perrier n’a aucune sorte de rapport avec l’extrême droite et il dénonce à juste titre « un raisonnement conjuguant médisance, ignorance et fantasme » (Perrier, 2024, 91).

Ce genre d’amalgames volontaires et d’arrière-pensées politiques est une pratique plus que courante chez les apprentis zététistes. On la retrouve chez d’autres de ces usurpateurs du nom de la science, à l’image de Vled Tapas et Thomas Durand, « les deux animateurs de la plus influente des chaînes YouTube zététistes, ‘La Tronche en Biais’, qui compte près de 300 000 abonnés » (ibid., 96). Tous ont passé leur temps à ânonner la doxa du Covid car, comme sur tous les sujets, ils ne font que suivre le vent dominant du moment (ibid., 95). Un autre exemple typique est la question de l’homéopathie. Que le sujet fasse débat est une évidence, dans la mesure où les mécanismes de l’action supposée demeurent largement inconnus. Mais, précisément, en sciences on débat. Or les zététiciens ne savent pas débattre. Ils ne savent qu’insulter et ricaner. Ainsi M. Samuel compare-t-il le fait d’en débattre avec le fait de faire l’apologie du nazisme ou bien des plaisanteries pédophiles (ibid., 98). C’est dire le niveau. Quant à M. Durand, qui compare l’homéopathie tantôt à l’astrologie tantôt à la sorcellerie, il juge que « les homéopathes sont nuls, ou malhonnêtes, ou un mélange des deux » (ibid., 98-99). On voit ici encore le niveau des arguments. Et lorsque M. Perrier lui propose un entretien dans le cadre de son enquête, M. Durand refuse (p. 101). Chez ces gens-là, on n’débat pas monsieur, on insulte.

D’autres chercheurs et journalistes d’enquête ont déjà documenté l’imposture zététique, notamment sur la question des OGM et du glyphosate (Foucart et al., 2020). Mais B. Perrier aurait pu aller plus loin encore, en se servant d’un certain nombre de travaux permettant d’objectiver la nature du phénomène. Rappelons ici que la « zététique » a été fondée par Henri Broch, qui enseignait la physique théorique à l’Université de Nice dans les années 1970. On relève toutefois d’emblée que, « chercheur contractuel, financé par des contrats militaires depuis sa thèse soutenue en 1978, Henri Broch n’a jamais publié aucun article scientifique dans une revue à comité de lecture » (Andreotti, Noûs, 2020, 24). Il s’agir donc de parler de la Science sans la pratiquer réellement. A travers plusieurs ouvrages, Broch prétend incarner « l’esprit critique » et « l’art du doute » ainsi que mettre au point une « méthode » censée permettre de départager science et non-science, en s’attaquant notamment à l’astrologie, à la parapsychologie, à la radiesthésie, à l’hypnose et à l’homéopathie. Le scientisme se révèle notamment à travers le simplisme des « règles d’or » de la science telles que redéfinies par Broch (Bodin, 2021, 81-82). D’abord un « matérialisme » au terme duquel, « indépendamment de l’observateur, la nature est. La nature est d’un ‘fonctionnement’ sûr ; ce qui signifie, entre autres, que l’observateur extérieur ne peut pas influer sur le résultat d’une mesure d’un phénomène de la nature ». Or nous savons au moins depuis Nils Bohr (autre physicien, danois, prix Nobel de physique en 1922) que ceci est une grosse naïveté (Lurçat, 2001). Et il en va de même de la règle de la « prédictibilité » selon laquelle serait scientifique tout savoir pouvant donner lieu à un modèle prédictif. Ce genre de naïvetés a été terriblement néfaste au début de la crise du Covid, à l’image des prédictions catastrophistes de Neil Ferguson (Rouchier, 2022).

Ainsi, les zététiciens ne produisent aucune science. Ils interviennent en revanche dans de nombreuses controverses en venant prétendre y séparer le Vrai du Faux et ils ont beaucoup investi Internet et les réseaux sociaux pour gagner en notoriété. Comme l’écrit Cyrille Bodin (2021, 79), « la zététique, composante majeure du scientisme militant aujourd’hui en France, intervient dans une lutte pour le contrôle des instances d’une énonciation publique des sciences », de même que ses partisans s’investissent dans « la lutte contre la désinformation » et dans l’« éducation aux médias ». Ainsi, « en contribuant à générer des éléments de langage aisément appropriables et en participant à la construction médiatique des problèmes publics, la zététique a su se placer dans une position centrale lors de nombreuses controverses », et ses représentants ont été parfois très actifs dans celles qui ont eu lieu durant la crise du Covid. La plupart de ces derniers ne sont toutefois pas des scientifiques mais des auteurs prétendant vulgariser la science. Ce sont en réalité des personnes dont le discours relève du scientisme, en « procédant à la conversion d’énoncés d’origine scientifique en une forme d’autorité ‘experte’ », le zététisme « conduit à justifier ‘au nom de la Science’ un ensemble d’opinions ou de croyances, aussi diverses soient-elles, relevant pourtant de considérations de sens commun » (ibid.). Il s’agit de s’approprier et de manipuler l’idée ou le symbole de la science. Le zététisme est donc en réalité une idéologie de la Science, qui idolâtre également l’idée du progrès général de la société par les sciences et les techniques. Ne produisant aucun savoir scientifique particulier, les zététiciens s’investissent dans les polémiques et les controverses en essayant de s’y imposer comme des arbitres prétendant pouvoir ériger des frontières étanches entre la science et le charlatanisme, entre « les sorciers et les savants » selon l’expression de Broch, bref entre le Vrai et le Faux. Ils produisent alors « une disqualification des représentations de l’Autre, alors construites selon les figures du ‘profane’, de ‘l’obscurantiste’, du ‘complotiste’, de ‘l’anti-vax’, de ‘l’écologiste’, du ‘gauchiste’ ou encore du ‘covidiot’ » (ibid., 80). Ainsi, ces dernières années, ils se sont investis dans les controverses sur les OGM, les pesticides, le terrorisme, la radicalisation et la crise du Covid avec, dans ce dernier cas, deux sujets de prédilection : « l’affaire Didier Raoult » et celle de la « vaccination anti-covid ». On trouve ainsi de nombreux adeptes de la zététique parmi les personnes qui ne cessent d’accuser les médecins-chercheurs de l’IHU de Marseille de « charlatanisme » et de « fraude scientifique », pour encenser en retour les nouvelles thérapies géniques rebaptisées « vaccins anti-covid », les présentant comme l’exemple même du progrès technologique résolvant des problèmes humains. Le zététisme repose ainsi sur une naïveté et une pensée manichéenne qui constituent des simplismes confondants. Il s’agit fondamentalement d’une idéologie infantile de la science, qui compense son déficit de légitimité académique par une présence agressive dans le débat public par le biais des médias, d’Internet et des réseaux sociaux, à l’image de la chaîne YouTube La tronche en biais, déjà évoquée. Dans cette mouvance, on trouve également l’essayiste Laurent Alexandre, principal promoteur du transhumanisme dans le débat public en France (Testart, Rousseaux, 2018). Elle compte aussi dans ses rangs l’universitaire et sociologue Gérald Bronner, dépourvu lui aussi de pratique scientifique empirique mais pas de liens politiques. Brice Perrier rappelle son rôle à la tête de la commission « Les Lumières à l’âge numérique » décidée par le président Macron, et cette façon de créer de façon purement artificielle et arbitraire des pseudo « consensus scientifiques » (Perrier, 2024, 22-23). Au passage, on note que M. Bronner a lui aussi refusé l’interview proposé par M. Perrier, révélant ainsi « une tendance à voir des biais cognitifs chez les autres pour expliquer des comportements jugés déraisonnables, mais pas chez soi » (ibid., 43). Encore un modèle de posture scientifique sans doute… Au passage, on apprend que M. Bronner est un proche de Rudy Reichstadt, le célèbre pourfendeur de fake news dépourvu également de toute culture scientifique, qui est allé jusqu’à déclarer que Big Pharma était « une théorie complotiste » (ibid., 49-50). Cela situe le personnage et la profondeur de sa pensée.

En fin de compte, « prétendre parler ‘au nom de la science’ hors de la science est une usurpation », rappellent Andreotti et Noûs (2020, 21). Le zététisme est bien une idéologie qui, par ailleurs, convient parfaitement aux industriels qui, sur la question des pesticides comme sur celle du Covid, prétendent avoir les réponses aux grands problèmes humains (ici l’alimentation et la santé). De là « une grande porosité vis-à-vis des stratégies d’influence publique déployées par certains groupes industriels » (Bodin, 2021, 86) et que l’on retrouve dans les productions de l’AFIS, Association Française pour l’Information Scientifique (Foucart et al., 2020).

Ainsi, la zététique constitue une « communauté pseudo-rationaliste composée de quelques centaines de personnes, hyperactives en ligne, pour la plupart sans production scientifique (hormis quelques doctorants, souvent en thèse industrielle ou en reprise d’études). Les ingénieurs y sont fortement représentés, et en particulier ceux de grandes entreprises publiques privatisées. On y compte aussi quelques dizaines d’agriculteurs et une cinquantaine de militants ‘libertariens’, les ‘Ze’, formant un sous-milieu radicalisé de cadres commerciaux, de traders, de cadres d’assurance, etc. ». Et ce n’est pas tout : « Parmi les figures saillantes du milieu pseudo-rationaliste en ligne, on compte trois journalistes, Emmanuelle Ducros (L’Opinion), Géraldine Woessner, (Le Point) et Peggy Sastre (Le Point et Causeur), un animateur de télévision, Olivier Lesgourgues dit Mac Lesggy, un entrepreneur ‘libertarien’, Laurent Alexandre, des communicants vulgarisateurs de GRDF, d’EDF, d’Orano (ex-Areva), de BASF et de Bayer, ainsi que des youtubeurs du mouvement zététique/sceptique » (Andreotti et Noûs, 2020, 22). Cette mouvance est par ailleurs très bien organisée sur les réseaux sociaux, en particulier Twitter où sont présents la plupart des journalistes et de nombreux universitaires. Elle y mène « des attaques en meute », en pratiquant le harcèlement et en « adoptant la posture du martyr numérique » décrite par Andreotti, ce dernier constatant lui-même les pratiques de ces contradicteurs : « l’annonce du présent article m’a valu six menaces de procès, la collecte et la diffusion des quelques photographies en ligne où je figure, la recherche de mon adresse privée et une incroyable cohorte d’insultes » (Andreotti, Noûs, 2020, 22). Et pour cause, il ne saurait y avoir de disputatio honnête entre scientifiques puisque, sauf exception, les zététiciens ne sont pas des scientifiques. Il s’agit bien plutôt d’une série d’individus le plus souvent autodidactes ou avec « une formation scientifique lacunaire conduisant à ne jamais avoir été confronté à la recherche scientifique », le tout formant « une communauté dogmatique et sectaire » dont l’amour déclaré pour la Science n’a d’égal que l’absence de sa pratique professionnelle. Des scientifiques ratés en somme.

2. La corruption de la science : politisation et conflits d’intérêts

Nous avons mis en évidence depuis longtemps le fait que la crise du Covid a été gérée avant tout de façon politico-morale et non médico-scientifique (Mucchielli, 2022a). En France, la question reste taboue, mais tel n’est pas le cas en Allemagne. La divulgation des RFI Files (RKI = Robert Koch Institut) a montré de façon éloquente, à l’été 2024, comment le gouvernement allemand n’a cessé de faire pression sur cet équivalent du « Conseil scientifique Covid-19 » français, afin qu’il valide ses décisions concernant aussi bien le confinement général, la fermeture des écoles, le port du masque en population générale ou encore la vaccination des enfants (Simonelli, 2024). Les mêmes pressions politiques ont été constatées à l’égard de la Stiko, la Commission permanente de la vaccination (Redaktion, 2024). Par ailleurs, ceci alimente directement des actions en justice dirigées contre les mesures politiques de l’époque et a conduit à la saisine de la Cour constitutionnelle au sujet de la conformité des lois anti-covid à la loi suprême allemande.

Rien de tout cela en France, donc. Et pourtant, là comme ailleurs, nombre d’institutions publiques et de hauts fonctionnaires ont couvert (et couvrent encore) l’ingérence politique, acceptant de jouer le même sinistre jeu proposé par le gouvernement : valider les décisions politiques par « la science », quand bien même cette dernière atténuerait voire même contredirait les décisions en question. Ceci concerne bien entendu le « Conseil scientifique Covid-19 » (devenu le « Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires » en 2022) et le « Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale ». Mais cela concerne en réalité également beaucoup d’autres institutions publiques contribuant à la connaissance médicale et scientifique, de par la production de données et d’expertise. Ainsi, des chercheurs ont pu critiquer la présentation des statistiques de mortalité par l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), présentation qui orientait l’analyse dans le sens d’une dramatisation indue de la réalité (Toubiana, 2022 ; Chaillot, 2023). De même, nous avons été plusieurs à critiquer la pratique de la rétention d’information par des services publics comme la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques) en ce qui concerne les statistiques relatives aux décès en fonction du statut vaccinal, et comme l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) qui refuse de donner les fichiers des données correspondant aux effets indésirables des injections Covid, malgré l’avis favorable de la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) (Maudrux, Teilhet, 2024). On devra également s’interroger sur le comportement du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) et plus encore de la Haute Autorité de Santé (HAS) dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a guère ressemblé à une « autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale » durant la crise du Covid, tant elle s’est elle aussi compromise dans le jeu politique déjà évoqué.

S’il ne fait qu’évoquer ces institutions, le livre de B. Perrier donne en revanche quelques informations édifiantes sur l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale).  Il raconte en effet comment, en octobre 2022, il assiste à un colloque organisé par l’INSERM sur le thème de la désinformation en matière de santé, et découvre à cette occasion l’existence d’une « cellule riposte » ayant créé un partenariat avec les chaînes de télévision TF1 et LCI et leurs fact-checkers. En interviewant des responsables de l’INSERM, il comprend que cette « cellule riposte » a « été constituée à la suite des prises de position publiques de l’épidémiologiste Laurent Toubiana » (Perrier, 2024, 24-25). Et à l’occasion de ces entretiens, il peut également mesurer le grand écart qui sépare les communiqués officiels (qui seront donc repris par les journalistes) de ce que pensent réellement les médecins et les scientifiques. Ainsi cette immunologiste est consciente du risque d’effets indésirables des vaccins ARNm, tout comme elle est consciente du risque de modification du génome, mais elle « estime inutile de rentrer dans ce genre de questions encore non résolues, car le grand public pourrait s’en inquiéter et se détourner de la vaccination » (ibid., 25). L’extrait d’entretien avec ce praticien hospitalier membre de l’INSERM, donné plus loin, est édifiant lui aussi : « Personne ne va dire ouvertement qu’il pratique le noble mensonge en le nommant ainsi, mais j’ai entendu à la tête de mon service justifier qu’un médecin ou que le ministre mente sur la gravité de l’épidémie ou sur l’efficacité des mesures sanitaires. Il y avait toujours l’excuse de l’urgence qui incitait à ce que l’on soit dans l’outrance, la simplification et l’absence de nuance, quitte à dire des choses inexactes ou à procéder par omission en refusant par exemple de dire qu’on manque d’études de toxicité sur les vaccins, car c’était pour la bonne cause » (ibid., 51).

Voilà le cœur du problème : dans la communication, rien ne doit entraver le grand projet de vaccination générale de la population. L’épidémie est gravissime et le vaccin est la solution-miracle, un point c’est tout. Il n’y a pas à chercher plus loin. Cela s’appelle de la propagande et c’est indigne de personnes se présentant comme des scientifiques. Et pendant ce temps-là, sans qu’il y ait le moindre débat contradictoire organisé, le chercheur en question (L. Toubiana) se voit du jour au lendemain privé de crédits et d’équipe de recherche, se retrouvant seul « avec des collègues qui ne me parlent plus » (Ibid., 26). Une mise au placard que l’auteur de ces lignes connaît bien également. Ainsi l’INSERM a désinformé pour faire accepter le récit politique de la crise du Covid. Et B. Perrier montre que c’est également le cas sur d’autres sujets, par exemple les différences biologiques entre le cerveau des femmes et celui des hommes. Enfin, lorsqu’il propose au service de communication de l’INSERM de les interviewer, il se fait poliment éconduire : « j’en conclus que l’INSERM ne souhaite pas m’expliquer pourquoi et comment on peut tout à la fois s’engager dans la dénonciation des fake news et désinformer » (ibid., 29).

La corruption de la science, ce sont aussi tous ces pseudo-experts favoris des médias, qui sont venus justifier la propagande politique au nom de la médecine et de la science. C’est par exemple le néphrologue Gilbert Deray (spécialiste des maladies des reins, donc) venant expliquer à la télévision que le Covid provoquerait des atteintes neurologiques chez les enfants qui sont comparables à celles que l’on constate dans la maladie d’Alzheimer, ce qui est une pure invention, mais permet de donner un argument pour justifier la vaccination des enfants (ibid., 46-47). B. Perrier aurait dû prolonger ici l’analyse et faire une véritable analyse des conflits d’intérêts et des rapports au pouvoir de tous ces prétendus « experts » venant servir la soupe au gouvernement. Son sujet (l’obscurantisme) en aurait été fortement éclairé. Hélas, il ne l’a pas fait, semblant ne pas comprendre l’ampleur du problème et ne faisant que l’effleurer. On renverra donc ici à notre propre analyse des différents visages (qui ne sont pas que financiers) de la corruption de la science durant la crise du Covid (Mucchielli, 2022b et 2022d).

3. Misère du journalisme français

Les journalistes d’aujourd’hui aiment les idées simples. Le fact-checking en est la caricature, qui prétend démêler le Vrai du Faux sur n’importe quel sujet. Une plaisanterie qui connaît hélas un succès croissant, à mesure que les médias renoncent à financer de véritables d’enquête (Mucchielli, 2022c ; 2023). Le temps, c’est de l’argent. Et l’AFP vous mâche le travail. Il suffit d’en paraphraser les dépêches et d’y saupoudrer quelques verbatims tirés d’entretiens téléphoniques ou de « post » (message, en Français) sur les réseaux sociaux (X, de préférence). Brice Perrier est un journaliste indépendant. Il a travaillé pour plusieurs journaux et connait bien ce milieu professionnel. En novembre 2020, il propose à L’Express, journal pour lequel il a déjà travaillé, un sujet sur l’évaluation des interventions non médicamenteuses, à l’occasion d’un congrès international organisé à l’université de Montpellier. Une chef de rubrique lui répond que son journal défend « un rationalisme affirmé » et que, par conséquent, il est hors de question d’y parler des « médecines douces » (Perrier, 2024, 223), montrant par là qu’elle n’a rien compris au sujet. C’est la force des idées simplistes et des idéologies, il y a le bien et le mal, il suffirait de choisir son camp. Et tout est comme ça. Ce journal s’est ainsi distingué durant la crise du Covid pour son travail acharné de décrédibilisation de tous les scientifiques dénués de conflit d’intérêts qui osaient critiquer le gouvernement pour, en retour, assurer consciencieusement la propagande des décisions de ce dernier. Parallèlement, L’Express est au contraire devenu un des principaux relais médiatiques du lobby des No Fake Med et autres Citizen4Science, qui prétend pourfendre la « fausse science » pour ne laisser subsister que celle que pratiquent les industries pharmaceutiques (ibid., 225). L’Express ne veut pas non plus entendre parler d’une nouvelle association dénommée « Agence des médecines complémentaires et alternatives » (A-MCA), que ses artisans voudraient transformer en agence sanitaire publique pour réguler ce champ de pratiques médicales en plein essor.

Ainsi, comme le constate le Dr Gérald Kierzek, interviewé également par B. Perrier, « les journalistes sont devenus pour beaucoup des militants s’inscrivant dans une opposition caricaturale et simpliste entre pro et antiscience, pro et antivax, pro et anti-Raoult » (ibid., 228). B. Perrier le vérifie ensuite lors d’un colloque organisé en janvier 2022 par l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI) et intitulé « Raconter la science en temps de crise ». On y voit l’animateur interroger ses collègues sur le fait de « donner la parole à la désinformation », ce qui inclut manifestement à ses yeux toute forme de contestation de la politique sanitaire décidée par le gouvernement. Visée directement par la question, la directrice de la rédaction de BFM-TV répond que, fort heureusement, les « rassuristes » ont été rapidement écartés de l’antenne, seul subsistant un certain Didier Raoult, « un cas à part » (ibid., 230). On y voit alors Nicolas Martin (producteur de l’émission « La méthode scientifique » sur France Inter), se lancer dans une diatribe sur « ces gens qui nous font un mal colossal ainsi qu’à l’information scientifique », pour finalement justifier la censure (ibid., 231). Ainsi disparaissent tous les chercheurs aux avis différents, fussent-ils aussi connus et reconnus internationalement que John Ioannidis, Martin Kulldorf ou encore Jay Bhattacharya. Seul reste Raoult, qui est un trop bon client pour les médias. Mais, à l’image de N. Martin, les journalistes ne cachent pas leur haine pour le médecin et biologiste marseillais perçu comme « leader et symbole de la désinformation sur le covid, sans qu’il y ait besoin d’expliquer en quoi il avait désinformé » (ibid., 235). Ainsi voit-on Hervé Morin, responsable des pages médecine-science au journal Le Monde, déclarer nulles et non avenues les propositions de l’IHU de Marseille car elles seraient contredites par une montagne d’études sans pouvoir en citer une seule et en donnant en lien une référence qui renvoie… à un autre article de son journal qu’il a cosigné. Un bien confortable petit entre-soi. Plus sérieusement, B. Perrier cite le pharmacologue Bernard Bégaud évoquant « une faillite de la recherche clinique française, qui a débuté par une incapacité à évaluer le protocole du médecin marseillais » (ibid., 236). Et pour cause, ladite faillite a été organisée, il ne fallait surtout pas évaluer réellement le protocole de l’IHU, au cas où il risquerait de démontrer qu’il existait effectivement des médicaments adaptés sans avoir besoin d’attendre le vaccin-miracle (Mucchielli, 2022a). Des médicaments génériques ne coûtant presque rien de surcroît, quelle horreur !

Même chose au passage pour les publications de recherches constatant que certains médicaments anti-dépresseurs génériques semblaient protéger des formes graves de la maladie. A leur sujet, en février 2021, Le Monde titra sur « la piste fragile d’un traitement par le Prozac », mettant en avant les propos évidemment défavorables à ce traitement de l’épidémiologiste Dominique Castagliola membre important du petit groupe de désinformateurs de l’INSERM et habituée des médias. A la parution de leur article, Le Figaro titra sur « une étude controversée », « avec là encore un expert de service pour en minimiser l’intérêt » (Perrier, 2024, 237). Et même chose pour les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille qui avaient découvert le fort bénéfice thérapeutique du Clofoctol face au Covid (Belouzard et al., 2022). Ils sont passés inaperçus. Le quotidien Libération ne fut pas en reste. Ses fact-checkers se chargeant par exemple de réhabiliter les prédictions fumeuses de l’épidémiologiste anglais Neil Ferguson pour mieux pourfendre en retour les chercheurs qui le critiquent (ibid., 239-241). Comme leurs collègues « décodeurs » du Monde, emmenés par l’inénarrable William Audureau (passé tranquillement de la rubrique des jeux vidéo à celle de la santé, puis devenu expert en « complotisme », c’est la mode), ils défendront également les pseudo-justifications des confinements, et se battront becs et ongles contre « l’étrange obsession d’un quart des Français pour la thèse du virus créé en laboratoire » (ibid., 243). Le chiffre était tiré d’un sondage commandité par la Fondation Jean Jaurès (célèbre think tank émanant du Parti socialiste) qui s’est associé à Conspiracy Watch et à son directeur Rudy Reichstadt, déclarant au Monde, à propos de l’hypothèse de la fuite de laboratoire, que cette dernière révélait le « profond analphabétisme » de celles et ceux qui le croient (ibid., 243). Interrogé par Brice Perrier, M. Audureau se réfère à Guy Gorochow, un immunologiste de l’INSERM (décidément…), qui lui affirme « qu’il n’y a pas de discussion possible » sur cette question. Du coup, B. Perrier interviewe aussi M. Gorochow qui finit par admettre qu’il n’en a en réalité aucune certitude scientifique. Il se retourne ensuite vers M. Audureau qui le prend très mal et n’admet aucune contradiction (ibid., 243-244). Dans la réalité de la recherche scientifique, à laquelle tous ces gens ne connaissent rien, il eut pourtant été facile d’interroger aussi un virologue comme Étienne Decroly (directeur de recherche au CNRS) qui avait signalé que la fuite de laboratoire était une hypothèse plus que solide dès le mois d’octobre 2020 (Decroly, 2020 ; Sallard et al., 2020). Mais cela aurait alors conduit à creuser la question et s’interroger sur les manipulations génétiques effectuées dans les laboratoires virologiques de haute sécurité comme celui de Wuhan (Perrier, 2024, 245-247). Mon dieu, c’est vertigineux, vous n’y pensez pas ! Il est bien plus confortable de rester dans son petit coin de bureau à faire la publicité aux « gentils scientifiques » et à censurer ou bien tenter de discréditer les « méchants scientifiques ». Cela rassure les enfants. Le problème étant que le résultat d’un tel fonctionnement est précisément l’infantilisation et la tromperie des citoyens destinataires de ces « informations ».

Et ce n’est pas tout. Un tel fonctionnement militant et idéologique a aussi pour résultat de mettre une énorme pression sur l’ensemble des journalistes parmi lesquels se trouvent évidemment de nombreux esprits moins étriqués que ceux précédemment cités. Et le résultat de cette pression s’appelle l’autocensure. Ainsi, lorsqu’il contacte un journaliste scientifique « d’un grand quotidien » (Le Monde ?), « habitué à s’attaquer en profondeur à des sujets sensibles en matière de science et de santé », Brice Perrier l’informe qu’il travaille sur les effets secondaires des vaccins anti-covid, ceux-là même qui n’existent pas selon les « experts » du gouvernement comme M. Alain Fischer. Le journaliste lui répond alors qu’il a lui-même eu un effet secondaire le lendemain de la vaccination mais ajoute : « si je fais un article sur le vaccin Pfizer, je sais que ça va tuer des gens qui renonceront à se vacciner à cause de moi, donc je n’en fais pas », de même qu’il ne déclarera même pas son effet indésirable à la pharmacovigilance (ibid., p. 252). Brice Perrier conclut : « Sous couvert de responsabilité, d’une sorte de raison supérieure jugeant du rapport bénéfice-risque de l’information, l’autocensure journalistique a conforté le discours officiel en entravant le débat public par la mise à l’écart de données et de paroles indésirables. Résultat, des sujets non consensuels et des scientifiques aux prises de position minoritaires se sont retrouvés obscurantisés, ou cantonnés dans des médias dit de réinformation. Avec donc pour seules reprises des articles de fact-checking alertant sur des fake news » (ibid., 253).

Ainsi, comme dit très bien la journaliste suisse Myret Zaki dans la conclusion d’un livre collectif rassemblant une vingtaine de ses collègues (Zaki, 2024), « la culture du débat contradictoire se perd en faveur d’une culture plus ‘théologique’ qui consiste à sacraliser certains points de vue et à en démoniser d’autres. A manier le concept d’hérésie sans le dire, et à excommunier certains émetteurs d’opinions ». Ainsi fonctionne l’obscurantisme au pouvoir, que critique B. Perrier, « car il parvient à empêcher le débat, en retirant la légitimité à s’exprimer dans un espace public commun à ce qui s’oppose à la pensée dominante, le condamnant à la marginalisation, et incitant à la radicalisation » (Perrier, 2024, 261). Au demeurant, lui-même est désormais ostracisé dans la plupart des grands médias.

Conclusion : pourquoi n’ont-ils pas parlé à l’époque ?

Reproduisons d’abord la conclusion de Brice Perrier : « cet obscurantisme est celui d’un establishment, exercé par des personnes occupant des postes de pouvoir ou des influenceurs militants généralement eux-mêmes contre l’obscurantisme. Mais il a aussi plus largement le pouvoir sur des esprits, comme une idéologie ou même une religion que l’on se devrait de suivre puisqu’elle représente la raison qu’oblige le supposé consensus scientifique, avec des fidèles qui la pratiquent, notamment dans la presse, en jugeant nécessaire d’imposer comme expression du rationnel ce qui est plutôt du conventionnel. Dans une logique d’exclusion qui s’avère sectaire, et confine parfois au fanatisme » (ibid., 270).

Le constat est clair et convaincant. Certes il est sans surprise pour qui a déjà lu voire mené une enquête comparable, comme l’auteur de ces lignes (que Brice Perrier connaît très bien mais se garde bizarrement de citer, ne serait-ce qu’une seule fois). Et par moments il paraît même un peu superficiel tant il y avait de fil à tirer dans les sujets abordés (à l’exemple des différentes formes de corruption déjà évoquées). Mais il a l’immense mérite d’exister dans une profession qui s’éloigne de plus en plus du journalisme pour devenir progressivement une simple communication orientée par la vision du monde et les intérêts des puissances financières et politiques du moment.

Reste enfin à comprendre le double constat sur lequel s’ouvre le livre de Brice Perrier : l’existence de désaccords importants entre scientifiques durant la crise du Covid et (pourtant) l’absence de débat contradictoire au sein des institutions scientifiques. Le livre cite en effet dès le début l’interview de Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l’Académie des sciences et ancienne Présidente du CNRS. Et, surprise !, celle-ci déclare tranquillement à B. Perrier que « une lourde erreur a été commise en ne travaillant pas davantage à la recherche de traitements antiviraux alors qu’était matraquée l’idée que le vaccin permettrait d’arriver à une immunité collective à laquelle je n’ai jamais cru » (Perrier, 2024, 14). Son collègue de l’Académie des sciences, Miroslav Radman, ancien professeur de biologie cellulaire à l’Université de Paris et ancien directeur d’unité de recherche à l’INSERM, a la langue encore plus dure et parle ouvertement de la toxicité et des effets indésirables des vaccins ARNm (il transgresse donc le tabou suprême). Tous les deux critiquent également les modélisations mathématiques de Neil Ferguson, qui font dire au deuxième : « on avait besoin de prophètes de l’épidémie. Les modélisateurs ont joué ce rôle en suscitant la peur qui a permis de faire accepter n’importe quoi » (ibid.). Diantre ! Nous ne disons pas autre chose depuis quatre ans et cela nous a pourtant valu l’ostracisation par la voix de l’actuel PDG du CNRS ! Si nous sommes si nombreux à ne pas avoir été bernés intellectuellement, comment se fait-il que cela ne se soit pas vu ni entendu davantage ? Ces deux mêmes illustres savants répondent en témoignant de pressions qui se sont exercées. C. Bréchignac déclare ainsi : « un petit groupe a su imposer son discours reposant sur les modélisations catastrophes présentées par l’épidémiologiste Dominique Costagliola. Nous étions plusieurs à trouver ces modélisations fausses et à nous demander pourquoi on la laissait encore parler, mais ce petit groupe était complètement inféodé à sa ligne et il était impossible de la remettre en cause. On ne peut pas discuter avec ces fanatiques » (ibid., 15). « Alors que le Covid était l’ennemi public numéro un, pas un seul symposium purement scientifique n’a été organisé », enchaine Radman. Et Bréchignac de conclure : « Il n’y a rien eu, car on ne pouvait rien dire » (ibid.). Avouons que l’on a un peu de mal à imaginer une personnalité scientifique de la carrure de C. Bréchignac se faire clouer le bec par un petit groupe emmené par D. Costagliola, tant il semble évident qu’elles ne jouent pas dans la même catégorie. Mais le livre ne nous en apprendra hélas pas davantage. Il citera simplement un jeune médecin hospitalier parisien préférant rester anonyme (on le comprend) et déclarant ceci : « si je disais publiquement que l’on ne prend pas assez en considération la question des effets secondaires des vaccins à ARNm, dont la toxicité n’est pas suffisamment étudiée, j’aurais des soucis avec mon supérieur hiérarchique et le bon déroulement de mes projets professionnels en serait impacté. Pourtant il y aurait beaucoup à dire » (ibid., 16).

En d’autres termes, et pour conclure, on vérifie dans toute cette affaire qu’il n’y a jamais eu aucun « consensus scientifique » sur aucun des aspects de la gestion politico-sanitaire de la crise du Covid. Et l’on comprend que ce n’est pas par l’argumentation et la conviction que certains ont imposé leurs opinions à tout le monde, mais par la suggestion (au sens de la psychologie sociale) et par la menace.

Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS

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Références

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À lire aussi

"J’ai soigné les malades du Covid": entretien avec le Dr Bernard Giral

05/11/2024

Le docteur Bernard Giral est médecin généraliste à Fontvieille et président de la CTPS (Communauté territoriale professionnelle de santé) du pays d’Arles (Bouches-du-Rhône). Lorsque l’épidémie de Covid est arrivée en France début 2020, il fait partie de la courageuse minorité de médecins qui ont refusé les consignes mortifères d’inaction des « autorités sanitaires » parisiennes (restez chez vous, prenez du Doliprane, appelez les services d’urgence en cas de détresse respiratoire). Il a au contraire soigné les gens, principalement avec le protocole de l’IHU de Marseille, et avec une totale réussite puisque aucun des quelques 1 500 malades soignés n’est décédé. Son action est très reconnue localement (voir par exemple ici la cérémonie de remise de la médaille de la ville il y a quelques mois), mais demeure inconnue ou impensée des autorités centrales. Elle confirme une fois de plus que la première cause de mortalité durant l’épidémie de Covid de 2020-2022 ne fut pas le virus en lui-même mais le refus de soigner les malades. Ce refus était de nature idéologique et il était éminemment contraire au fondement même de l’éthique médicale. L’action du Dr Giral démontre par ailleurs que les déserts médicaux ne sont pas une fatalité et qu’il existe des façons de s’organiser collectivement et de créer de véritables dynamiques locales lorsque l’initiative part d’en bas (des professionnels et des bénévoles de terrain) plutôt que de tomber d’en haut (des cabinets ministériels et de leurs consultants privés).

3 Commentaire(s)

  1. Bien, voilà un « à lire » plutôt solide dans son argumentation.
    J’y découvre la « zététique » doutante -mais aussi « douteuse » puisque présente sur un site douteux : celui du ministère de la culture (https://www.culturecheznous.gouv.fr/la-tronche-en-biais-chaine-youtube).

    Néanmoins, je reste convaincu que
    – les files d’attente devant des lits de réanimation,
    – le tri par l’âge des malades, entre ceux « à sauver » et ceux « à sacrifier »
    nécessitaient la prise de mesures d’urgence (masque, confinement),
    quand bien même les gouvernements successifs étaient cause de la détresse matérielle de hôpitaux. Le réel, c’est le présent, quelles que soient ses causes passées et ses conséquences futures. Causalisme, conséquentialisme, il faut se démerder avec ça au présent, cad avec la certitude du passé et l’incertitude de l’avenir ; la responsabilité étant le surnuméraire axiologico-politique de la chose.

    Néanmoins, le doute reste une vraie vertu ; le doute des honnêtes gens !
    Par exemple, le doute « méthodologique » (celui de Descartes) n’est pas systématique comme celui des sceptiques ou des agnostiques (inconnaissabilité du réel). Ce doute cartésien, lui, débouche triomphalement sur une certitude : « je pense donc je suis ». Ce doute en pensée (idéelisme) produit une certitude matérielle : je suis (matérialisme : y’a de l’être ailleurs qu’en pensée, être qui préexiste à la pensée, être qui résiste à la pensée),
    En poussant le trait on pourrait dire que voilà un bel exemple de dépassement d’une chose en son contraire. Je peux penser toutes les faussetés du monde, il en sortira toujours la vérité « indubitable » que « je suis », puisque :

    – le déterminant de la pensée c’est la vie matérielle DANS DES RAPPORTS SOCIAUX (praxis) nous dira Marx plus tard (« l’essence de l’homme c’est l’ensemble des rapports sociaux » (5 ou 6ième thèse sur Feuerbach)) en poursuivant ainsi la réflexion de Descartes.

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